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Simone Veil, icône absolue du droit des femmes aux yeux des Français
©Simone Veil

Simone, veille sur nous

Dans un billet pour BVA, Bruno Cautrès évoque le redoutable problème qui attend Emmanuel Macron comme il a attendu tous ses prédécesseurs : la question de ce que l’on appelle les "plafonds de verre".

Bruno Cautrès

Bruno Cautrès est chercheur CNRS et a rejoint le CEVIPOF en janvier 2006. Ses recherches portent sur l’analyse des comportements et des attitudes politiques. Au cours des années récentes, il a participé à différentes recherches françaises ou européennes portant sur la participation politique, le vote et les élections. Il a développé d’autres directions de recherche mettant en évidence les clivages sociaux et politiques liés à l’Europe et à l’intégration européenne dans les électorats et les opinions publiques. Il est notamment l'auteur de Les européens aiment-ils (toujours) l'Europe ? (éditions de La Documentation Française, 2014) et Histoire d’une révolution électorale (2015-2018) avec Anne Muxel (Classiques Garnier, 2019).

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Dix mois après l’élection d’Emmanuel Macron, le nombre de réformes entamées par le nouveau pouvoir semble suivre une cadence rarement atteinte avant. Au cours de la même période, plusieurs thèmes se sont également imposés dans le flux de l’actualité politique : dans ce flux incessant d’information, la question des rapports hommes/femmes et des violences sexuelles occupe l’une des principales places. Tout se passe comme si la grande recomposition politique et le profond renouvellement qu’incarne l’élection d’Emmanuel Macron avait ouvert la voie à un plus large débat public sur des tabous et des blocages de la société française. La matrice fondamentale du macronisme, c’est la redéfinition de ce qui est juste et égal en France et le dynamitage de verrous considérés par Emmanuel Macron comme des obstacles à la réalisation du projet de vie de chacun. 

Mais un redoutable problème attend Emmanuel Macron comme il a attendu tous ses prédécesseurs : la question de ce que l’on appelle les « plafonds de verre ». Les réformes les mieux intentionnées peuvent parfois buter sur la forte capacité de résistance des mécanismes facteurs d’inégalités. On le voit très bien sur la question de la parité en politique, une facette essentielle de tout projet de réforme de nos institutions et de renouvellement démocratique en France. Si la parité en politique a incontestablement progressé au cours des dernières années, elle le doit d’abord aux lois qui n’ont pas laissé le choix à des partis politiques parfois frileux sur la question. Mais les progrès de la représentation politique des femmes au plan quantitatif bute encore sur un « plafond de verre » sacrément résistant :  si la parité est à présent établie dans les conseils municipaux des villes de plus de 1000 habitants, on constate qu’une écrasante majorité des postes d’adjoints au maire en charge des finances sont des hommes, une majorité non moins écrasante des postes d’adjoints en charge des questions d’éducation sont des femmes. En dessous de l’apparente parité la barrière invisible d’une politique française marquée par la force des stéréotypes est donc toujours là.

La politique nationale n’est pas la plus exemplaire en matière de parité : nous n’avons pas eu encore de femme présidente de la République. Les deux têtes actuelles de notre exécutif sont des hommes, les « hommes du Président » sont bien sûr des hommes, les présidents des deux Assemblées parlementaires également, seules deux des onze candidats à l’élection présidentielle étaient des femmes, une seule femme était candidate à la primaire de la droite et du centre, même chose à gauche, aucune femme ne dirige aujourd’hui un des partis politiques qui peuvent prétendre diriger le pays, aucune femme non plus parmi les quatre candidats qui veulent diriger le PS. La vie politique n’est pas la seule à buter ainsi sur le « plafond de verre » des inégalités empiriques constatées entre les hommes et les femmes : la vie économique et des entreprises n’est pas forcément plus exemplaire.

On peut d’ailleurs élargir le regard comme nous appelle à le faire ma collègue du CEVIPOF, Réjane Sénac. Dans ses recherches sur « l’ordre sexué » elle montre à quel point la question la question des inégalités entre les hommes et les femmes révèle puissamment le dessous des cartes de notre modèle égalitaire français. Si la « fraternité » qui nous lie dans ce modèle était appelée « sororité », qu’en penserions-nous, nous dit-elle ? Elle s’interroge également sur le sens caché des politiques publiques visant à la parité : ces formes de discrimination positive, si elles permettent d’incontestables avancées, ne comportent-elles pas le risque de consacrer les différences et en fait d’éloigner l’objectif d’une « égalité sans condition » ? C’est donc qu’il faut non seulement viser la parité mais surtout à travers elle l’égalité réelle. Inclure les femmes dans l’espace public non pas au titre d’une complémentarité des genres mais du simple principe de l’égalité entre les humains. Un beau programme politique, qui nécessite sans doute beaucoup de courage et de ténacité, et qui ne se limite pas aux droits des femmes mais vise plus largement la question des inégalités et des discriminations. 

Ce courage et cette ténacité sont d’ailleurs mises en avant par les membres de la communauté POP by BVA lorsqu’ils sont amenés à se prononcer sur les noms qui, à leurs yeux, incarnent le mieux la cause des femmes. Les mots utilisés montrent que c’est la combinaison de deux éléments qui retient l’attention : le courage de leurs parcours et la profondeur humaine de ces femmes notamment leur altruisme. Un nom en particulier revient le plus fréquemment cité, celui de Simone Veil. L’opinion publique a d’ores et déjà « panthéonisé » l’ancienne ministre de la Santé (qui entrera au Panthéon le 1er juillet) qui porta au début du septennat de Valéry Giscard d’Estaing la loi sur l’avortement : « l'icône absolue des droits des femmes » pour reprendre les mots d’un membre de la communauté. Par une formule parfaitement allégorique, un autre membre de la communauté résume ainsi les choses : « Simone, veille sur nous ». Sur nous et non pas seulement sur elles, un beau résumé du message de tolérance, de justice et d’égalité entre les humains que la journée du 8 mars permet de mettre en exergue à travers la question des droits des femmes. 

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