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Black Mirror, en Chine c’est maintenant : l’Empire du milieu use et abuse de la reconnaissance faciale
©Greg Baker / AFP

Intelligence artificielle

L'usage des technologies de reconnaissance faciale se généralise en Chine soulevant l'inquiétude de nombreuses ONG et observateurs internationaux qui pointent les dérives que pourraient entraîner l'usage massif de cette technologie comme moyen de surveillance généralisé.

Jean-Vincent Brisset

Jean-Vincent Brisset

Le Général de brigade aérienne Jean-Vincent Brisset est chercheur associé à l’IRIS. Diplômé de l'Ecole supérieure de Guerre aérienne, il a écrit plusieurs ouvrages sur la Chine, et participe à la rubrique défense dans L’Année stratégique.

Il est l'auteur de Manuel de l'outil militaire, aux éditions Armand Colin (avril 2012)

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L'usage des technologies de reconnaissance faciale se généralise en Chine soulevant l'inquiétude de nombreuses ONG et observateurs internationaux qui pointent les dérives que pourraient entrainer l'usage massif de cette technologie comme moyen de surveillance généralisé. A quel point ces technologies sont présentes dans la vie des citoyens chinois sans forcément que ces derniers s'en rendent compte ? 
Jean-Vincent Brisset : Les médias occidentaux se sont émus de concert, à l’automne dernier, de la prolifération des caméras de surveillance en Chine. Leur nombre était alors estimé à 170 millions et devrait tripler dans les trois années qui viennent. Pour une population de 1,4 milliards d’habitants, c’est une densité très forte, sans doute la plus forte du monde (on estime qu’il y a 1 million de ces caméras en France). Toutefois, le pourcentage de caméras équipées d’un système de reconnaissance faciale relié à un système de fichage centralisé reste sans doute encore faible, mais cela devrait aussi évoluer rapidement. 
On voit aussi que les caméras, comme dans beaucoup d’autre pays, ne sont pas toutes mises en place et gérées par une autorité centrale. Outre les applications sécuritaires, elles sont de plus en plus employées pour d’autres applications nécessitant une identification positive, transactions diverses en particulier. 
Il faut aussi comprendre que, dans la société chinoise, la vie privée n’est pas aussi « protégée » qu’elle peut l’être en Occident. C’était déjà le cas avant 1949. Le Parti communiste chinois avait encore réduit cette vie privée  en ajoutant un quadrillage/surveillance de la population, largement facilité par le fait qu’elle est longtemps restée très peu mobile. Une surveillance permanente par des caméras est donc culturellement beaucoup plus acceptable que pour des Occidentaux. 
Au-delà des inquiétudes orwéliennes, a quoi pourraient servir très concrètement ces technologies pour le pouvoir central ?
La sécurité intérieure est, depuis toujours, la principale préoccupation des gouvernants chinois, car elle est la garantie de la survie du régime. Les caméras sont donc un des instruments utilisés pour détecter le plus en aval possible toute brèche dans le dispositif. 
Mais l’utilité d’un système de surveillance vidéo dépasse largement les simples questions de lutte contre la délinquance et/ou le terrorisme ou de prévention de l’incivisme. Combiné avec le croisement de tous les fichiers possibles, c’est en train de devenir l’un des moyens de « connaissance » individuelle de chaque citoyen. Il faut comprendre que, malgré un fichage assez généralisé, l’Etat chinois a encore beaucoup de mal à gérer, sur l’ensemble du pays, des phénomènes comme les « enfants noirs », ces quelques millions d’enfants nés en infraction à la politique de l’enfant unique et dépourvus d’existence officielle. Les migrations internes, très mal contrôlées, concernent aussi des dizaines de millions d’individus.  Le tout dans un contexte où certaines autorités provinciales ont longtemps été réticentes pour coopérer avec Pékin. Le gouvernement central veut donc  mettre en place, pour 2020, un système de « réputation » de tous ses citoyens, qui se verraient attribuer une note de « crédit social » qui dimensionnerait leur espace de liberté individuelle. 
Comme le faisait remarquer Tristan Nitot, auteur de « Surveillance:\\ », le fait de se sentir surveillé en permanence amène les individus à se conformer à plus de normalité. C’est très exactement ce que recherchent les autorités, dans un pays où le respect des normes est plus important que partout ailleurs et est perçu comme le garant de la paix sociale. 
Comment expliquer que la Chine soit déjà l'Etat le plus avancé au monde en matière de surveillance ? Quelle est la responsabilité des BATX et de manière plus générale de l'écosystème numérique chinois dans le développement de tels programmes ? 
La Chine Populaire était déjà, dès les premières années du pouvoir maoïste,  l’Etat le plus avancé du monde en matière de surveillance de ses citoyens. Elle s’est simplement adaptée à des avancées  technologiques, relativement simples et peu couteuses, qui lui permettent de remplacer un système basé sur des citoyens se surveillant mutuellement quand ils étaient très peu mobiles par un autre capable de les suivre en permanence et en temps réel. 
Les BATX et tout l’écosystème numérique chinois ont bénéficié de l’isolement d’un pays où l’accès aux grands acteurs mondiaux n’est possible qu’en passant par des VPN et est donc réservé à une partie assez limitée de la population. Ils semblent donc  être largement impliqués dans ces programmes de surveillance, en mettant toutes leurs données aux organismes qui en sont chargés. Mais ils semblent aller plus loin. Par exemple,  Baidu s’est investi dans l’intelligence artificielle et il se dit que les énormes fabricants de GSM  que sont Huawei et Xiaomi ont laissé sur leurs produits des portes ouvertes au profit des autorités. 

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