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Ces autres malheureux de la SNCF, oubliés de tous, eux...
©JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP

Les oubliés du rail

Alors que le statut des cheminots est en plein cœur de l'actualité, une autre question, beaucoup moins médiatique, se pose : celle des "oubliés de la LGV". Ces riverains des lignes à grande vitesse subissent de plein fouet les nuisances sonores des trains et éprouvent un fort sentiment d'abandon.

Jean-Pierre Vogel

Jean-Pierre Vogel

Jean-Pierre Vogel est sénateur LR de la Sarthe.

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Atlantico : Dans un contexte de conflit sur la question des cheminots, la SNCF et l'Etat sont également attaqués pour un mal absent du débat public, sur la question de ceux que l'on appelle les "oubliés de la LGV" qui ont été les victimes de la TGVisation de la France au cours de ces dernières années. Quelles sont les situations personnelles de ces personnes ? En quoi leurs conditions de vie ont-elles pu être modifiées par l'arrivée de la LGV sur leurs territoires ?

Jean-Paul Vogel : Déjà il faut reprendre au point de départ. Il y a eu un certain nombre de concertations il y a plusieurs années avant la promulgation de la notion d'intérêt public et les discours ont été extrêmement bien organisés par Eiffage qui a axé sur le volet environnemental. Lorsque les gens posaient des questions sur les possibles nuisances sonores se voyaient répondre que cela serait l'équivalent du bruit d'une machine à laver. Je suis allé moi-même sur le terrain avec un sonomètre pour me rendre compte de la gêne occasionnée  et, effectivement, à 100 mètres ou 150 mètres des lignes  on peut avoir des pics sonores à 97 décibels. A l'intérieur des maisons il n'est pas difficile d'imaginer que c'est invivable.

Il y a donc un réel sentiment de trahison aujourd'hui et contrairement  à NDDL on a là affaire à des gens qui sont raisonnables dans leur discours et pour qui leur maison est leur seul patrimoine et pour qui la situation est devenue invivable. Il y a des cas de dépression qui ont été identifiés et notifiés à l'ARS par quelques maires. Il y a toute une population qui est désespérée du fait de cette problématique sonore et vibratoire d'une part mais aussi à cause de la dévaluation de leurs maisons. Dans certains cas, certains professionnels de l'immobilier parlent de dévaluation de l'ordre de 30 à  60% en fonction de la proximité avec les lignes et beaucoup songent à partir.

Quelles sont les conséquences de la situation sur votre territoire ? Entre les personnes qui peuvent se permettre de quitter les zones considérées et celles qui ne le peuvent pas, quelles sont les évolutions observables sur le terrain ?

Aujourd'hui il semblerait que dans le seul département de la Sarthe il y aurait 1800 personnes de concernées d'après les chiffres de l'association "Le Cri" avec une quarantaine de communes impactées au total. Parmi ces 1800 personnes, un grand nombre n'ont aucune solution de substitution. S'ils vendent leur maison avec une dévaluation de 60% ils n'auront absolument pas le capital nécessaire pour pouvoir réinvestir dans une nouvelle habitation. Lorsque nous avons rencontré le ministre Nicolas Hulot, il se demandait lui-même comment l'on avait pu arriver à une telle situation et un tel décalage entre l'acceptation du projet initial et son rejet quand il a été finalisé.

Plusieurs solutions sont à étudier. On peut imaginer une aide au déménagement pour les habitations les plus exposées, dans d'autres cas l'on pourrait améliorer la situation avec des rehaussements des murs anti-bruit mais la solution qui serait la plus simple et qui serait la moins onéreuse serait de ralentir les trains de 320 à 250km/h sur certaines zones car l'on sait que le bruit augmente de manière exponentielle avec la vitesse. Cette solution pourrait permettre de réduire le bruit de 30 à 40%.

On espère maintenant pouvoir discuter avec SNCF Réseau et s'il n'y a pas de solution rapidement on ira vers des procédures judiciaires individuelles pour faire constater les nuisances et obtenir des dédommagements. Il y a  déjà un certain nombre de jugements qui ont été rendus dans le sud de la France et qui ont été favorables aux riverains qui subissaient ces nuisances donc c'est possible. Et enfin, dernier phénomène, les élus subissent une double peine. Ils sont avec les riverains pour défendre leurs administrés et leurs propres administrés demandent aux élus de réduire les valeurs locatives de leurs habitations au regard des nuisances. Cela risque d'être une perte de recette supplémentaire pour les collectivités à l'heure où l'Etat est en train de les faire se serrer la ceinture.

Quels pourraient être les risques si l'Etat ou le groupe SNCF ne prenaient pas de mesures concrètes pour aider ces gens qui éprouvent comme vous l'avez dit ce fort sentiment d'abandon?

Le problème c'est qu'il y a un fort ressentiment de la part de ces populations. A mon avis il va y avoir des actions de grande ampleur menées par des riverains complètement excédés. On essaye de contenir des "excès" mais on n'est pas à l'abri que certaines initiatives individuelles débouchent sur des actes. Nous avons entendu des gens dire qu'ils voulaient placer des objets sur les voies, certains voulaient déverser des citernes de purin sur rails par exemple. le message que l'on fait passer est que les passagers dans les trains n'ont rien à se reprocher et qu'il ne faut pas mettre leur sécurité en danger. Plus raisonnablement cela pourrait aussi aboutir à de larges actions qui auraient pour but de bloquer des gares par exemple.

J'ai eu l'occasion de remettre une lettre en main propre au Premier ministre et à la ministre de la Santé il y a une semaine. Cette lettre avait été rédigée par le collectif des riverains impactés pour attirer leur attention sur la nécessité de trouver des solutions très rapidement. Aujourd'hui nous sommes toujours en attente d'une réponse de la SNCF et je crains qu'à force de jouer avec les nerfs des gens la situation dégénère

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