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Forte hausse des agressions gratuites : Comment la France est devenue ce chaudron de pulsions de violence non maîtrisées
©Reuters

Ensauvagement

Les désordres viennent du fait que nous avons à la fois un refus de l’autorité parentale et un régime politique de liberté.

Chantal Delsol

Chantal Delsol

Chantal Delsol est journaliste, philosophe,  écrivain, et historienne des idées politiques.

 

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Selon une enquête publiée par le Figaro ce 13 février, 777 agressions de type "violence gratuite" (violences non crapuleuses c'est à dire non commises dans le but de voler)  auraient lieu en France chaque jour, soit 283.631  infractions déclarées (+3.4% sur un an) sur l'ensemble de l'année 2017, traduisant une "impulsivité et une agressivité grandissantes" dans le pays. Comment en sommes-nous arrivés à une telle banalisation de tels actes ? Quels sont les paramètres pouvant ici entrer en jeu, de l'éducation au rapport à l'autorité, ou de la gestion de la frustration ?

Vous savez, il faudrait d’abord abandonner la croyance rousseauiste, et admettre que l’homme n’est pas bon par nature ! Je veux dire que la tendance naturelle et instinctive d’un jeune (surtout d’un jeune garçon), c’est de taper quand il n’obtient pas ce qu’il veut. Seule l’éducation suscite la tolérance, la douceur, la politesse. L’éducation apprend à individu, entr’autres, à gouverner ses frustrations : elle lui met dans la tête qu’il ne peut pas tout avoir tout de suite, et qu’il doit s’en accommoder. L’individu ordinaire, l’humain de tous les temps depuis Cromagnon, a besoin d’une autorité pour apprendre à se gouverner, et cette autorité se compose d’un couple parental. Les études sociologiques se sont succédé depuis trente ans, aux Etats-Unis et ailleurs, montrant une corrélation (à l’ampleur discutée) entre la délinquance et la famille monoparentale. Dans les cultures où le père est absent (sociétés sans père, sociétés polygames), il y a une autocratie politique, parce que les individus n’ont pas été éduqués à la liberté. Je veux dire que si on veut supprimer les pères dans les maisons, il faut alors instaurer la police dans les lycées. Les désordres dont vous parlez viennent du fait que nous avons à la fois un refus de l’autorité parentale (et surtout du père), et un régime politique de liberté. Les deux sont inconciliables. Si nous voulons une société de citoyens, respectueux les uns des autres (et non une autocratie qui bastonne le moindre fauteur de troubles), il faut une éducation soignée dans les maisons, une éducation à la liberté. 

Quelle part de responsabilité peut-on attribuer à la crise politique que peut traverser le pays, entre absence de confiance dans l'avenir, la notion de bien commun ou du "vivre ensemble", la diversité, ou encore une forme de rejet vis à vis d'une société perçue par certains comme inégalitaire ? 

Il y a certainement en France une révolte, compréhensible, devant cette rupture entre le discours et la réalité. Evidemment tout le monde a droit à tout – oui seulement tout se dégrade ! Par exemple, tous ont droit à l’université, mais finalement les diplômes ne valent plus grand chose, et ceux qui trouvent du travail sont les jeunes éduqués – ce qui dépend uniquement de la famille. Il est insupportable d’entendre ce discours de l’égalité, au moment où les inégalités se creusent de plus en plus. A des individus dont beaucoup n’ont pas appris à gérer leurs frustrations, pour couronner le tout les gouvernements viennent dire : « vous avez droit à tout, quoique vous fassiez », et comme c’est un discours idéologique et irréalisable, cela ne produit que la révolte. Il vaudrait mieux être exigeant, dire que tout se mérite.

La croissance des inégalités en France est très préoccupante. Elle correspond aux fractures territoriales. Certains disent que l’écart grandit entre les plus riches et les plus pauvres – mais cela dépend des critères posés au départ. Ce qui est sûr, c’est que l’écart grandit en termes d’éducation. Je dirais même, et je le dis avec effroi, que nous arrivons dans une société où les différences d’éducation rappellent celles de l’Ancien Régime. Les violences que nous avons sous les yeux sont des formes de jacqueries.


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