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Les deux organisations à bâtir et consolider pour réussir "l'islam de France"
©ROMAIN LAFABREGUE / AFP

Bonnes feuilles

L'islam est devenu une religion française. Parce que c'est la première religion pratiquée de France. Parce que les musulmans de France sont français pour les trois quarts d'entre eux. Parce que la France peut être une terre fertile pour le renouveau théologique et intellectuel dont l'islam a tant besoin. La religion musulmane enfin est un problème français parce que c'est au nom d'Allah que le terrorisme frappe la France ou que certains tentent d'imposer une vision du monde alternative au projet républicain. Le livre d'Hakim El Karoui explore les pratiques, les croyances et les comportements des musulmans de France, grâce à l'exploitation minutieuse de la grande enquête réalisée en 2016 par l'Institut Montaigne. Extrait de "L’islam, une religion française" de Hakim El Karoui, publié chez Gallimard. (2/2)

 Hakim El-Karoui

Hakim El-Karoui

Normalien (Fontenay), agrégé de géographie, Hakim El-Karoui a été conseiller technique de Jean-Pierre Raffarin et chargé des « études et prospectives » auprès de Thierry Breton, alors ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie. De père tunisien et de mère française, il est passionné par les questions d'intégration et préside le « Cercle du XXIe siècle » dont l'un des objectifs est de permettre une meilleure insertion des Français d'origine. Il est l'auteur de l'essai "Réinventer l'Occident".

 

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La première organisation [La fondation pour l'islam de France] a vu le jour. Elle est aujourd’hui présidée par Jean-Pierre Chevènement. Si son conseil d’administration est très classique, la composition de son conseil d’orientation démontre un souci de renouveau. C’est déjà un bon point. Outre les responsables du CFCM, d’autres membres incarneront les différents courants de « l’islam de France » : Éric Geoffroy, islamologue et pré- sident de la fondation Conscience soufie ; Bruno Abdelhaq Guiderdoni, directeur de l’Institut des hautes études islamiques à Lyon ; ou encore l’imam de la Grande Mosquée de Bordeaux, Tareq Oubrou, qui mène un travail sérieux d’interprétation contextuelle des textes. La volonté du ministère de l’Intérieur d’ouvrir largement la fondation à la société civile apparaît avec la nomination de l’éditeur Jean Mouttapa, du juriste et islamologue Francis Messner, professeur à l’université de Strasbourg, de l’ancien chef du bureau des cultes Didier Leschi, ou encore de Pap’ Amadou Ngom, ancien président du Club du XXIe siècle.

J’ai l’honneur de faire partie de ce cénacle, ce qui me donnera l’occasion de m’impliquer encore davantage dans la promotion d’un islam républicain dans notre pays. Enfin, un théologien et islamologue catholique a également accepté de participer à la fondation : dominicain, le frère Emmanuel Pisani est directeur de l’Institut de sciences et de théologie des religions à l’Institut catholique de Paris. Il a reçu l’an dernier le prix Mohamed Arkoun pour sa thèse sur le célèbre théologien musulman du XIe siècle, Al-Ghazali. Enfin, grande avancée dans un monde essentiellement masculin, sur les 30 membres du conseil d’orientation de la nouvelle Fondation de l’islam de France, 11 sont des femmes. La parité est même quasiment atteinte — 11 femmes sur 24 — si l’on excepte les 6 membres du conseil d’orientation qui y siègent au titre du Conseil français du culte musulman. Parmi les membres féminins du conseil d’orientation figurent Houria Abdelouahed, psychanalyste francomarocaine et maître de conférences à l’université ParisDiderot ; Razika Adnani, philosophe et écrivain, fondatrice et présidente des Journées internationales de philosophie d’Alger ; Leili Anvar, enseignante en langue et littérature persanes ; ou encore Inès Safi, chercheuse au CNRS en physique théorique, passionnée par le dialogue entre sciences et foi. Des élues ont aussi accepté d’y siéger, comme Bariza Khiari, sénatrice et présidente de l’Institut des cultures d’islam à Paris ; Naïma M’Faddel, ancienne déléguée du préfet des Yvelines à la politique de la ville, aujourd’hui adjointe au maire de Dreux (Eure-et-Loir) ; ou Khadija Gamraoui, maire adjointe chargée de la sécurité et des cultes à Carrières-sous-Poissy (Yvelines). Ainsi que de très « jeunes » femmes, comme Radia Bakkouch, vingt-cinq ans, présidente de l’association Coexister, ou Sofia Azzouz, vingt-huit ans, conservatrice du patrimoine.

Cette fondation pourra par ailleurs compter sur le soutien de plusieurs grands groupes : la SNCF, le groupe Aéroports de Paris et le bailleur social SNI comptent parmi ses membres fondateurs. Ces derniers entendent mettre à son service leur « expérience de grandes entreprises fortement impliquées dans la vie économique et sociale » et engagées « en faveur du dialogue des cultures », selon le ministère. Le capital de la Fondation des œuvres de l’islam — près d’un million d’euros dotés par l’industriel Serge Dassault — a également été transféré à la nouvelle structure, qui devrait pouvoir s’appuyer à moyen terme sur plusieurs millions d’euros pour financer ses projets. La Fondation a d’ores et déjà commencé à soutenir la recherche en islamologie et réfléchit à la mise en place d’un « campus numérique » sur l’étude du fait religieux. Deux axes de travail ont également déjà été validés par son conseil d’administration : elle financera des projets en direction de la jeunesse — avec les Scouts musulmans notamment — et dans le domaine de la formation des imams, pour faciliter par exemple leur inscription aux diplômes universitaires sur la laïcité.

Mais, on l’a dit, c’est la deuxième organisation — appelons-la l’Association musulmane pour un islam de France (AMIF) — qui est la plus importante. Or, elle n’a toujours pas vu le jour. Pourquoi ? Parce qu’elle a été confiée par le ministère de l’Intérieur aux dirigeants du CFCM qui se sont empressés de proposer une gouvernance impossible. 42 membres au conseil d’administration, représentant les différentes fédérations liées aux pays étrangers ainsi que les mosquées contrôlées par ces mêmes pays étrangers, avec enfin des personnalités qualifiées validées par les dirigeants du CFCM : la gouvernance proposée en aurait fait un CFCM bis avec encore moins de capacité d’action que celuici qui est déjà, lui-même, une organisation très faible comparée à la puissance des grandes mosquées et des fédérations nationales. À peine arrivé, le nouveau président du CFCM, Ahmet Ogras, représentant des intérêts turcs, a déclaré que cette association « n’était pas sa priorité ». Rien d’étonnant. Les représentants des pays étrangers se chamaillent sans cesse, sauf quand il s’agit de défendre le statu quo de l’organisation globale. Pour réussir, il n’y a qu’une solution : rompre avec la tutelle des pays étrangers. Et permettre au ministère de l’Intérieur d’être le passeur nécessaire entre deux générations de musulmans, ceux nés dans les pays d’origine, souvent liés aux intérêts de ces derniers, et ceux qui sont nés en France et qui ne se déterminent qu’en fonction des intérêts français.

Extrait de "L’islam, une religion française" de Hakim El Karoui, publié chez Gallimard.

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L’islam, une religion française

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