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Ces bombes à retardement 
budgétaires dont 
les candidats ne parlent pas
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Pinocchio Président

Nicolas Sarkozy comme François Hollande ont formulé des propositions pour rééquilibrer les comptes publics d'ici 4 ou 5 ans. Quitte à passer quelques arrangement avec la réalité des comptes publics...

Simone Wapler

Simone Wapler

Simone Wapler est rédactrice en Chef des Publications Agora (analyses et conseils financiers).

Elle est l'auteur de "Comment l'Etat va faire main basse sur votre argent: ... et ce que vous devez faire pour vous en sortir !", paru chez Ixelles Editions en mars 2013.

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Pour rééquilibrer ses comptes publics d’ici à 2016, la France doit officiellement trouver 115 milliards d'euros. Le gouvernement a présenté sa copie « zéro déficit » à Bruxelles il y a deux semaines. Le candidat Hollande a de son côté prévenu que le « zéro déficit » pour 2016 ne serait pas tenable, et que 2017 serait retenu.

2016, 2017… c’est bien loin. Nos créanciers risquent de ne pas se montrer aussi patients. La dette des pays développés apparaît de plus en plus inquiétante au fur et à mesure que la croissance ne se matérialise pas. Parmi les pays développés en difficulté, la France arrive juste derrière l’Espagne.

Tout ce que les candidats à la présidentielle ne veulent pas vous dire...

L’arithmétique élémentaire établit que la croissance doit dépasser les déficits au sens de Maastricht pour que la dette arrête de gonfler.

Les récentes études sur la dette publique indiquent que lorsque celle-ci atteint 90 % du PIB la croissance s’étouffe. Les derniers chiffres économiques qui tombent pour la zone euro sont inquiétants.

La facilité consiste à enjoliver les chiffres et à expliquer que demain tout ira mieux. Cependant, il n’est pas sûr que cette méthode éprouvée depuis trente-sept ans marche encore longtemps.

Les quatre mensonges que nous allons payer très cher dès 2012

Pour redresser des comptes, on peut augmenter les recettes et / ou diminuer les dépenses. Pour un État, les recettes sont de deux natures : les impôts (impopulaires) et la croissance (populaire). Politiquement, il est donc plus habile de dire que nous aurons de la croissance. Le premier mensonge - qui permet de surestimer les recettes - porte donc sur ce point.

Le deuxième mensonge consiste à sous-estimer les taux d’intérêts futurs auxquels nous allons emprunter. Ces taux conditionnent la charge de la dette (ses intérêts), premier poste de notre budget public et qui s’élevait à 55,5 milliards d'euros en 2011. Ce mensonge permet de minorer le poids de la dette.

Le troisième mensonge consiste à masquer le hors-bilan, c’est-à-dire tous les engagements de l’État qui ne sont pas provisionnés et donc ne sont pas comptabilisés dans la dette au sens de Maastricht. Pour honorer ses engagements au jour le jour, l’État puise dans ses recettes, aggravant ainsi son déficit.

Le quatrième mensonge porte sur les économies budgétaires, ou plutôt sur ce que recouvre ce vocable. Jamais, il n’est question de réduire les dépenses, tout au plus parle-t-on de limiter leur progression.

Premier mensonge : une croissance fantasmagorique

Le plan de Bercy pour un déficit nul en 2016 s’appuie sur + 0,7 % de croissance en 2012.

Le FMI prévoit une récession en zone euro (- 0,3 % selon la dernière note sur la stabilité financière). Le chiffre la production industrielle a régressé (- 1,8 %) au mois de février. La France est à la traîne des pays développés en matière de croissance. On voit mal pourquoi la tendance s’inverserait. L’OCDE nous prévoit 0,3 % de croissance pour 2012 et le FMI 0,5 %.

Un demi-point de croissance en moins, c’est 10 milliards de PIB qui manquent à l’appel et environ 5 milliards de recettes perdues.

Deuxième mensonge : des conditions d’emprunt avantageuses

Certes, il n’a pas échappé à la sagacité de Bercy que les taux d’intérêt montaient. Le scénario « zéro déficit » prévoit donc un taux à 10 ans de 3,25 % à fin 2012 « dans le cadre d’une remontée progressive ».

Bloomberg, lui, ne voit pas vraiment de remontée progressive. Il prévoit + 39 % de hausse du coût de l’emprunt entre 2011 et 2012 pour les membres du G7.

Le 5 janvier 2012, nous empruntions déjà à 3,40 %. Nous avions même atteint 3,76 % en novembre 2011. La baisse enregistrée au début de l’année est essentiellement due aux manipulations de la Banque centrale européenne (1 000 milliards d'euros de prêts aux banques sous forme de deux prêts à long terme (LTRO) qui s’apparentent à de la création monétaire pure). Cette somme est complaisamment recyclée par les banques commerciales en emprunts d’État. L’accalmie que nous connaissons est passagère et nos taux dépasseront très probablement 4 % d’ici la fin de l’année.

Dans son rapport, le FMI se prend à douter du statut de refuge de certains emprunts d’État. C’est notamment la généralisation de cette défiance qui va accélérer la hausse des taux.

« Le nombre d’États dont les emprunts sont considérés valeurs refuges a chuté. (…) Il ressort de la crise financière mondiale et des doutes grandissants quant à la viabilité de la dette publique de nombreuses économies avancées qu’aucun actif ne peut-être considéré comme véritablement sûr ».

FMI Rapport sur la stabilité financière dans le monde d’avril 2012 

1 % de hausse des taux nous coûte entre 3 et 5 milliards d'euros en tablant sur une dette de maturité de sept ans. Les intérêts de la dette ont augmenté de 4,8 milliards d'euros entre 2010 et 2011.

Troisième mensonge (par omission) : cacher la gravité du « hors bilan »

Le hors-bilan ce sont tous les engagements et promesses pour lesquels l’État n’a rien provisionné. Ces sommes ne sont pas comptabilisées officiellement.

Il s’agit essentiellement des retraites des fonctionnaires. Pour payer les retraites de ses anciens agents, l’État tape dans ce qu’il peut, et notamment dans les caisses de retraites du privé. Nous entrons ici dans une spirale infernale. Moins de fonctionnaires réduit les dépenses publiques de salaire mais s’accompagne d’un effet secondaire pervers : le déficit des retraites s’aggrave.

Ce hors-bilan se chiffre environ à quatre fois le PIB. Le Sénat [1] s’est alarmé récemment de l’opacité de la comptabilité publique en la matière. Le FMI vient également de tirer la sonnette d’alarme sur le sujet : l’accroissement de la durée de vie a été sous-estimée dans les modèles ce qui va gonfler les prestations sociales et de retraite !

Quatrième mensonge : faire croire à des économies budgétaires

Le plan de Bercy pour un « déficit nul » prévoit une progression des dépenses publiques de 0,4 % en plus de l’inflation. Bayrou, le combattant national officiel du surendettement prévoit un gel de ces dépenses. Le statu quo… en voilà de l’audace ! Côté socialiste et extrêmes, le silence est assourdissant.

Côté UMP, « Maintenir l’ONDAM à 2,5 % » va économiser 13 milliards d'euros lisait-on en page 4 des Échos du mardi 17 avril. L'Objectif national des dépenses d'assurance maladie (ONDAM) est le montant prévisionnel établi annuellement pour les dépenses de l'assurance maladie. Sauf en 1997, cet objectif a été systématiquement dépassé… Ces 13 milliards d'euros représentent le gros morceau du maigrelet poste de réduction des dépenses (40 milliards en tout).

Où cela nous mène-t-il ? Dans le mur !

«Un demi-point de déficit public en moins, c'est 10 milliards de dette publique évités ! », a récemment insisté la ministre du Budget, Valérie Pécresse, dans une interview au Monde.

L’inverse est donc également vrai : un demi-point de déficit public en plus, c'est 10 milliards de dette publique de plus. Cette dette nous coûte de plus en plus cher, est de plus en plus grosse, nous interdit toute croissance... Le mur de la faillite se rapproche, il serait temps de le comprendre.

« La vérité vous libérera, mais d’abord elle vous fera enrager » Gloria Steinem

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