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Le coup de cœur de la semaine : "Jusqu'à la garde"
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Sur un thème ardu, la violence conjugale, "Jusqu'à la garde" est un film où tout est vraiment remarquable: scénario, interprétation, image, lumière, montage. Oui, vraiment, c'est un petit chef d'oeuvre.

Dominique Poncet pour Culture-Tops

Dominique Poncet pour Culture-Tops

Dominique Poncet est chroniqueuse pour Culture-Tops.

Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).
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CINEMA

« JUSQU'A LA GARDE » 

DE XAVIER LEGRAND

AVEC DENIS MENOCHET, LEA DRUCKER, MATHILDE AUNEVEUX, ETC…

RECOMMANDATION : EN PRIORITÉ

THEME

Jusqu’à la garde est un film qui parle d’un sujet resté longtemps tabou, celui de la violence conjugale.

Tout commence dans le bureau d’un juge d’instruction, où une femme et un homme en plein divorce négocient la garde de leurs enfants.  Elle, la mère (Léa Drucker), qui accuse son ancien compagnon de violences, demande la garde exclusive de son fils Julien (Thomas Gioria) et de sa fille Joséphine (Mathilde Auneveux). Le père  (Denis Menochet), dans la dénégation de cette violence, exige une garde alternée. Malheureusement, c’est lui que le juge va écouter…

Après son début quasi documentaire, le film va basculer dans le thriller psychologique. En s’immisçant dans le quotidien de ses deux principaux protagonistes, il va montrer les suites, catastrophiques, de cette décision  judiciaire. Le pire va surgir…

POINTS FORTS

 - Un scénario, fort, resserré comme celui-là, qui  prend le spectateur dans les tenailles de la violence et de la peur, cela, avec une stupéfiante  économie de moyens… Dans le cinéma français, on n’en voit quasiment jamais.  Le drame de  Jusqu’à la garde  est imparable, implacable. Il ne se dilue  dans rien,  ne montre pas grand chose, s’accompagne de peu de mots et se déroule sans aucun support musical. Mais, mais il suggère beaucoup, de la violence et de la terreur que font régner les tyrans domestiques.

 - Faisant entièrement confiance à la structure dramaturgique de son histoire, Xavier Legrand l’accompagne sobrement d’images à la fois signifiantes et réalistes. Filmées dans les couleurs sales des tragédies urbaines, les séquences s’enchaînent selon un rythme très calculé, sans mouvement intempestif. Aucune ne joue sur le spectaculaire ou sur le voyeurisme. Tout paraît feutré, mais  la dangerosité s’insinue partout. La peur est là, poisseuse, qui croît, au fil des minutes. Selon que l’on se trouve avec le père ou avec la mère, on capte soit  des regards d’une brutalité ou d’un désespoir abyssaux, soit, au contraire, des expressions tétanisées par l’effroi. Dans ce Jusqu’à la garde, qui relève de la  traque d’une femme aux aguets, tout est glauque, misérable, sans échappatoire, sans concession, sans issue.

 - Pour tenir le pari de ce thriller haletant et saisissant, Xavier Legrand a fait appel à des comédiens qui peuvent jouer, sans le support des mots,  toutes les émotions, tous les états, toutes les situations.Léa Drucker compose un mère qui cache sa peur sous un masque de dureté impénétrable, jusqu’à en paraître insensible et antipathique. Quant à Denis Ménochet, il crève l’écran dans son rôle de mari  narcissique et manipulateur qui, pour dissimuler sa monstrueuse violence, sait donner à son regard clair celui des tendres agneaux. On regarde jouer ce comédien de quarante et un ans,  au physique de rugbyman, et on est sidéré, oui, sidéré par la finesse et la puissance  de son  interprétation.

POINTS FAIBLES

Je n'en vois aucun. Scénario, image, lumière, interprétation, montage, tout est d’une maitrise époustouflante.

EN DEUX MOTS

Xavier Legrand dit que, pour l’écriture de son scénario, il a été guidé par trois  films, Kramer contre Kramerla Nuit du Chasseur et surtout Shining. Il a beau le dire, avec une honnêteté qui ne court plus les rues, ce qui frappe dans le sien, c’est sa personnalité. Certes, ici ou là, on peut reconnaître quelques emprunts aux films précités, mais peu importe ! Ce qui compte  et qui stupéfie, c’est que ce  Jusqu’à lagarde  porte le sceau d’un  vrai cinéaste. Un de ceux dont la patte et l’univers rendent leurs films inoubliables.

On vous aura prévenus : Jusqu’à la garde n‘est pas seulement un de ces films  nécessaires qui traitent  avec intelligence et réalisme de cruciaux sujets de société. C’est aussi un petit chef d’œuvre.

UN EXTRAIT 

« La peur est  à l’origine de Jusqu’à la garde. La peur que suscite un homme prêt à tout pour retrouver la femme qui veut se séparer de lui et fuir son extrême violence... En France, une femme meurt tous les deux jours et demi des suites de ces violences, et même si les médias en parlent, le sujet reste tabou. Les victimes ont peur de se confier, les voisins et les proches ne disent rien… Le secret reste lourd. » (Xavier Legrand, réalisateur).

LE RÉALISATEUR

Avant de se lancer dans le cinéma en tant que scénariste et réalisateur, Xavier Legrand, né en 1979,  ancien élève du Conservatoire  National Supérieur d’Art Dramatique de Paris, travaille d’abord longtemps pour le théâtre, où il se  fait remarquer en tant qu’acteur dans des mises en scènes de textes classiques (Shakespeare, Molière, Tchekhov) ou  contemporains ( Copi, Michel Vinaver, Florence Delay, etc).

C’est par le court métrage qu’en 2012, le comédien, qui a  beaucoup joué aussi pour le petit et le grand écran, aborde le septième art. Il écrit et réalise Avant quede tout perdre qui est sélectionné dans une centaine  de festivals à travers le monde. Nommé aux Oscars en 2014, ce film, sur une femme quittant un mari violent, avec déjà en tête de distribution, Léa Drucker et Denis Ménochet, obtient de nombreuses récompenses, dont notamment quatre prix au Festival International du Court Métrage de Clermont Ferrand en 2013.

 Jusqu’à la garde est le premier long métrage de Xavier Legrand. Il arrive sur les écrans français auréolé de la double récompense qu’il a reçue à la Mostra de Venise : Lion d’Argent pour la mise en scène et Premier meilleur film.

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