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Devinette cinématographique : de qui Israël n’est-il plus le nom ?
©Jamie McCarthy / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP

Marketing master class

«  L’affaire Roman J. ». Sur les murs de France, « Israël », ça la fiche mal.

Hugues Serraf

Hugues Serraf

Hugues Serraf est écrivain et journaliste. Son dernier roman : La vie, au fond, Intervalles, 2022

 

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Il n’est pas rare, pour un film, de voir son titre original adapté aux différents marchés sur lesquels il est distribué. Le plus souvent, du moins en France, il sera traduit littéralement : « La forme de l’eau » pour « The Shape of Water ». Pif paf. On pourrait difficilement faire plus fidèle.

Parfois, il sera même intégralement rebaptisé, le titre initial ayant été jugé intraduisible, insuffisamment évocateur (« Before The Devil Knows You’re dead » : « 7h58 ce matin-là ») ou pas assez vendeur : « No Strings Attached » devenant « Sex Friends » (en globish un poil putassier dans le texte). Car choisir un titre pour un film, c’est comme organiser une vitrine pour un magasin de bonbons. Il faut que ça donne envie au chaland de sortir son porte-monnaie et c’est bien la moindre des choses.

Mais plus rarement, et tellement rarement à vrai dire que c’est carrément la première fois que ça se produit à ma connaissance, le titre d’un film sera subtilement modifié pour des raisons n’ayant strictement rien à voir avec son champ lexical ou son potentiel marketing et tout à voir avec… Avec… Hum, on verra plus tard.

C’est le cas du dernier Dan Gilroy, « Roman J. Israel, Esq. », reconfiguré en « L’affaire Roman J. » et mystérieusement circoncis de son Israel.

Over the Rainbow au ukulele

Disons-le tout de suite, cette histoire, plutôt pas mal fichue d’ailleurs, d’un avocat idéaliste embringué dans une sale affaire mais se rachetant à la fin, se réfère assez peu à un certain petit pays du Moyen-Orient né en 1948 et constamment en pétard avec son voisin de palier.

Non en fait, c’est juste que son protagoniste, brillamment interprété par Denzel Washington, s’appelle « Israel ». C’est son nom de famille, quoi. On ne sait même pas s’il est juif. Ça n’est pas dit. On s’en tamponnerait royalement le coquillard, d’ailleurs, s’il était. Mais il s’appelle Israel. Comme Israel Kamakawiwoʻole, vous savez, ce gros Hawaien qui jouait « Over The Rainbow » au ukulele et ne portait pas de kippa sur ses vidéos non plus.

Moi, ça m’ a étonné, qu’on lui ait carotté son patronyme. D’autant plus qu’il l’avait conservé dans tous les autres pays où il était distribué. En Espagne. En Italie. Au Mexique. En Allemagne. En Russie. Tiens, même en Iran, où ils ne l’aiment pourtant pas trop, Israel. Alors j’ai contacté Sony Pictures pour demander pourquoi la France était le seul pays où on ne pouvait apparemment pas coller une affiche avec le mot Israel sur un abribus, un mur ou une colonne Morris.

Enfin, je ne l’ai pas vraiment demandé comme ça et la nana des relations presse a fait semblant de ne pas le prendre comme ça non plus. On a tourné autour du pot elle et moi. « J'ai bien conscience de ce que les titres sont fréquemment modifiés d'un pays à l'autre pour des raisons marketing diverses, mais je me demandais ce qu'étaient ces raisons dans ce cas spécifique », j’ai dit.

— C’était plus adapté et plus identifiable pour notre territoire (...). Aussi, contrairement aux autres pays où la publicité à la télévision est autorisée, nous devons avoir des titres plus explicites puisque notre média principal est l’affichage…

— Permettez-moi d'insister, je reste sur ma faim. En quoi ce titre choisi pour le marché français est-il plus "adapté", "identifiable" et "explicite" ? De quelle manière concrète ? Il aurait pu s'appeler "L'affaire Roman J. Israel", ce qui aurait fourni la même information sur le contexte "film d'avocat".

— Le titre « L’affaire Roman J. Israel » était long, or nous avons tendance à préférer les titres courts car plus impactants…

Là j’ai juste fait « Ha ha ha ! » parce que je voyais bien qu’on n’arriverait à rien comme dans « L’abominable vérité », qui est aussi un film Sony Pictures avec un titre à fort impact. Mais je me suis tout de même dit que le joueur de ukulele Israel Kamakawiwoʻole, il avait eu de la chance de signer chez Universal plutôt que chez Sony. Kamakawiwoʻole tout court, c’est vraiment pas facile à porter.

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