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Des élections Italiennes au protectionnisme américain, ces nouveaux défis qui s'invitent dans l'agenda économique mondial
©ANDREAS SOLARO / AFP

Tensions à prévoir

Les élections italiennes de ce week-end n’apportent pas de solution au risque d’instabilité politique qui caractérise l’Italie depuis la seconde guerre mondiale.

Philippe Waechter

Philippe Waechter

Philippe Waechter est directeur des études économiques chez Natixis Asset Management.

Ses thèmes de prédilection sont l'analyse du cycle économique, le comportement des banques centrales, l'emploi, et le marché des changes et des flux internationaux de capitaux.

Il est l'auteur de "Subprime, la faillite mondiale ? Cette crise financière qui va changer votre vie(Editions Alphée, 2008).

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Les élections italiennes de ce week-end n’apportent pas de solution au risque d’instabilité politique qui caractérise l’Italie depuis la seconde guerre mondiale.

Le scrutin italien se caractérise par une poussée populiste que les sondages avaient mal estimée. Le mouvement 5 étoiles aurait 34% des voix et la Lega (ex Ligue du Nord) aurait 16%. Le parti de Silvio Berlusconi n’aurait que 14% et le parti démocrate de Matteo Renzi ne disposerait que de 18% des voix. Le recul, par rapport à 2013, des partis de gouvernement est fort.
Au regard des projections qui sont faites, ce matin, aucun parti ne détient la majorité pour former un gouvernement. Compte tenu d’une pincée de proportionnelle, un score de 40% doit permettre de disposer de la majorité.
Plusieurs questions se posent :
Une coalition comptable semble possible entre le mouvement 5 étoiles et la Lega. La somme des deux partis serait proche de 50%. Ils ont aussi des éléments communs comme la remise en cause des institutions européennes et pour un certain nombre d’élus la volonté de sortir de la zone Euro. Cependant lorsque l’on regarde la géographie du vote on remarque que le nord de l’Italie a plutôt voté pour la Lega et Forza Italia alors que le sud a voté pour le mouvement 5 étoiles (Le parti démocrate a lui des voix plutôt dans le centre l’Italie).  Au regard des tensions historiques entre le nord et le sud, on ne peut pas faire l’hypothèse d’une coalition spontanée entre les deux partis populistes. Cependant, le processus de désignation du premier ministre est long.
Le président italien Sergio Mattarella doit désigner le premier ministre entre le 30 mars et le 6 avril. Peut-on imaginer une communauté d’intérêt d’ici là ? Je ne sais pas mais il faut conserver cette possibilité à l’esprit
Une coalition de Forza Italia et de la Lega n’atteindrait pas le seuil de 40% et donc il ne peut y avoir de gouvernement avec ces deux partis uniquement. En outre, lors des sondages préélectoraux, le parti de Berlusconi était en tête ce qui lui donnait un poids particulier dans la négociation pour désigner le premier ministre. Il est aujourd’hui distancé par la Lega, en conséquence, un rapprochement semble plus difficile.
On peut aussi s’attendre à un gouvernement technocratique dont la mission serait de voter enfin une loi mettant en place un mode électoral garantissant la stabilité politique. Pourquoi pas? Cela permettrait de gagner 6 ou 12 mois.
La question, au-delà de la cuisine électorale, est de savoir ce qui pourrait réduire la poussée populiste constatée lors de ces élections ? N’imaginons pas que plus de 50 % de l’électorat italien (il faut aussi compter les Frères d’Italie avec 4% des voix) sera rendu muet par un mode de scrutin particulier. Cela est illusoire.
Le taux de participation a été de 72.9% le plus bas depuis l’après-guerre. Il était de 75.2% en 2013 et de 80.5% en 2008. Cette tendance à une moindre participation au vote apparaît alors que les risques populistes étaient déjà bien présents. Un nouveau vote mobiliserait il davantage ? Probablement pas et certainement pas à la hauteur nécessaire pour écarter le vote populiste.
On doit anticiper pour les mois qui viennent un gouvernement populiste en Italie parce que les partis de gouvernement ont échoué. Les raisons économiques sont importantes pour comprendre le vote. Le PIB à la fin de l’année 2017 est encore près de 15% au-dessous de son niveau d’avant crise (premier semestre 2008) et le taux de chômage selon Eurostat est à 11.1% en janvier contre une moyenne de 6.6% avant la crise (premier semestre 2008). En outre l’économie italienne est une population qui vieillit rapidement et qui est affectée, politiquement, par la crise des réfugiés.
L’économie italienne ne peut plus utiliser ses recettes d’antan pour retrouver de la vigueur. La dérive inflationniste suivie d’une dévaluation de la monnaie n’est plus dans la boite à outil du décideur italien.
Une explication du malaise italien, la productivité (production par heure de travail) a une allure plate depuis 2000. L’Italie est incapable depuis 2000 de dégager des marges de manœuvre dans la gestion de son économie.
La question importante est celle de la BCE et de ce que cela crée comme conséquences sur le comportement des investisseurs. On doit imaginer, à court terme, que la BCE continuera d’être le gardien de la zone Euro comme elle le fait depuis très longtemps. Le risque immédiat apparaît ainsi limité. La question se posera différemment si un gouvernement populiste avec un penchant pour la sortie de la zone Euro arrive au pouvoir.
Les conséquences de ces élections pourraient être dramatiques pour les institutions européennes car l’Italie est la troisième économie de la zone et un gouvernement populiste aurait un impact important sur l’allure de la construction européenne. On est entré dans une zone de vigilance.

Aux USA, la mise en place de taxes aux frontières sur l’acier (25% sur les importations) et l’aluminium (10%) reflète une mauvaise compréhension des mécanismes économiques du côté de la Maison Blanche.
D’abord parce que de telles taxes avaient été mises en place du temps de la présidence Bush au début des années 2000. Cela avait permis de sauver 3500 emplois chez les producteurs d’acier mais avait engendré entre 12 000 et 43 000 suppressions d’emplois dans les entreprises utilisatrices d’acier. Devant l’impact négatif sur les entreprises et l’emploi, le gouvernement d’alors avait fait machine arrière.

L’autre point est que la hausse de la fiscalité aurait trois impacts : Le premier impact est de protéger les producteurs locaux d’acier et d’aluminium car la taxe leur permet d’être protégé de la concurrence. Cependant, cette hausse de fiscalité pour les entreprises utilisant l’acier et l’aluminium comme intrant dans leur processus de production compensera une partie de la baisse d’impôt de la grande loi fiscale de Trump. Le dernier impact serait l’effet négatif sur la production des secteurs en aval.

En fait, ce qui est sidérant dans ce dossier est que la taxation de l’acier et l’aluminium va affecter une grande partie du secteur industriel et manufacturier où ces produits entrent dans le processus de production. Cela en renchérira les coûts au risque de peser sur l’activité et l’emploi de ces secteurs. Or l’objectif de Trump est opposé à cela puisqu’il veut à tout prix préserver l’emploi industriel.

Cela ressort toujours de sa vision d’une économie est représentée par un jeu à somme nulle. Ce qui est gagné par un pays est perdu pour un autre. L’économie n’a jamais fonctionné de la sorte. Imaginer que la hausse de la fiscalité provoquera spontanément une réallocation de ressources vers les USA est naïf. Trump a une vision qui ressemble à celle des entreprises sur les parts de marché. Or une économie ne fonctionne pas comme une entreprise.

C’est aussi une vision qui considère que l’économie américaine n’est pas intégrée dans une dynamique plus large et que tous les pays fabriquent le même bien. Or cela a pu être vrai dans le passé, cela ne l’est plus aujourd’hui. On pouvait imaginer taxer un bien étranger lorsque ce bien était fabriqué uniquement à partir d’intrants étrangers alors que le même bien local n’était fabriqué qu’à partir d’intrants locaux. Taxer le bien étranger donnait un avantage comparatif au produit local. Mais plus personne n’imagine aujourd’hui un tel fonctionnement de l’économie.

Le risque de telles mesures est de mettre en place des mesures de représailles des pays qui seront affectés par elles. Une guerre commerciale ne se gagne pas car elle est pénalisante pour tous.  Les entreprises automobiles européennes ont été menacé par Trump d’une hausse de la fiscalité en cas de représailles de l’Europe. Ce serait ridicule car toutes les grandes entreprises européennes ont des usines aux USA. Cela a nouveau ne serait pas un bon calcul. Espérons que comme Bush, le locataire de la Maison Blanche fera rapidement machine arrière.

Enfin, le coût par emploi sauvé est exorbitant. En général il est estimé aux USA à 230 000 dollars avec parfois des pointes. La taxe Obama sur les pneumatiques chinois avait eu un coût estimé de 900 000 dollars par emploi. C’est totalement excessif et contreproductif.

Article initialement publié sur le site de Philippe Waechter

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