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Ces "amis" éditorialistes financiers américains qui veulent tant de bien
à l'Europe...
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Le début de la fin ?

Les économistes Paul Krugman et George Soros se sont récemment interrogés sur la zone euro et affichent un certain pessimisme quant à sa survie. Ils considèrent que les mesures d’austérité ne font qu’aggraver la récession des pays et s'apparentent à un "suicide". Pour Soros, la BCE doit par ailleurs racheter des obligations en Europe et les états membres doivent refinancer leur dette au même taux. Mais pour Jean-Paul Betbèze, la crise de l’Europe est la crise de son insuffisance, pas de sa construction.

UE Bruxelles AFP

Jean-Paul Betbeze

Jean-Paul Betbeze est président de Betbeze Conseil SAS. Il a également  été Chef économiste et directeur des études économiques de Crédit Agricole SA jusqu'en 2012.

Il a notamment publié Crise une chance pour la France ; Crise : par ici la sortie ; 2012 : 100 jours pour défaire ou refaire la France, et en mars 2013 Si ça nous arrivait demain... (Plon). En 2016, il publie La Guerre des Mondialisations, aux éditions Economica et en 2017 "La France, ce malade imaginaire" chez le même éditeur.

Son site internet est le suivant : www.betbezeconseil.com

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Avec George Soros et Paul Krugman, on se sent décidément moins seuls. Tous les papiers (et tous les exposés) de Soros traitent du même sujet : l’Europe va à la catastrophe, sa politique monétaire n’est pas la bonne, elle doit baisser ses taux d’intérêt, s’engager dans une politique à l’américaine, autrement la déflation l’emportera. Tous les papiers (et tous les exposés) de Krugman sont les mêmes: il s’agit de soutenir la demande et de ne pas mener de politique d’austérité. Cette austérité « à la 1930 » vient à la fois de la réduction des dépenses publiques, puisqu’il s’agit d’abaisser le déficit budgétaire, et de la politique monétaire, trop rigide, entendons : pas assez américaine.

Au fond, Krugman et Soros reprochent à l’Europe d’être ce qu’elle est, ayant bâti sa stratégie sur la compétitivité, le rétablissement des équilibres publics, la maîtrise de la dette. Or, ce qui se passe avec la crise -et c’est ce que les marchés nous disent- c’est que cette stratégie de construction européenne n’a pas été suivie par les Européens eux-mêmes, pas que ces choix sont mauvais. Les marchés ne nous demandent pas d’en suivre d’autres. Nous payons des faiblesses et des lacunes d’exécution et de volonté, pas de n’être pas tous parvenus à égaler l’Allemagne.

Et quelle autre stratégie choisir ? Faut-il exclure la Grèce de l’Union Européenne et la laisser en proie à l’hyper-inflation ? Faut-il desserrer fortement nos contraintes monétaires et budgétaires, pour avoir plus de croissance, mais faire aussitôt que plus personne ne voudra financer des pays européens avec leur monnaie fondante ? Car l’euro, à ce moment-là, ne sera plus « l’autre monnaie mondiale », l’ « autre réserve de valeur », mais celle qui a échoué. Et l’Allemagne en tirera les leçons, en quittant la zone euro, quitte à s’exposer à un profond ralentissement, sur fond de décombres européennes…

Ou bien faut-il s’armer de courage et de patience et combiner la nécessaire modernisation de l’Etat et la réduction de ses dépenses d’un côté, avec le soutien aux entreprises privées et à la croissance, avec les réformes qui s’imposent pour flexibiliser le marché du bien et le marché du travail d’un autre ? Les politiques européennes sont toutes des dosages, entre réduction du déficit public et regain de la compétitivité et de la croissance, comme aux Etats-Unis. Mais, à la différence des Etats-Unis, les Etats n’y sont pas fédérés, mais de plus en plus co-responsables, et la politique monétaire entend soutenir la stabilité, autrement dit la croissance compétitive, durable et responsable, le tout avec une monnaie jeune, pas la croissance à tout prix en usant (et abusant) du privilège du dollar.

Au fond, il faut que nos amis Soros et Krugman se disent que la zone euro n’est pas la zone dollar avec les Etats-Unis.C’est beaucoup plus compliqué à gérer, et surtout plus risqué. Ce qu’il faut, c’est faire évoluer nos modèles, montrer que la flexibilisation des marchés apporte des résultats positifs, que la première économie du monde a les moyens d’une expansion plus autonome, en fédérant plus et mieux ces efforts de recherche, d’organisation, d’investissements de structure. La crise de l’Europe est la crise de son insuffisance, pas de sa construction. Il lui faut aller plus loin dans ses objectifs en étant plus intégrée, pas plus vite dans l’assainissement de ses comptes, pas autrement avec sa politique monétaire, pas ailleurs avec ses références stratégiques. Et surtout pas avec des références théoriques dépassées.

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