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Dans la tête des Français : Cours camarade Macron, le vieux monde n’est plus très loin derrière toi
©AFP

Jeu du loup

Dans la lignée de la séquence POP2017, Bruno Cautrès accompagne BVA pour suivre le quinquennat. Nous vous proposons de découvrir le billet de cette semaine.

Bruno Cautrès

Bruno Cautrès est chercheur CNRS et a rejoint le CEVIPOF en janvier 2006. Ses recherches portent sur l’analyse des comportements et des attitudes politiques. Au cours des années récentes, il a participé à différentes recherches françaises ou européennes portant sur la participation politique, le vote et les élections. Il a développé d’autres directions de recherche mettant en évidence les clivages sociaux et politiques liés à l’Europe et à l’intégration européenne dans les électorats et les opinions publiques. Il est notamment l'auteur de Les européens aiment-ils (toujours) l'Europe ? (éditions de La Documentation Française, 2014) et Histoire d’une révolution électorale (2015-2018) avec Anne Muxel (Classiques Garnier, 2019).

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Le dernier baromètre politique BVA (Orange-RTL-La Tribune) marque une nouvelle baisse de la popularité d’Emmanuel Macron (-3 points à 40% d’opinions positives) et d’Edouard Philippe (-5 points à 43% d’opinions positives). Ces tendances confirment ce qui ressort de toutes les dernières enquêtes d’opinion : le temps de la « bienveillante » patience des Français vis-à-vis du plus jeune Président de la Vème République semble révolu et l’on voit progressivement s’affirmer des lignes de clivages et d’oppositions. Rien ne le montre de manière plus riche et plus subtile que l’analyse des questions ouvertes posées sur les bonnes ou mauvaises opinions à propos des deux têtes de l’exécutif. 

Les verbatims de ces questions ouvertes font apparaître un tableau plus clivé encore que les indicateurs classiques de popularité.  Si l’on retrouve la forte corrélation entre les jugements exprimés sur les deux têtes de l’exécutif, leur contenu révèle que derrière cet apparent parallélisme se cache une vraie asymétrie : dans les jugements positifs le Président fait l’objet de verbatims plus fortement positifs que son Premier ministre mais dans les jugements négatifs il fait face à des critiques plus acerbes. 

Le répertoire des mots positifs utilisés à propos du Président souligne son charisme, sa stature de chef, son aura internationale, son dynamisme et sa forte cohérence ; ceux employés à propos du Premier ministre mettent en exergue son sérieux, sa loyauté, son courage, son style discret et compétent. 

Lorsque les jugements sur le Président sont négatifs on retrouve l’image du « Président des riches » (« il mène une politique anti sociale et câline les plus riches » dit un sympathisant communiste qui a voté Mélenchon au premier tour et Macron au second), de celui qui n’écoute pas le pays (« un petit dictateur » exprime un sympathisant LR qui a voté Fillon au premier tour puis s’est abstenu) et veut décider de tout sans construire le consensus. 

Lorsque les jugements sont négatifs sur Edouard Philippe c’est principalement son absence d’autonomie face à Emmanuel Macron qui est caricaturée. Il est le « bras armé d’Emmanuel Macron » dit un sympathisant et électeur de LFI, il a « une attitude de soumission au président révoltante » dit un électeur de Benoit Hamon, « en quoi se différencie-t-il du président pour lui faire une analyse personnelle ? » s’étonne un sympathisant socialiste qui a voté Hamon au premier tour puis Macron au second. 

En somme, la structure des jugements positifs sur les deux têtes de l’exécutif décrit un « scénario bleu ciel », un couple formé du charisme et du dynamisme allié au sérieux et à l’efficacité ; la structure des jugements négatifs décrit un « scenario rouge écarlate », le tableau d’un despote au service des riches, allié à son ombre qui lui obéit sans état d’âme et sans autonomie. 

Le moins que l’on puisse dire est que cette double structure narrative s’éloigne singulièrement du projet d’inspiration centriste d’Emmanuel Macron. Par un curieux paradoxe, Emmanuel Macron et Edouard Philippe, deux hommes qui ont construit leur parcours politique sur l’idée d’une politique de consensus, ne suscitent pas chez les Français de jugements consensuels… 

Lorsque l’on passe les deux structures narratives mises à jour au scanner des votes des personnes interrogées, apparait au grand jour le champ de la bataille politique d’aujourd’hui : 80% de ceux qui ont voté pour Emmanuel Macron au premier tour s’expriment dans les mots du « scénario bleu ciel », celui de la « dream team » Macron/Philippe ; 80% de ceux qui ont voté pour Jean-Luc Mélenchon et 79% de ceux qui ont voté pour Marine Le Pen s’expriment dans les mots du « scenario rouge écarlate », celui des enfers du despote éloigné du peuple, servi par son double. 

On voit aussi la perturbation introduite par l’élection d’Emmanuel Macron sur la gauche et la droite et les limites de cette perturbation : si 39% des électeurs de François Fillon perçoivent le couple exécutif en « rouge écarlate », 49% le juge en « bleu ciel » ; même chose, mais nettement plus déséquilibrée, dans l’électorat de Benoit Hamon où le rouge l’emporte largement sur le bleu (67% contre 28%). 

Les univers sémantiques des mots employés par les Français pour parler du couple exécutif traduisent que les opinions négatives sont non seulement en train de se structurer plus fortement et plus durement, mais que leurs logiques politiques se sont mises en œuvre : le « vieux monde » n’a pas disparu même s’il est convalescent. 

Au fait, l’Elysée s’était posé la question cet automne (avant d’y renoncer) de faire des cinquante ans de mai 68 un moment de réflexion sur l’utopie et la rencontre de celle-ci avec le réel. Pas de doute qu’Emmanuel Macron, né une décennie après, a retenu l’un des slogans de mai 68 : « Cours camarade (Macron), le vieux monde est derrière toi », sinon… A bon entendeur ! 

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