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Tempête sur une voix : pourquoi Mennel Ibtissem est à la fois actrice et victime de son affirmation religieuse
©Capture d'écran Facebook

The Voice

L'analyse de ses comptes sur les réseaux sociaux montre que Mennel est l'image, sans doute malgré elle, de toute une génération nourrie par l'islamisme qu'elle croit être le seul et véritable islam.

Naëm Bestandji

Naëm Bestandji

Écrivain/essayiste, Naëm Bestandji est un laïque et féministe engagé. Il a longtemps travaillé dans le domaine socio-culturel auprès des enfants et adolescents des quartiers populaires. Il y a toujours vécu et a été très tôt confronté à la montée de l'intégrisme religieux.

Il a publié de nombreux articles sur l’islamisme politique.

Son site internet : https://www.naembestandji.fr/

Il est l’auteur d’un essai remarqué, pour tout comprendre sur le sexisme politique du voile : « Le linceul du féminisme – Caresser l’islamisme dans le sens du voile » (éditions Séramis, novembre 2021).

Voir la bio »

Samedi 3 février 2018, nous avons pu découvrir, dans The Voice sur TF1, Mennel Ibtissem, une jolie jeune femme de 22 ans. Comme de nombreux téléspectateurs, j'ai été touché et j'ai ressenti des frissons en écoutant sa reprise de "Hallelujah". Sa voix est aussi belle que son visage est télégénique.

Mais derrière la chanteuse, elle est l'image, sans doute malgré elle, de toute une génération nourrie par l'islamisme qu'elle croit être le seul et véritable islam. Mennel Ibtissem est ce qu'on appelle une islamiste frériste, une musulmane qui adhère non pas à l'islam en tant que tel mais à la doctrine des Frères Musulmans, avec toute la panoplie idéologique qui l'accompagne. Son passage dans une telle émission relève ainsi d'un enjeu politico-religieux. Les virulentes réactions depuis la diffusion, pour la soutenir ou la décrier, ne sont que la surface d'enjeux plus profonds.

Comme nombre de personnes connectées, Mennel Ibtissem utilise les réseaux sociaux pour exprimer ses goûts et ses opinions. On peut retracer ainsi une bonne partie de sa construction religieuse et de ses dérives.

Parmi ses idoles, il y a bien sûr Tariq Ramadan. Petit-fils du co-fondateur des Frères Musulmans, fils d'un disciple de son grand-père (qui devint son gendre), il a toujours revendiqué l'héritage idéologique de son aïeul. Mais il a su dissimuler son idéologie pour présenter un visage plus ou moins acceptable. Il est le prédicateur islamiste le plus influent que la France ait jamais connu. Il a su endoctriner un nombre conséquent de musulmans et convaincre que le voile, arme politique principale des islamistes, serait une forme de "pudeur" librement choisie. Mennel Ibtissem en est une illustration.


Il y a également Hassan Iquioussen qu'elle apprécie beaucoup. Il est une des "stars" des Frères Musulmans français. Prédicateur cadre de l'UOIF, ses conférences et prêches en vidéo se comptent par dizaines. Il s'était rendu célèbre en 2003 par une conférence antisémite particulièrement violente.

Ses deux références ont plusieurs points communs. Issus des Frères Musulmans, ils sont antisémites (Tariq Ramadan a, par exemple, dénoncé un complot j… sioniste dans l'affaire de viol qui le concerne), homophobes et sexistes. Ils sont également dans la victimisation permanente des musulmans et placent l'islamité au-dessus de la citoyenneté. Bref, ce sont des intégristes et Mennel les adore. Elle marque également une certaine cohérence en faisant aussi la promotion de Dieudonné.

Comme tous les islamistes, elle est obsédée par la Palestine. Ses publications à ce sujet sont très nombreuses. Elle avait même, il y a quelques années, interprété une chanson et participé à un clip vidéo à ce sujet. Le producteur est le "Comité de bienfaisance et de secours aux Palestiniens". C'est une association affiliée à l'UOIF, la branche française des Frères Musulmans.


En revanche, ce qui se passe en France ne l'inspire pas beaucoup. Moins sensible au drame de ses compatriotes, elle n'a rien chanté en janvier 2015, ni en novembre 2015 ou en juillet 2016. Elle n'a quand même pas manqué de réagir…

La théorie du complot est très répandue, surtout chez les islamistes. Dédouaner les terroristes qui tuent au nom des idées qu'elle partage est un réflexe habituel. L'argument de la carte d'identité oubliée est un classique de leur ignorance cultivée par ceux qui n'en ignorent rien, à commencer par Tariq Ramadan. Complotiste à ses heures, Il fait mine de se poser des questions sur les "détails troublants de carte d'identité oubliée" lors de l'attentat contre Charlie Hebdo.

Nous n'avons pas affaire à des cambrioleurs ou des assassins qui souhaitent ne pas être retrouvés. Ce sont des djihadistes dont le but ultime est de mourir "sur le sentier de Dieu", tel que prôné par les fondateurs des Frères Musulmans. Ils se voient comme des martyrs dont le sacrifice doit être connu de tous. Ils sont donc hantés par le risque de ne pas être identifiés. Avoir avec eux leur carte d'identité n'est pas une légèreté. C'est un choix bien réfléchi. Un choix motivé par un autre élément bien plus pragmatique. Si le projet échoue, la fuite doit pouvoir être assurée. Les papiers d'identité sont dès lors indispensables en cas de contrôle inopiné ou de franchissement de frontière (Salah Abdeslam a été contrôlé trois fois pendant sa fuite, sans être arrêté). Mais Mennel a la même réaction que ses coreligionnaires fanatiques influencés par leurs prédicateurs. Elle monte sur ses grands chevaux et imagine avoir tout compris mieux que tout le monde. L'aveuglement et l'ignorance se transforment en certitude détenue par des personnes qui seraient supra intelligentes.

Cet autre tweet a été publié suite à l'attentat de Saint-Étienne-du-Rouvray commis le 26 juillet 2016. Elle y dédouane encore les islamistes pour, cette fois, accuser le gouvernement.

Nous retrouvons l'ensemble de ces théories sur tous les sites complotistes, à commencer par les sites islamistes. Mennel ne fait que répéter ce qu'elle voit partout sur ces sites qu'elle fréquente, sans mesurer l'énormité de ces propos.

Elle est aussi fan d'une ONG fondée par des salafistes dont le président refuse de serrer la main des femmes, et qui est surveillée par les services de renseignements : Baraka city. Ayant des origines syriennes, sa sensibilité à la guerre en Syrie est normale et louable. Mais le choix d'une telle association plutôt qu'une autre n'est pas anodin.


Elle préfère toutefois les Frères Musulmans aux salafistes. En plus de Tariq Ramadan et Hassan Iquioussen, elle partage aussi des publications de Nabil Ennasri qui est un pur produit de la confrérie. Fan de Youssef Al-Qaradhawi (homophobe, antisémite et ultra sexiste, il est le dernier grand théologien frériste encore en vie), N. Ennasri a été formé à l’Institut Européen des Sciences Humaines créé par l’UOIF et dont le parrain est justement Al-Qaradhawi. Cet institut a pour vocation de former des cadres musulmans qui partiront aux quatre coins de France pour diffuser l’idéologie frériste. Répondant au désir prosélyte de l'institut, il est entre autres président du Collectif des Musulmans de France. Un collectif qui a pour objet la diffusion de l'islam version Frères Musulmans auprès des musulmans français avec "pour axes prioritaires de réflexion et d'action l’éducation, la spiritualité et l’action sociale, citoyenne et politique". Homophobe et dans la victimisation permanente, il donne régulièrement des conférences politiques où il clame à quel point les musulmans seraient persécutés et violentés en France.

Mennel Ibtissem apprécie les analyses politiques d'un des Frères Musulmans français les plus actifs, Nabil Ennasri.

Mennel partage également Marwan Muhammad, l'ex-directeur du CCIF qui considère que les musulmans forment un peuple supérieur qui a vocation à diriger le monde.

Mennel Ibtissem apprécie aussi la ligne islamiste du CCIF et de Marwan Muhammad.

Elle n'a pas pu manquer un texte signé par Nabil Ennasri, Baraka city et Marwan Muhammad le 30 novembre 2015, deux semaines après les attentats (1). Un texte victimaire à outrance publié sur le site du CCIF qui explique, suite aux perquisitions dans les milieux islamistes, qu'il faut "consoler les enfants réveillés en pleine nuit, sécher les larmes et réveiller les coeurs de nos frères et soeurs, en foi comme en humanité". Ils expliquent qu'il faut "assister des gens discriminés et agressés pour leur religion ou leur couleur de peau". Voilà à quoi est intellectuellement nourrie Mennel Ibtissem.

La vision de la femme par ces "sources intellectuelles" a 200 ans de retard, mais ça ne gêne aucunement Mennel. Cela correspond même plutôt à sa conception au vu de ce qu'elle peut partager sur sa page.

Extrait d'une publication de Mennel Ibtissem sur sa page Facebook datant du 11 septembre 2016. C'est une citation religieuse à travers laquelle elle exprime sa vision rétrograde de la femme.

En tant qu'intégriste, notamment par ce type de publications, elle adhère évidemment au sexisme du voile. Une fois convaincue, elle devient elle-même ce que les prédicateurs islamistes attendent d'elle : une arme politique prosélyte pour la "salafisation" de l'islam. Le racisme et le sexisme du voile se transforment en "vêtement religieux". Toute opposition peut ensuite être considérée comme non respectueuse des pratiques religieuses. Le voile étant aussi transformé en identifiant ethnique, la culpabilisation par l'anathème de racisme est brandie face à toute critique. Elle multiplie alors les publications de propagande en faveur du voile.





Mennel Ibtissem, pur produit des Frères Musulmans, est devenue une militante active pour la promotion du sexisme au nom du religieux.

Comme tous les Frères Musulmans qui désirent l'imposer à la société, elle occulte totalement la raison d'être sexiste du voile pour donner l'image d'un simple choix, une forme de liberté pour le port d'un vêtement qui serait anodin. Son fanatisme l'amena logiquement vers l'association frériste la plus en pointe dans la modernisation marketing de l'intégrisme musulman : Lallab.

Elle a alors troqué son hijab pour un turban, sur le modèle de Attika Trabelsi, une des militantes emblématiques de Lallab. Loin d'être fidèle à l'islam, le turban permet de rester fidèle à l'islamisme. Le voile cachant la femme n'a jamais figuré dans le coran qui ne mentionne explicitement que la poitrine. Dissimuler les cheveux ou tout le corps, selon le degré de zèle, est une prescription intégriste inventée de toutes pièces pour définir ce qu'est la femme : un objet sexuel tentateur qui doit être caché pour ne pas exciter les hommes.

Le turban ou les hijabs fashion et colorés n'ont pas vocation à moderniser l'islam mais à toiletter l'islamisme sur le plan marketing. Le voile se raccourcit, mais l'idéologie reste la même. Coincées entre leur fanatisme, suite à un prosélytisme efficace, et leur désir d'avoir un minimum de liberté dans notre monde (dont celle de chanter…), ces femmes islamistes tentent de trouver un compromis. Mais elles reconnaissent quand même dans l'intégrisme musulman le véritable islam comme but idéal à atteindre.




Mennel Ibtissem au service de l'intégrisme religieux de Lallab.

En se rapprochant ainsi de Lallab et en se présentant comme une "artiste musulmane" dont le voile est l'élément identitaire, Mennel Ibtissem met clairement sa passion pour la musique au service de son action politico-religieuse qu'elle revendique et qu'elle défend. Le voile, à travers son turban, est la manifestation de cet outil politique. Ainsi, au-delà de son rêve sincère de percer dans la musique, sa participation à The Voice est aussi la consécration pour elle de son militantisme islamiste.

Elle s'inscrit dans un vaste projet mené par les islamistes depuis longtemps dont nous pouvons avoir un aperçu dans la capture d'écran, ci-dessous, de la page Facebook de Lallab.

Commentaires d'un article publié par Lallab où sont exposés le désir et la stratégie de conquête de ses militantes

Les écrits de cette capture sont des commentaires concernant un des articles de Lallab (2). Un article qui tente comme toujours de faire passer le voile pour un simple vêtement religieux. Nous retrouvons là la stratégie politique d'identifier la musulmane au voile. Une musulmane ne deviendrait vraiment pieuse et proche de Dieu que lorsqu'elle serait bâchée. Et celles qui ne se voilent pas ?...

Comme toujours avec Lallab et l'ensemble des islamistes, l'unique raison d'être du voile (son racisme, le sexisme et le patriarcat) est occultée. Ils mettent toujours en avant leur invention spirituelle pour à la fois séduire les musulmanes, rassurer la société et culpabiliser toute opposition.

On peut alors dérouler tout le discours victimaire de la martyre qui baignerait dans une société "religieusement" intolérante. L'intégriste qui témoigne dans l'article exprime aussi son rêve de voir des femmes voilées partout y compris à l'Assemblée Nationale. Et c'est ce qu'elle appelle... la laïcité.

Je rappelle que cet article et les commentaires sont publiés sur le site et la page Facebook de Lallab, cette association qui se présente comme areligieuse, apolitique et qui récuse l'accusation d'appartenance à l'idéologie des Frères Musulmans…

Les commentaires dans l'image ci-dessus font suite à l'article en question. On peut noter la gravité des propos par leur désir de conquête intégriste (l'auteure du premier commentaire travaille par exemple à l’Éducation Nationale).

Ce ne sont malheureusement pas quelques paroles perdues sur la page "féministe" de Lallab. En 2004, j'avais assisté pour la première fois à une conférence des Frères Musulmans où j'entendais déjà ce discours antiféministe à la fois victimaire et conquérant, avec les mêmes termes. Des propos que j'ai régulièrement entendus par la suite.

Les salafistes ne sont pas sur la même ligne. Ils estiment que la place de la femme est à la maison, qu'elle ne doit être en contact avec aucun homme. C'est ce qui rend l'intégrisme frériste moins grave aux yeux de certains. Cela confirme aussi que Lallab n'est pas une association féministe areligieuse mais bien une association intégriste issue de l'idéologie des Frères Musulmans, avec tout le projet politique de conquête "religieuse" qui l'accompagne. Mennel Ibtissem en est un des rouages.

Cela nous amène à la conclusion habituelle. Au-delà de son sexisme qui ramène la femme à sa supposée infériorité ancestrale, le voile est aussi un étendard identitaire et surtout politique. Il n'a jamais eu de dimension spirituelle.

Les publications de Mennel Ibtissem citées ont été postées entre janvier 2016 et mai 2017. Ses idées ont pu évoluer depuis. Il semble que son fanatisme se soit atténué, mais pas totalement.

Lors d'une interview, suite à son passage à The Voice (3), on lui pose la question suivante : "pourquoi portez-vous un turban sur vos cheveux ?" Sans qu'on ne lui fasse la moindre allusion à la religion, elle répond d'emblée qu'elle est de confession musulmane. Elle affirme ainsi le lien direct entre les deux et ressent ensuite le besoin de se justifier. Elle porterait le turban uniquement parce que c'est son style. Mais il lui est inconcevable d'imaginer être sans. Elle compare alors son turban avec les lunettes de soleil de Maitre Gims. Or, ce chanteur ne court aucun risque d'être insulté de "pute" ou accusé de n'avoir aucune pudeur par des intégristes s'il se baladait sans ses lunettes. Aucun islamiste ne brandirait la peur des flammes de l'enfer en cas de non port desdites lunettes. L'intransigeance de Mennel Ibtissem est bien la preuve d'un conditionnement. Comment parler de "choix" ou d'accessoire de mode lorsqu'il lui est psychologiquement impossible de faire autrement ?

Nous sommes dans la rhétorique classique des islamistes : affirmer son islamité dans sa version sexiste et politique par le voile tout en expliquant vouloir refuser d'être identifié par son appartenance religieuse frériste.

Son interprétation de "Hallelujah", chanson de Leonard Cohen, a aussi été bien pensée. Cette chanson a, à l'origine, une dimension spirituelle puis érotique. Elle commence par le 1er couplet, spirituel, puis abandonne la version originale pour éviter le côté érotique et passer à une version en arabe encore plus religieuse. Elle donne d'abord le sentiment d'une ouverture culturelle, le désir de rapprocher les musiques et les langues. Mais pour les arabophones et musulmans religieusement sensibles, elle tient un discours religieux subtil.

A l'issue de son passage, elle n'a toujours pas conscience de la gravité de ses opinions extrémistes. Même si, peut-être, ses opinions se seraient adoucies avec le temps. Noyée par toutes les connaissances apportées par les intégristes, elle ne voit aucun mal à tout ça. Pour elle, c'est la norme. Au point de ne pas avoir eu la présence d'esprit de nettoyer sa page Facebook avant de passer devant des millions de téléspectateurs et d'être exposée à la France entière. Dans cette affaire, elle est la première victime du fantasme complotiste tiré de son idéologie islamiste. Elle est la première victime de son sexisme religieux. Elle ne manquera sans doute pas d'en reporter la faute sur les "racistes" et "islamophobes" qui ont mis au jour son arrière-cour.

C'est là tout le drame d'une partie de cette génération de musulmans, quand d'autres ont fait le choix d'un islam spirituel et moderniste (certains ont sans doute d'ailleurs été candidats à The Voice sans que cela ne pose aucun problème). Elle est la quintessence de ces militants islamistes issus des rangs des Frères Musulmans convaincus d'être dans le vrai et l'unique islam. Pour elle comme pour d'autres, il lui est inconcevable d'entendre des discours religieux modérés qui ne seraient à leurs yeux qu'une trahison de l'islam. Elle est le fruit parfait, la plus belle réussite de cet islamisme politique qui se sert des femmes voilées comme cheval de Troie. Même si elle tente de se frayer quelques libertés dans son intégrisme.

L'extrême droite, comme d'habitude, a sauté sur l'occasion. Toute la fachosphère s'est engouffrée dans cette affaire. Les attaques qu'elle subit depuis quelques jours sont parfois violentes et ignobles. Au-delà de cela, à cause des militants politico-religieux tels que Mennel, ce sont les musulmans dans leur ensemble qui sont éclaboussés. Preuve supplémentaire que ce sont bien ces islamistes qui servent la soupe à l'extrême droite traditionnelle et sont responsables de la peur que suscite l'islam. L'un entretient l'autre. Et comme d'habitude, les islamistes, indigénistes et leurs soutiens en profitent pour assimiler à la fachosphère les féministes et militants universalistes qui eux ne dénoncent que l'intégrisme religieux et les publications choquantes de la candidate.

Toute cette déferlante n'est pas causée par la publication de ses opinions religieuses. Le problème vient de ses opinions politiques issues de l'extrême droite musulmane. Sa page Facebook ressemble bien plus à celle d'une militante politique qu'à celle d'une croyante qui exprime sa religiosité. Elle en a le droit. Tout comme des citoyens ont le droit de dénoncer la radicalité d'une candidate à un télé-crochet. Faire croire que cette dénonciation serait motivée parce qu'elle est musulmane est une insulte à l'ensemble des musulmans. Non, toutes les musulmanes ne sont pas complotistes, ne sont pas voilées et n'adhèrent pas à l'idéologie des Frères Musulmans ! La réaction aurait été la même si une candidate se présentait comme chrétienne sans qu'on le lui demande et qu'on découvre qu'elle soutient Civitas et des groupuscules d'extrême droite.

Sa présence à l'antenne, son interprétation de la chanson, en prenant en compte tout ce que j'ai énoncé, participent à un prosélytisme. Elle s'est présentée maquillée et coquette avec un joli turban. Elle a repris la chanson d'un juif. Elle a choisi l'équipe d'un homosexuel. Tout ce qu'il faut pour provoquer des crises cardiaques en série chez les salafistes. Cela démontre qu'elle a su évoluer. Mais pour la frange des Frères Musulmans qui sont dans la stratégie politique, elle représente encore une aubaine. Par sa beauté et sa belle voix, elle affiche un islamisme "acceptable". Les jeunes musulmanes séduites la voyant ainsi à la télévision ne seront-elles pas tentées de découvrir les idées qui motivent cette candidate ? Certes, les salafistes perçoivent Mennel comme une musulmane non respectueuse de la "pudeur" islamiste. Mais une bonne part des Frères Musulmans voient en elle un agent recruteur hors pair.

Je ne sais pas si Mennel Ibtissem a conscience de tous ces enjeux. Elle n'a même sans doute pas conscience qu'elle adhère à l'idéologie des Frères Musulmans, convaincue par ses lectures et ses vidéos sur internet qu'elle pratique le seul et véritable islam. Prise dans cette lutte idéologique et politique dont l'islam sert de prétexte, je pense qu'elle est complètement dépassée et ne comprend sans doute pas ce qui lui arrive. Elle est à la fois actrice et victime de son idéologie. C'est tout le drame des musulmanes séduites par l'islamisme.

Dans une vidéo préparée par un service de communication, publiée dans la nuit du 9 février 2018, elle lit un communiqué où elle déclare finalement quitter l'émission (4).

Combien de Mennel Ibtissem, garçons ou filles, sont tombés dans cette radicalité en désirant découvrir l'islam par les sources les plus accessibles, celles des islamistes ? Combien de Mennel ont "choisi" le voile car elles ont intégré l'idée que leur corps est honteux et responsable de la libido masculine qui pourrait les précipiter dans les flammes de l'enfer ? Combien de Mennel ont été aveuglés au point d'être obsédés par la Palestine, les juifs, les théories du complot et la victimisation permanente ? Elle est le reflet de la situation d'une grande part des français de confession musulmane.

A travers cette épreuve, elle trouvera peut-être la force de s'éloigner de l'islamisme pour se rapprocher de l'islam, une religion plus spirituelle que politique, comme d'autres ont pu le faire avant elle. Ou bien elle choisira la facilité en se complaisant dans les soutiens victimaires et racialistes qu'elle recevra des islamistes et indigénistes. J'espère sincèrement pour elle que son amour, sa passion de la musique seront plus forts que l'emprise islamiste. Sa religiosité n'a pas besoin de Tariq Ramadan, du CCIF, de Lallab et autres Frères Musulmans. La religion ne se vit pas par un voile sur la tête. Le sexisme et la politique n'ont jamais été une source de spiritualité. La religion se vit dans son âme et dans son cœur. La France laïque, son pays, lui permet de la vivre pleinement. En abandonnant l'islamisme, elle pourra appliquer sa déclaration : "Aujourd’hui par la musique, je suis heureuse de vous exprimer mon amour et ce qui me tient le plus à coeur : la tolérance envers les autres et la paix entre nous".


(1) Message commun du CCIF, de Barakacity, d’ Al-Kanz, de Nabil Ennasri et de Marwan Muhammad

(2) Chaque jour, je retire mon voile pour travailler

(3) Mennel (The Voice) : «J'ai longuement hésité entre Zazie et Mika»

(4) Bonsoir, j’ai un message important à vous communiquer

Article publié initialement sur le blog de Naëm Bestandji

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