Politique, de l'importance d'avoir une tête de vainqueur<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Société
Politique, de l'importance d'avoir une tête de vainqueur
©Reuters

Bonnes feuilles

Si l'attractivité décuple le champ des possibles en matière de séduction et de relations amoureuses, cette obligation du paraître s'est aussi immiscée dans tous les interstices de notre vie la plus quotidienne, où il est ainsi préférable de souscrire à certains stéréotypes morphologiques pour s'assurer un parcours scolaire puis professionnel satisfaisant. Extrait de "Le pouvoir de l'apparence - Le physique, accélérateur de réussite ?" de Catherine de Goursac et Bénédicte Flye Sainte Marie, publié aux éditions Michalon. (2/2)

Catherine  de Goursac

Catherine de Goursac

Catherine de Goursac exerce la médecine esthétique depuis 1986.

Voir la bio »
Bénédicte Flye Sainte Marie

Bénédicte Flye Sainte Marie

Bénédicte Flye Sainte Marie est journaliste spécialisée sur les questions santé et beauté. Elle a publié "Le pouvoir de l'apparence" aux éditions Michalon et "PMA le grand débat" chez le même éditeur.

Voir la bio »

On ne choisit pas celui ou celle qui prendra en main le destin de son pays, de sa région ou de sa ville comme on désigne son concurrent préféré dans Secret Story. N’empêche que la plastique des hommes et des femmes politiques intervient pour une part non négligeable dans les suffrages qu’ils engrangent, notamment quand il s’agit pour les indécis de se déterminer. Lorsqu’ils hésitent entre plusieurs belligérants et qu’il leur faut glisser un bulletin dans l’enveloppe, les électeurs peu politisés ou qui méconnaissent la teneur du programme, du bilan des uns et des autres, ont en effet tendance à opter pour le candidat qui « présente le mieux », en basant, par exemple, sur la fraîcheur ou l’harmonie de son visage, l’impression de sérieux et d’assurance que celui-ci dégage ou encore le dynamisme de son allure. En 2010, à travers son étude Elected in 100 milliseconds : Appearance-based trait inferences and voting, Alexander Todorov, psychologue à l’Université de Princeton, a mis en exergue le fait que notre acte de vote était loin d’être aussi « pensé » que nous le croyons. Cet expert a soumis à 1 000 personnes différents portraits, sans leur préciser qu’il s’agissait de véritables candidats à la Chambre des représentants et au Sénat américain. Et il se trouve que, sans avoir le moindre renseignement ou indice à propos des individus dont ils avaient les clichés sous les yeux, ils ont opté spontanément pour ceux qui ont ensuite remporté la bataille des urnes.

Petits et grands, même combat !

Dans Predicting Elections : Child’s play, le professeur helvète John Antonakis et son élève de HEC Olaf Dalgas ont abouti en 2009 au même constat, après avoir dévoilé à 600 adultes, suisses comme eux, la photo du vainqueur et du perdant du second tour des élections législatives françaises de 2002 dans une circonscription française de l’est de la France. Tous étaient des parfaits inconnus pour nos cobayes et ils ignoraient lequel avait remporté son siège à l’Assemblée nationale. Dans leur grande majorité, sept fois sur dix, ils ont désigné comme « la personne la plus compétente » celle qui avait effectivement gagné. Antonakis et Dalgas ont montré ensuite ces fameuses photos à plus de 600 enfants âgés de 5 à 13 ans qui venaient de jouer à un jeu vidéo reproduisant le voyage d’Ulysse vers Ithaque et leur ont demandé d’indiquer, en les regardant, qui pourrait le mieux incarner la fonction de capitaine du navire.

Les plus jeunes, comme leurs aînés, ont là encore favorisé sans équivoque celui qui avait été élu député. De là à dire que dans l’isoloir, nous faisons preuve d’une certaine puérilité ou immaturité, le pas n’est pas franchi mais presque ! L’expression « tête de vainqueur », que l’on a pris l’habitude d’utiliser aujourd’hui au sens péjoratif, reprend en tout cas ici tout son sens originel. Si cet état de fait arrange beaucoup de représentants de la classe politique qui excellent à capitaliser sur leur belle ou bonne bouille, il est déploré par ceux qui préfèrent soigner le fond plutôt que la forme. « L’image a remplacé le message », s’est irrité dans la Libre Belgique Philippe Maystadt, qui a détenu pendant de nombreuses années outre Quiévrain le portefeuille des Finances, notamment dans les gouvernements dirigés par Jean-Luc Dehaene. « Quand j’étais ministre, la politique, c’était encore des idées. Je passais énormément de temps à expliquer, à persuader, à convaincre pourquoi, par exemple, il fallait absolument assainir les finances publiques […] Avant, la politique, c’était surtout un débat. Aujourd’hui, c’est devenu, me semble-t-il, une sorte de beauty contest, de concours de beauté […] Moi, j’aurais vraiment du mal. Je n’ai jamais eu envie de revenir et surtout pas dans ces conditions. »

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !