Amélioration du déficit public : les grosses ficelles comptables et médiatiques du gouvernement<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
Amélioration du déficit public : les grosses ficelles comptables et médiatiques du gouvernement
©Reuters

Abracadabra !

Le budget français est à nouveau dans les clous européens avec un déficit sous la barre des 3% (entre 2.7 et 2.8%). Mais cette bonne nouvelle est bien plus la conséquence de l’amélioration de la croissance, que le fruit d'une véritable politique de réduction de la dépense.

Philippe Crevel

Philippe Crevel

Philippe Crevel est économiste, directeur du Cercle de l’Épargne et directeur associé de Lorello Ecodata, société d'études et de conseils en stratégies économiques.

Voir la bio »

Atlantico : Après neuf années de procédure de déficit excessif, la France est parvenue, pour cette année 2017, à présenter un chiffre de 2.7-2.8%; ce qui permettrait une sortie de la dite procédure. Entre astuces comptables et croissance revue à la hausse, quelle part d'efforts de réduction de la dépense publique a été concédée par le gouvernement pour en arriver à un tel chiffre ?

Philippe Crevel : La France devrait sortir enfin de la procédure de déficit excessif. Cette bonne nouvelle est avant tout la conséquence de l’amélioration de la croissance qui a atteint 2 % en 2017. Plus de croissance, c’est plus de recettes fiscales et un peu moins de dépenses sociales, ou du moins une progression moins rapide des dépenses sociales. Le Gouvernement comme le précédent a bénéficié de la baisse des taux d’intérêt. Cette dernière est responsable de la moitié des économies réalisées. Evidemment, la réduction de la charge de la dette est temporaire et conjoncturelle. Elle est le fruit  de la politique monétaire de la Banque centrale. Depuis 7 ans, les gouvernements font également porter une partie de l’effort sur les collectivités locales en essayant de maîtriser le volume des dotations et des compensations d’impôt. L’enveloppe destinée aux collectivités locales avait atteint au début des années 2010 environ 100 milliards d’euros. Le gouvernement d’Edouard Philippe joue comme bien d’autres au bonneteau en transférant des dépenses et des impôts. Avec l’augmentation de la CSG, la baisse des cotisations sociales, la réintégration du CICE, la suppression de l’ISF, la création de l’IFI, la mise en place du PFU, la hausse des droits indirects sur les tabacs et sur les carburants, nul n’y retrouve son chat. L’année prochaine sera également particulière avec la retenue à la source qui sera une source de gains et de pertes.

Structurellement parlant, quels sont été les principales sources de réduction du déficit public pour cette année 2017 ? Le gouvernement peut-il réellement en revendiquer la "paternité" ?

Ce retour à un déficit inférieur à 3 % du PIB est le produit des hausses d’impôt engagées depuis 2010 et de la croissance retrouvée. Le Gouvernement actuel en est responsable que par le fait qu’il ne soit pas engagé dans un plan de relance. Mais, force est de constater que la France est encore bien loin de la moyenne de la zone euro. Le déficit moyen est de 0,9 % du PIB. L’Allemagne a de son côté dégagé un excédent de 0,9 % du PIB et l’Italie fait mieux que nous avec un déficit de 1,7 % du PIB.

Le résultat de la France a été savamment orchestré par le Gouvernement d’Edouard Philippe. En effet, l’audit réalisé durant l’été soulignait que la précédente majorité avait engagé de nombreuses dépenses sans les financer. Le déficit avait été alors réévalué. Or, l’équipe au pouvoir n’ignorait pas que la conjoncture économique était porteuse. Elle était pleinement consciente que le résultat budgétaire irait en s’améliorant. Elle a donc surjoué la dégradation pour bénéficier médiatiquement de l’amélioration.

En quoi des efforts prochains sur le niveau de dépenses pourraient se révéler indispensables pour parvenir à poursuivre cette tendance favorable ?

La France est un pays dépensier et cela de tout temps. Louis XIV empruntait auprès de banquiers italiens et Napoléon faisait des prises de guerre. Le rééquilibrage des comptes publics a donné lieu d’épiques discussions sous la IIIe et la IVe Républiques. Valéry Giscard d’Estaing est un rare Ministres de l’Economie et des Finances à avoir durant plusieurs années de dégager des excédents budgétaires.

Depuis une quarantaine d’année, les gouvernements français successifs ont fait face aux difficultés économiques et sociales en jouant sur les dépenses publiques. Pour contrer les effets d’une crise, les gouvernements augmentent donc les dépenses mais ne les diminuent pas une fois l’orage passé. Afin de limiter la dérive des comptes publics, la hausse des prélèvements obligatoires est dans ces conditions incontournable. A ce petit jeu, la France est devenue la championne du monde de la dépense et des prélèvements. Par ailleurs, sa dette publique qui s’élevait à 21 % du PIB en 1981 dépasse désormais 97 % du PIB.

A force de brûler la chandelle par les deux bouts, la France est en situation d’extrême vulnérabilité en cas de survenue d’un nouveau choc économique. Par ailleurs, notre pays doit faire face à une marée de dépenses incompressibles ou presque. Les dépenses de santé, les dépenses liées aux retraites, les dépenses liées à la dépendance ne peuvent que s’accroître. Depuis des années, les gouvernements ont privilégié l’emploi public, les dépenses de fonctionnement aux dépenses d’infrastructure. Nous constatons tous les jours les effets de cette politique sur la SNCF. Mais, il en est de même avec les hôpitaux. Par absence de courage, le système de la santé est à bout de souffle, les urgences sont devenus des annexes de la médecine de ville, les délais s’allongent pour se faire opérer. Le système est à la fois coûteux tout en rémunérant mal les professionnels.

Sur les retraites, la France a depuis 1993 réalisé de nombreuses réformes mais au prix d’une montée des inégalités. En refusant de reculer l’âge de la retraite, le risque est de favoriser implicitement une paupérisation des retraités et des futurs retraités.

Par ailleurs, la France consacre plus de 40 milliards d’euros au logement tout en étant confrontée à un problème récurrent d’accès au logement et à un prix immobilier de plus en plus élevé. La Cour des Comptes a, à maintes reprises, souligné que l’ensemble de la politique du logement devrait être revue. Mais, force est de constater que l’opinion publique ne semble pas encore prête à accepter un tel big bang au vu des réactions de la limitation des APL.

S’il est très difficile de réaliser des économies, il est, en revanche, en France, facile de dépenser des recettes qui n’existe pas. Ainsi, oser parler de cagnotte quand le déficit dépasse 2,5 % du PIB et que la dette atteint 2000 milliards d’euros, c’est toujours très savoureux. Cette histoire de cagnotte inventée par l’équipe de Jacques Chirac pour déstabiliser Lionel Jospin en 2001 est devenue une antienne que les majorités se repassent avec délectation. Comme quoi, nous n’avons  encore atteint l’âge de la maturité économique et financière.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !