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Législatives partielles : trou d’air pour LREM, (petite) bouffée d’oxygène pour LR
©BERTRAND GUAY / AFP

Analyse

Dans les deux élections législatives partielles, ce sont les candidats Républicains qui ont remporté les scrutins, infligeant un camouflet au gouvernement.

Bruno Cautrès

Bruno Cautrès est chercheur CNRS et a rejoint le CEVIPOF en janvier 2006. Ses recherches portent sur l’analyse des comportements et des attitudes politiques. Au cours des années récentes, il a participé à différentes recherches françaises ou européennes portant sur la participation politique, le vote et les élections. Il a développé d’autres directions de recherche mettant en évidence les clivages sociaux et politiques liés à l’Europe et à l’intégration européenne dans les électorats et les opinions publiques. Il est notamment l'auteur de Les européens aiment-ils (toujours) l'Europe ? (éditions de La Documentation Française, 2014) et Histoire d’une révolution électorale (2015-2018) avec Anne Muxel (Classiques Garnier, 2019).

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Après une baisse de 4 points enregistrée dans un sondage Elabe de ce 2 février, ramenant Emmanuel Macron a des scores comparables à ses prédécesseurs, comment analyser les résultats du second tour des partielles de ce 4 février?

Bruno Cautrès : Il faut bien sûr être prudent et ne pas sur-interpréter à partir de deux circonscriptions. Cette prudence est d’autant plus nécessaire que la participation a été faible (moins de 30% au second tour dans la circonscription du Territoire de Belfort et moins de 20% dans le Val d’Oise).  Par ailleurs, il s’agissait de circonscriptions orientées à droite. Enfin, il faudra comparer au recul enregistré par le PS aux législatives partielles de 2012/2013 afin de mieux comprendre si les deux partielles d’hier marquent quelque chose de plus significatif au plan national.

Une fois cela dit, on ne peut que remarquer le recul assez net des candidats LREM, que l’on avait déjà vu au premier tour et notamment dans le Val d’Oise où sa candidate reculait particulièrement par rapport à juin dernier. La droite LR ne peut qu’interpréter ces deux victoires comme le signe d’une reconstruction en cours et d’un signal envoyé par son électorat. Une séquence faite de micro-évènements (sondages en baisse pour Emmanuel Macron, indices d’une grogne social qui commence à s’exprimer dans certains secteurs comme celui de la santé ou des prisons) et de la dynamique favorable à Laurent Wauquiez auprès du noyau dur des sympathisants LR. Ce sont des signes que ce noyau dur va commencer à interpréter comme des indices d’une possible renaissance.  Je remarque également qu’en venant soutenir, dans le Val d’Oise, la candidate LREM, Edouard Philippe et Christophe Castaner ont pu accentuer la dimension symbolique que prend aujourd’hui ce mauvais résultat pour la majorité.

Plus spécifiquement, quels sont les enseignements des deux partielles en comparaison aux scores des législatives de juin 2017? 

L’effondrement du PS et le maintien du leadership de LFI sur la gauche ont été des enseignements très intéressants même si LFI ne progresse pas. Autant LR peut voir dans ces législatives des signes encourageants, autant le PS ne le peut pas. La reconstruction sera plus longue pour lui, un effet sans doute mécanique du fait que le parti n’a toujours pas de leader et qu’il était au pouvoir il y a encore moins d’un an. On a également vu le net recul du FN. Il faudra aller regarder de près, au niveau des bureaux de vote, les logiques de transferts et de reports de vote afin de savoir si la stratégie Wauquiez a été ou non payante. Enfin, on voit un net recul de LREM au moment même où le mouvement cherche à accentuer son implantation territoriale dans la perspective des municipales. Dernier élément : l’abstention de niveau très élevée alors qu’elle l’était déjà en juin 2017 montre que l’élection présidentielle n’a pas réglé tous les problèmes de la distance entre les citoyens et la sphère de la politique même si l’in sait que les élections partielles mobilisent habituellement peu.

Faut-il voir l’ensemble de ces tendances, des élections partielles aux sondages de popularité comme un rattrapage des logiques de « l’ancien monde » appliquées à Emmanuel Macron? 

Je n’ai jamais cru en la rupture entre « ancien » et « nouveau monde ». Les sciences sociales nous apprennent que le passé est toujours dans le présent. Il existe des élections de rupture ou de réalignement bien sûr et « l’ordre électoral » peut connaître des recompositions fortes et spectaculaires. Mais au niveau des attitudes et valeurs politiques je préfère parler de coexistence entre plusieurs dimensions qui structurent le rapport des Français à la politique : le clivage gauche/droite n’est pas mort et il ne faut pas confondre sa dimension partisane et sa dimension idéologique. On ne pourra savoir si un « nouveau monde » politique a émergé en 2017 qu’en 2020 (municipales)  ou même 2022….Ces futures élections pourront tout aussi bien confirmer 2017 que l’atténuer ou l’inverser. L’amplifier me semble plus incertain compte-tenu du haut niveau de vote LREM atteint en 2017. Pour le moment, on peut observer un curieux paradoxe : la droite marque quelques points alors même que l’exécutif envoie des signaux aux électeurs de droite et du centre-droit (statut des fonctionnaires)….Le noyau dur des sympathisants LR commencent-ils à envoyer le message qu’ils préfèrent « l’original à la copie » ? Ce serait alors le début du fameux « crantage » que les spécialistes d’analyse politique considèrent comme l’amorce d’une histoire sérieuse entre des électeurs et un thème ou un parti. A suivre, car nous n’en sommes qu’au tout début de la phase de restructuration de notre vie politique post-présidentielle 2017. Un peu trop tôt pour le dire, pour le moment. 

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