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France : alerte "la cagnotte" est de retour !
©DAMIEN MEYER / AFP

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« Cagnotte », quel joli mot, il viendrait du provençal « caneto » (petite mesure, récipient). C’est une tirelire qui réunit les gains des joueurs, qui décident ensuite de la dépenser

UE Bruxelles AFP

Jean-Paul Betbeze

Jean-Paul Betbeze est président de Betbeze Conseil SAS. Il a également  été Chef économiste et directeur des études économiques de Crédit Agricole SA jusqu'en 2012.

Il a notamment publié Crise une chance pour la France ; Crise : par ici la sortie ; 2012 : 100 jours pour défaire ou refaire la France, et en mars 2013 Si ça nous arrivait demain... (Plon). En 2016, il publie La Guerre des Mondialisations, aux éditions Economica et en 2017 "La France, ce malade imaginaire" chez le même éditeur.

Son site internet est le suivant : www.betbezeconseil.com

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Pas à pavoiser : 10,8 milliards d’euros de déficit budgétaire en janvier 2018, contre 5,4 fin janvier 2017, c’est exactement le double. On peut donc commencer à faire attention, en ce début d’année !  Faire attention, car l’an dernier s’est achevé sur un déficit d’exécution de 67,8 milliards d’euros, contre 69 en 2016 : une « économie » comme disent certains, pour signaler un moindre déficit de 1,2 milliard ! Gâché en janvier ? Il faut donc faire plus attention, car les difficultés et tensions montent partout, en économie et en politique, avec des taux d’intérêt à long terme (0,9%) dont il vaudrait mieux intelligemment profiter, tant qu’ils sont là.

Pas à pavoiser, même si la Commission européenne, bonne fille ou entité politique qui ne souhaite pas handicaper « la France qui fait des efforts », avec un Commissaire Moscovici (qui aura besoin de son appui s’il veut présider la future Commission), vient de nous extraire des déficits excessifs. Avec un déficit budgétaire supérieur à 3% du PIB, nous y étions depuis dix ans. Certes, 2,9% (en tenant compte de règles comptables qui iraient dans le bon sens) c’est très juste. Et ceci d’autant plus que la loi de programmation des finances publiques prévoit que le solde budgétaire resterait à -2,8% cette année, puis -2,9% en 2019, -1,5% en 2020, avant -0,9% en 2021 et -0,3% en 2022. En fin de période, le ratio dette/PIB serait de 91,4% contre 96,7% en 2017, montant encore en 2018 et 2019, avant de régresser doucement. Nous ne sommes donc pas sortis de l’auberge, avec des dépenses de 327 milliards d’euros en 2017 et des recettes de 253. En fait, le déficit  correspond au quart des recettes (26,7%) ! Pour ne pas publier ce chiffre, on préfère diviser le déficit par le PIB, ce qui ne correspond pas à grand-chose, mais est moins anxiogène.

Pas à pavoiser, et pourtant Brigitte Bourguignon, présidente de la Commission des affaires sociales à l’Assemblée, souhaiterait une sorte de « coup de pouce » à la prime d'activité et la relance des heures supplémentaires défiscalisées. Joël Giraud, rapporteur général du budget à l’Assemblée nationale réclame lui de « redistribuer une partie de cette bonne fortune fiscale » dans  une interview aux « Echos ». Une élue de la Vienne, Sacha Houlié, demande  le retour du dispositif fiscal de la demi-part des veuves.

On croit rêver ! Joël Giraud parle de « bonne fortune », sans doute pour ne pas parler de « cagnotte », mais c’est ce que tous les responsables ont en tête. « Cagnotte fiscale », c’était la trouvaille verbale de Jacques Chirac contre Lionel Jospin. Nous étions en février 2000 : Christian Sautter, ministre de l'Economie, et Florence Parly, secrétaire d'Etat au Budget, révèlent alors aux membres de la Commission des finances de l'Assemblée nationale que  cette «cagnotte» fiscale se monterait à 30,7 milliards de francs et que le déficit budgétaire constaté fin 1999 (206 milliards) serait inférieur de 9,4 milliards de francs à l'objectif de la loi de finances 2000 (215,4). Plus tard, comme monte la « cagnotte » (alias le moindre déficit) à 50 milliards de francs, « faut » la redistribuer : 10 milliards de nouvelles dépenses et 40 d’allègement d’impôts (18 milliards de baisse d’un point de la TVA, 11 sur la taxe d’habitation, 11 sur les tranches inférieures de l’IRPP). Rien pour réduire la dette. « D'ici la fin de la législature, je veux que nous revenions au taux de prélèvement qui existait en 1995 (43,7%) avant que ne vienne aux responsabilités le précédent gouvernement d'Alain Juppé » déclare Lionel Jospin. Dans les chiffres revus de l’Insee, le taux de prélèvement obligatoire de 1995 est de 41,7% et celui de 2002 de 41,9%. Raté donc, mais surtout nous en sommes à 44,4% en 2016 !

« Cagnotte », quel joli mot, il viendrait du provençal « caneto » (petite mesure, récipient). C’est une tirelire qui réunit les gains des joueurs, qui décident ensuite de la dépenser (une virée à Paris dans la pièce de Labiche). Mais la « cagnotte » budgétaire dont nous parlons ne réunit pas des actifs, de vraies économies monétaires, mais de moindres passifs économiques et sociaux, de façon à les dépenser, jusqu’à ce que le passif soit le même !

On croit donc rêver au vu de la situation actuelle. Certes l’économie française est en accélération fin 2017, mais elle semble ralentir. Penser que la croissance réduira mécaniquement le déficit est faux, car l’essentiel est d’accroître l’efficacité de la dépense publique. Comme le dit poliment un expert de la Commission : « le déficit public devrait baisser en dessous de la valeur de référence de 3% du PIB en 2017. Toutefois, l’ajustement des dépenses publiques s’avère difficile. Malgré l’objectif visant à réduire les dépenses publiques de 3 points de pourcentage d’ici à 2022, la méthode pour réaliser des économies structurelles est encore inconnue… Retarder l’effort d’assainissement en réduisant les dépenses dans les dernières années du mandat semble être une stratégie risquée. »

On peut se féliciter d’une meilleure croissance depuis quelque temps, ou de Français plus favorables aux réformes, ce qui peut expliquer pourquoi leur moral flanche, car ils savent bien que la croissance ne fera pas tout : il faut en effet augmenter la croissance potentielle. Or elle n’a pas retrouvé son niveau d’avant la crise de 2008 (1,5%) et se trouve bien loin du 2,1% de 2000. Cette chute vient de la baisse sensible de la contribution de la productivité globale des facteurs (PGF) à la croissance, en liaison avec la crise des qualifications et la faiblesse de la productivité. Le taux d’emploi est toujours de 82% en France pour les diplômés. Il se stabilise à 70% pour les moyennement diplômés et baisse à 50% pour les peu ou pas diplômés. La France est un des rares pays où la voie professionnelle ne favorise pas vraiment l'emploi (70% contre 90% en Allemagne) et où l’apprentissage, qui présente pourtant de meilleurs résultats que la voie scolaire, n’est pas suffisamment soutenu, avec la formation professionnelle, ceci en attente des mesures actuellement annoncées.

La seule et vraie cagnotte est l’apprentissage, la formation adaptée et en alternance, la modernisation et l’efficacité de la dépense publique, pas la « dépense » d’un argent qu’on n’a pas. C’est donc « l’offre » (mot horrible), par l’augmentation du « capital humain » (mot plus acceptable). La formation technique des députés a de beaux jours devant elle.

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