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L'agent sale, ce dénominateur commun entre le terrorisme et le crime organisé
©REUTERS/Fayaz Aziz

Bonnes feuilles

De quoi l'argent sale est-il le nom ? Pourquoi est-il devenu un enjeu si important ? Quels sont les moyens mis en oeuvre pour lutter ? Dénoncée depuis des décennies, comment expliquer que cette question ne soit toujours pas réglée ? Didactique et vivant, cet essai s'appuie sur des exemples historiques et actuels pour éclairer ce sujet tabou pourtant omniprésent et de plus en plus pesant dans nos sociétés européennes. Extrait de "L'argent sale : à qui profite le crime ?" de Carole Gomez et Sylvie Matelly, publié aux éditions Eyrolles. (1/2)

Carole  Gomez

Carole Gomez

Carole Gomez est chercheur à l'IRIS, chargée des questions liées à l'impact du sport sur les relations internationales. Elle s'intéresse principalement aux concepts de diplomatie sportive et d'intégrité dans le sport. Elle participe également aux études portant sur les politiques de défense.

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Sylvie Matelly

Sylvie Matelly

Sylvie Matelly est Docteur en sciences économiques et directrice-adjointe de recherche à l'IRIS, spécialiste des questions d'économie internationale et d'économie de la Défense. 

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Lorsque éclate la crise entre le Qatar et ses voisins, Arabie saoudite en tête, à l’été 2017, l’une des raisons invoquées, par trois pays du Golfe, le Yémen et l’Égypte pour justifier la rupture des relations diplomatiques, est que ce pays financerait des réseaux terroristes. Ce dernier se défend en argumentant qu’il a adopté, ces dernières années, plusieurs lois anti-blanchiment. Ce sont en effet les attentats du 11 septembre aux États-Unis qui mettront en évidence les liens entre la criminalité organisée et le financement du terrorisme, le blanchiment d’argent étant le lien direct entre ces réseaux. Les systèmes de transferts Hawala par exemple furent particulièrement sur la sellette et l’administration Bush n’hésitera pas à geler un certain nombre d’avoirs détenus par ces fonds aux États-Unis. En effet, alors que les trafiquants ont besoin de blanchir de l’argent, les terroristes, eux, ont besoin de financer leurs opérations.

Les seconds, souvent très bien armés, peuvent en retour assurer la sécurité des trafiquants en tout genre. La complémentarité des deux est évidente et, pour chacun d’entre eux, l’argent sale présente plusieurs avantages  : opacité des circuits par lesquels il transite et importance des liquidités disponibles. Ce fut donc logiquement le GAFI, le Groupe d’action financière, qui, dès 2001, fut chargé de veiller sur les questions liées au financement du terrorisme. Pour autant, et paradoxalement, le renforcement des législations a accru l’opacité des réseaux et des liens entre ces différents réseaux. Dans un article remarquable sur le sujet, Tamara Makarenko, une chercheuse du département d’études sur le terrorisme de l’Université de St Andrews au Royaume-Uni, explique les liens existants et croissants entre les trafiquants en tout genre et la violence terroriste.

Pour elle, si ces liens ont toujours existé, ils évoluent. C’est ainsi qu’en 1993 déjà, les narcotrafiquants du cartel de Medellin firent appel à l’Armée de libération nationale de Colombie car ils n’avaient pas les capacités de poser des bombes. Plus tard, un rapport du Congrès des Etats-Unis a mis en évidence le rôle des FARC dans le trafic de cocaïne à destination du Mexique. C’est aussi le cas du Mouvement islamique d’Ouzbékistan puis d’Al-Qaïda qui proposent leurs services aux convoyeurs de drogues afghans à destination de la Russie et du Caucase…

Cet échange sécurité versus moyens financiers a ainsi constitué une véritable alliance entre les groupes terroristes et criminels depuis trente ans. Un autre type de relations, cette fois-ci plus directes, s’est construit ces dernières années à cause de la systématisation de l’instrumentalisation du terrorisme par les groupes mafieux et des trafics divers par les terroristes, dans les deux cas pour parvenir à leurs fins. C’est probablement dans les liens entre les trafiquants de drogues et les terroristes que l’on trouve les conséquences géopolitiques les plus évidentes (voir encadré ci-dessus). Les régions les plus touchées par ces deux fléaux, interconnectés et complémentaires, sont aussi celles qui se révèlent les plus instables et qui recèlent les plus grands risques pour la paix et la stabilité mondiale. C’est le cas du Moyen-Orient autour du Liban, de la Syrie et des pays du Golfe, des pays d’Asie centrale et du Caucase. Les deux zones forment un arc de crises et de conflits mais aussi une route idéalement située pour tous les trafics entre trois continents, l’Europe, l’Asie et l’Afrique.

Extrait de "L'argent sale : à qui profite le crime ?" de Carole Gomez et Sylvie Matelly, publié aux éditions Eyrolles.

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