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Le gouvernent ne peut pas céder sur les réformes. Mais le durcissement des conflits lui fait courir des risques plus économiques que politiques
©ALAIN JOCARD / AFP

Business

SNCF, Air France, fonction publique, étudiants. Le durcissement des conflits sociaux peut permettre à Emmanuel Macron de démontrer sa détermination à réformer, mais ça n’est pas sans risque.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Le début de la grève à la SNCF risque de perturber assez gravement, lundi soir, les retours de weekend et surtout la reprise du travail mardi. Les modalités de la grève choisies par la CGT et SUD-rail sont d’ailleurs considérées comme extrêmement inquiétantes par les entreprises qui ont besoin du train, par les usagers de la région parisienne et par les voyageurs français et étrangers. Cette idée très nouvelle, de faire grève pendant deux jours et en gros tous les trois jours va alléger au minimum le cout pour les grévistes, alors que l’impact du conflit va être maximum dans la mesure où ça va dérégler tous les plannings de logistique ou même de production.

Sur deux mois, ça peut créer un désordre invraisemblable dans le système et dans la tête des Français.

D’autant qu’au conflit des cheminots s’ajoutent les arrêts de travail chez les pilotes d’Air France, ce qui paralyse le transport aérien - et la nervosité du public des étudiants qui sont remontés par l’extrême droite et l’extrême gauche, des courants traditionnellement très présents dans les facultés de droit, de lettres et de sciences.

La multiplication de ces mouvements trouve dans la fonction publique, qui se croit menacée par les ambitions de réformes, un écho très favorable. La grève de la SNCF peut coaguler la mauvaise humeur des services publics dont les personnels ne comprennent pas les critiques dont ils sont l’objet. Les fonctionnaires ont d’ailleurs du mal à accepter les raisons de l'insatisfaction des usagers. Tout cela compose une équation sociale très compliquée.

Donc, on n’est sans doute pas au bord d’une contagion nationale avec explosion, comme le rêve la France insoumise, mais nous sommes au bord d’une situation très énervée et très énervante pour les Français du secteur privé, qui ont besoin du train ou de l'avion pour travailler.

Les revendications ne sont d’ailleurs guère entendues. Les cheminots font grève pour défendre un statut qui n’est pas menacé pour les personnels en place et les pilotes d’Air France revendiquent des augmentations de salaires alors que la compagnie n’est pas en bonne santé et eux, en revanche, sont parmi les salariés du transport aérien les mieux payés. On marche un peu sur la tête.

Ceci dit, à partir du moment où le mouvement de grève perturbe la vie quotidienne, les français, dans leur majorité, vont souhaiter assez rapidement que ça cesse, parce qu’ils vont penser que le pays aurait plus à perdre à s’entêter dans la réformes, qu’à amender les aspects les plus provocants.

Dans les allées du pouvoir, du côté de l’Elysée, on estime que la généralisation de la grève va évidemment provoquer des dégâts dans l’immédiat mais on pense aussi que de renoncer devant cette menace aux réformes engagées entrainerait des dégâts irrattrapables pour l’avenir. 

Et c’est vrai qu’en toute logique, Emmanuel Macron ne peut pas donner l’impression de céder à des revendications qu’il estime purement catégorielles et très marginales (les cheminots). Elles sont simplement dopées par une opposition politique qui n’a pas beaucoup d’occasion de s’exprimer autrement.

Il n’y a pas intérêt principalement pour des raisons économiques. Toute sa stratégie est fondée sur la nécessité de faire repartir la maison France, de regagner en compétitivité et de revenir dans la compétition mondiale. Pour ce faire, il faut que l’entreprise France marche à tous les niveaux, dans tous les secteurs. Un seul objectif, retrouver une performance pour regagner des marges.

Emmanuel Macron a toujours été convaincu que le problème de ce pays était principalement économique. Il l’a expliqué pendant la campagne électorale. « Retrouvons de l’activité, donc de l’emploi, donc des moyens, et nous sortirons les populations les plus fragiles de l’ornière dans laquelle la modernité les a fait tomber ».

Les réformes socio-économiques (travail, fiscalité, services public) sont essentielles à la réalisation de ses objectifs.

Dans ces conditions, il court deux types de risques.

Un, si Macron, cède aux cheminots de la Sncf, il sera obligé de céder à toutes les autres revendications et du coup, il perd son crédit. Sa politique et sa stratégie perdent toute légitimité. Les entrepreneurs et les investisseurs qui ont parié sur le bien fondé de sa stratégie vont se retourner et rentrer chez eux.

Deux, si les mouvements sociaux se durcissent devant un Macron intraitable, les entrepreneurs et les investisseurs vont considérer que décidément ce pays, -la France- est sympathique mais irréformable donc inapte à la compétition mondiale.

Dans les deux cas, les dégâts seront importants en termes de crédit et de confiance. Alors pour limiter les dégâts, Emmanuel Macron ne peut évidemment pas céder et baisser les bras. Ceci dit, il ne lui est pas interdit d’être malin.

Les syndicats (les chefs) savent bien que la réforme est inévitable sinon la France va s’autodétruire toute seule et dans ce cas, les syndicats qui ne sont déjà pas très flambants vont mourir avec le pays, son industrie et ses entreprises.

Il faut donc les écouter en profondeur et prendre en compte la vérité de leurs demandes. Les syndicats de la CGT ou de SUD ne demandent qu’à exister. Il doit bien y avoir un moyen dans ce pays pour qu‘ils existent sans qu’ils soient contraints de mettre le feu au système de production pour être écoutés.

Dans la plupart des pays de l’Europe du nord (pas seulement en Allemagne), les syndicats sont beaucoup plus puissants, et les pays ne sont jamais paralysés par le jeu des relations sociales, qui restent quoi qu’on dise assez fluides et constructives.

La culture du compromis, ça existe. En général c’est un produit de l’intelligence. Alors que la culture du conflit n’a souvent servi qu’à compter les morts.

La crise comme la pauvreté peuvent rendre intelligent, comme disait Machiavel. Il parlait bien sur de la crise que doit assumer le pouvoir politique et de la pauvreté que doivent combattre les syndicats. 

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