La fin du rêve spatial : désormais les navettes ne sont plus bonnes qu’à remplir les musées <!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
International
La fin du rêve spatial : 
désormais les navettes ne sont plus 
bonnes qu’à remplir les musées
©

Adieu !

Après vingt-sept ans de conquête spatiale et d'avancées technologiques, la navette spatiale américaine Discovery tire sa révérence et prend sa retraite dans un musée. Une fin de carrière pour un matériel devenu extrêmement cher à entretenir et en passe d'être remplacé d'ici 2015.

Antony Angrand

Antony Angrand

Antony Angrand est journaliste spécialisé en aéronautique civile et militaire. Il a travaillé pour les revues  Air & CosmosAviation Design, puis est devenu rédacteur en chef d'Ailes Magazine, et d'Aviation Actu entre autres. En 2011, il publie De le Terre à la Lune : La conquête spatiale américaine de Mercury à Apollo aux éditions ETAI. 

Voir la bio »

Atlantico : La navette spatiale Discovery a effectué son dernier vol et sera désormais exposée dans un musée. Suivront d'autres grandes stars de la conquête spatiale telles que la navette Enterprise. Peut-on parler de la fin d'une époque pour l'ère spatiale ?

Antony Angrand : Il est vrai que Discovery était la première des navettes. Mais c'est aussi un des véhicules spatiaux les plus chers à entretenir. En effet, en dépit de leur apparence, aucune navette n'est similaire à l'autre, suivant les changements qui ont été effectués sur leur équipement pendant toute leur carrière. Il faut les modifier a chaque fois pour des missions très spécifiques, ensuite il faut des équipements propres installées sur certaines navettes, et enfin les avancées technologiques font que certains matériaux sont obsolètes avant même d’avoir été mis en service.

Pendant longtemps, la NASA a cru que c’était le meilleur équipement pour mettre des satellites en orbite ou envoyer des astronautes sur les stations spatiales. Mais chemin faisant, il s’est avéré que c’était une fausse bonne idée, car le principe de base de la navette était de remplacer les fusées qui avaient le défaut - en dehors de la Grosse Saturne qui avait permis la conquête de la lune - d'être des modules qui ne pouvaient être utilisés qu'une seule fois. Avec la navette, les scientifiques pensaient avoir trouvé un véhicule plus pratique parce que réutilisable à volonté.

Mais il a fallu faire face à de nombreux problèmes : en 2003, des fissures dans les tuiles thermiques ont causé la mort des sept astronautes et des débris ont été retrouvés à divers endroits de la Floride. En raison de leurs défaillances, les tuiles n'avait pas permis à la navette de supporter l’intensité de la chaleur produite lors de son entrée dans l’atmosphère. 

Le vieillissement du matériel faisant, les choses ne se sont pas arrangées et la maintenance de ces modules est de plus en plus onéreuse, alors que la polyvalence que l’on espérait reste très limitée.

Discovery est en service depuis 1984, c'est-à-dire depuis vingt-sept ans. Cette longévité est-elle exceptionnelle pour un matériel spatial ?

La longévité de Discovery n’est pas étonnante. Soyouz, le lanceur russe, est bien plus âgé puisqu'il date des années 60 et est encore en service actuellement. Pour les Russes, c’est un matériel qui est solide et durable et a d'ailleurs été construit pour l'être. Dans le cas des navettes, le concept d’emploi est différent : ce n’est pas un véhicule de transport spatial traditionnel, en effet, elle ressemble plus à un avion qu’à un vaisseau spatial. D'ailleurs, lors de son inauguration en 1984, un article de Sciences&Vie l’avait qualifié de « planeur hypersonic », ce qu’elle est.

Au-delà de leurs poids financier, quelle fut son importance dans la conquête de l’espace ?

Sa contribution à la conquête de l'espace est considérable. C’est l'un des véhicules qui a mis le plus d’astronautes dans l’espace. Et pas uniquement des américains, puisque des russes et des européens ont eu l’occasion de monter à bord. Des échanges ont eu lieu avec d’autres nations - telles que l'Iran ou le Japon - qui n’avaient pas à leur disposition les mêmes innovations technologiques en matière de conquête spatiale.

Elle a mis en orbite le télescope Hubble et permis sa réparation à de nombreuses reprises. C’est définitivement un pas de géant dans l’étude et la découverte spatiale. D’autre part, elle a largement participé aux ravitaillements de deux stations dans des conditions de sécurité, à défaut d'être novatrices, tout au moins intéressantes.

Vous avez évoqué précédemment le coût de l'entretien de ces navettes. Il est vrai que sa mise en exposition a été motivée par l'arrivée d’un nouveau matériel disponible d’ici 2015. Concrètement, sait-on ce que seront les nouveaux équipements ?

A l’heure actuelle c’est très compliqué, car à l’origine il était prévu que le remplacement de la navette spatiale ce fasse via la reconquête de la lune. En effet, sous l’administration Bush, le gouvernement nourrissait l’espoir de se lancer à la conquête de la lune pour ensuite pouvoir aller sur Mars, car finalement, la planète rouge était toujours restée comme l’objectif idéal à atteindre. 

Cependant, il a fallu trouver les moyens d’accès à la lune et pour ce faire on n'avait d'autre choix que de revenir sur de gros transporteur, c’est-à-dire des fusées dont le mode de propulsion est plus adapté. Pour autant, on ne voulait pas abandonner la poursuite des recherches des stations spatiales, donc toute la gamme de véhicules construits pour aller sur la lune devaient être déviés afin d’assurer les transports d’astronautes vers les stations.

Après son élection en 2008, Barack Obama a estimé, et avec raison, que ce programme était beaucoup trop onéreux et il a été annulé. Seuls quelques éléments ont survécu : le programme d’un lanceur classique, une fusée toute simple en fait, et d’autres petits programmes issus de sociétés privées, avec la proposition de deux lanceurs et un projet de planeur hypersonic semblable à la navette, mais avec des matériaux différents puisque la capsule se compose de matériaux composites qui permettent de palier au réchauffement thermique lors de l’entrée dans l’atmosphère. Ces matériaux règlent aussi toutes les questions de mise en orbite, puisque cela nécessite une poussée spécifique afin d’échapper plus facilement et plus rapidement à la gravité terrestre.

Ainsi, le matériel qui succédera nous permettra juste de retourner sur la lune et pas d’aller plus loin dans le projet de la conquête de Mars ?

Non pas forcément, mais il faut bien comprendre que dans le domaine spatial, le nerf de la guerre c’est l’argent. Quand il a été question de la conquête de la Lune dans les années 60, c’était motivé par le compétition entre le bloc Est et le bloc Ouest. Maintenant que toute propagande est inutile, c’est l’argent qui motive les recherches et dans la conjoncture actuelle ce n’est pas facile. Aujourd’hui, les navettes telles que Discovery ne sont pas rentables, à supposer qu’elles l’aient été à un moment ou à un autre de leur carrière.

D’un autre côté, les scientifiques ont désormais tout leurs temps devant eux pour préparer la conquête de Mars. Déjà à la fin des années 1990, des équipes avaient été envoyées dans le Nevada, pour reconstituer à peu près les capsules et les modules vies censées servir d’habitation une fois sur place, mais en dehors de ces simulations rien de concret n’a été fait.

Propos recueillis par Priscilla Romain

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !