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Quand on redistribue du pouvoir d’achat, c’est une bonne nouvelle. Sauf pour les financiers... et ils nous le font payer
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Atlantico Business

Hausse des salaires aux Etats-Unis, négociations avancées en Allemagne, transferts sociaux et fiscaux en France. Bonne nouvelle pour les particuliers, mais pour les financiers, ça coince.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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La redistribution de pouvoir d’achat, c’est pourtant une bonne nouvelle. Que ça passe par les salaires, les bonus, l’intéressement ou les transferts fiscaux, la hausse des revenus des ménages est plutôt vertueuse en période de croissance forte comme c’est le cas actuellement.

Et bien, les financiers accrocs à la spéculation s’en inquiètent au point d’affoler tout le monde. Incompréhensible. Cette semaine, ils ont failli faire sauter la bourse.

L’explication mérite pourtant une analyse de détail. Dans la plupart des pays occidentaux, les responsables économiques ont pris conscience que, pour amortir les effets pervers de la mondialisation, il leur fallait redistribuer en pouvoir d’achat des fruits de cette évolution. Le mouvement est venu du monde de l’entreprise. Les patrons et les actionnaires éclairés.

Cette mutation mondiale a entrainé des suppressions ou des transferts d’emplois et créé un climat de stress d’autant plus fort que globalement, il n’y a pas eu de hausse sensible du pouvoir d’achat, sauf pour ceux qui ont profité de cette mondialisation et cette modernité digitale. Du coup, on assiste à une aggravation des inégalités entre ceux qui avaient un job et ceux qui n‘en ont pas ou plus. Entre ceux qui étaient déjà riches avant qui se sont enrichis encore plus, et ceux qui se sont appauvris.

Ce phénomène a touché tous les pays développés d‘où les vagues de populisme qui se sont formées d’élection en élection en poussant aux portes du pouvoir les partis extrémistes et leur discours programmé très démagogique. D’où l‘arrivée de l’extrême droite partout en Europe. D’où le Brexit ou l’élection de Donald Trump aux USA. D’où la poussée du régionalisme, du nationalisme et des courants identitaires. D’où la recherche de bouc émissaires et les chasses aux élites partout dans le monde.

La réponse apportée par beaucoup de responsables de grandes entreprises a été d’amorcer un processus de redistribution de revenus, sous formes de salaires, de bonus, d’intéressement ou de transferts sociaux.

Le problème est que toutes les économies ne peuvent pas le faire. Celles qui ont amélioré leur compétitivité peuvent desserrer leur politique de salaire. Celles qui n’ont pas crée de compétitivité doivent faire appel à l’Etat pour obtenir des allègements fiscaux.

Du coup, ces politiques de pouvoirs d’achat, par exemple, ne sont pas sans déstabiliser les marchés financiers comme ça a été le cas en début de semaine à New-York.

Aux Etats-Unis, Donald Trump a donné un signal fort en créant un choc fiscal favorable aux entreprises. La majorité d’entre elles a organisé un transfert de moyens vers des hausses de bas salaires en particulier, ce qui a aussi permis de répondre au marché de l’emploi très tendu. L’effet pervers aura été d’accréditer un risque d’inflation ce qui, combiné à la hausse des taux, a inquiété les acteurs du monde financier et alimenté une volatilité désastreuse pour les placements. D’où le mini krach. Et l’inflation impliquant forcément la volatilité, on en est au mini krach provoqué par la montée des risques liée à cette volatilité extrême des marchés. Alors qu’au fond, la raison première du déséquilibre, la hausse des salaires était plutôt une bonne nouvelle.

En Allemagne, la situation économique des entreprises a permis aux grands syndicats de revendiquer et d’obtenir des hausses de salaire importantes et une réduction de la durée du travail dans le secteur de la métallurgie. Parallèlement, le SPD a accepté de participer au gouvernement moyennant un fléchissement notable de la politique qui était jusqu'alors appliquée par Mme Merkel. Le résultat est que tout le monde s’attend à une augmentation de la consommation et un assouplissement de la sacro sainte rigueur sur les dépenses publiques. Là encore, c’est plutôt une bonne nouvelle pour les allemands et pour les européens qui vont eux aussi pouvoir desserrer l’étau.

La France, elle, est beaucoup plus gênée pour bouger les curseurs. Le niveau des dépenses publiques est tel qu’il faut impérativement les baisser. Quant à la compétitivité, elle n’a guère fait de progrès. Notre commerce extérieur est toujours aussi déficitaire. De plus, le marché du travail, avec près de 10% de chômage, ne devrait pas être porteur d’inflation (sauf que la part structurelle est tellement importante que ça bloque tout). Il faut donc jouer à la marge sur les transferts sociaux. Alléger les charges sociales, c’est augmenter le pouvoir d’achat des actifs et notamment des jeunes sans formation. En contrepartie, on augmente la CSG, ce qui va peser principalement sur les retraités.

Quand le gouvernement supprime l'ISF, il espère que cet argent ne restera pas dormir sous les matelas mais reviendra dans l’économie sous forme d’investissement et de création d‘activité.

Rien de tout cela s’apparente a de trop mauvaises nouvelles.

Et bien le cumul de tous ces facteurs inquiète les milieux financiers qui ne retiennent que le risque d’inflation et la réaction des banquiers centraux qui pourraient durcir les taux d’intérêt. Conséquence : leur algorithme tellement habitué à la régularité des économies perfusées, s’affole et provoque des baisses automatiques pour limiter leurs pertes en cas de baisse. Ce faisant, ils aggravent les baisses et tout le monde essaie de sauter du train avant qu’il ne soit trop tard. D’où le vrai risque d’une catastrophe.

Maintenant cet épisode de l’histoire appelle deux remarques.

1ere remarque, les fondamentaux de l’économie n’ont pas été touchés.D’ailleurs, il n’y a eu aucun affolement dans l‘économie réelle, ni d’effet systémique. Pour l’instant. Parce que dans l’avenir, tout le monde a compris qu’on allait enlever les perfusions qui ont été posées par les banquiers centraux pour revenir à des conditions monétaires normales, avec des taux normaux qui appellent des vrais taux de profit.

Les financiers trouvaient les perfusions bien pratiques. Le problème, c’est que beaucoup d’économies ne sont pas prêtes à être sevrées. Elles ne sont pas guéries. Elles risquent de trébucher au moindre chaos. C’est le cas des économies européennes, où la BCE va continuer d’arroser de monnaie les mécanismes de création de richesse.

2ème remarque, la crise du début de semaine a été d’une brutalité sournoise parce que les opérateurs de marché ont pris peur. Ils ont pris peur parce qu’ils se sont engagés dans des produits de placements fondés sur la volatilité, ils ont fait des paris insensés en pensant que les arbres montaient tranquillement jusqu’au ciel. Ils ont gagné beaucoup d’argent. Ils se sont aperçus qu’au premier frémissement venu, ils pouvaient perdre des milliards. Ils ont perdu moins d’argent qu’en 2008 avec les CDS sur les subprimes, mais ils ont perdu beaucoup. Les marchés le sauront.

Mais cette tempête signifie une fois de plus que les régulateurs n’ont pas su faire leur métier de surveillant. Les leçons de la dernière crise n’ont pas été comprises.

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