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Crise : sommes-nous à la veille 
d'une rechute brutale ?
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Deuxième effet kiss-cool

Après Pâques, les bourses européennes ont toutes perdu entre 2,5 et 5 %, les taux d'emprunt de l'Italie et l'Espagne ont fortement augmenté. L'effet des liquidités de la BCE commence à s'estomper, et la situation de l'Espagne est préoccupante.

Nicolas Bouzou

Nicolas Bouzou

Nicolas Bouzou est économiste et essayiste, fondateur du cabinet de conseil Asterès. Il a publié en septembre 2015 Le Grand Refoulement : stop à la démission démocratique, chez Plon. Il enseigne à l'Université de Paris II Assas et est le fondateur du Cercle de Bélem qui regroupe des intellectuels progressistes et libéraux européens

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Après les quatre jours de la trêve du week-end de Pâques, les bourses européennes ont toutes perdu entre 2,5 et 5 %, le CAC 40 lui-même s'est replié de 3,08 %, et n'affiche mercredi soir qu'une timide hausse de 0,62%. Dans le même temps, les taux d'emprunt des États les plus fragiles de la zone euro ont fortement augmenté (Espagne et Italie).

Nombreux sont ceux qui se sont interrogés ces dernières semaines sur la fin de la crise. Était-elle « réglée » ? Il faut sortir de cette logique simpliste. On ne « règle » pas une crise d’une telle ampleur. Les pays européens font face aujourd’hui à une crise de surendettement publique, c’est-à-dire d’inadéquation structurelle entre les dépenses publiques et ce que leur économie est capable de délivrer en termes de croissance et donc de recettes fiscales. On ne s’en sortira donc durablement que lorsque des politiques de croissance auront été instaurées et produiront leurs effets, et quand nos État (y compris la sécurité sociale) auront été réformés pour être plus efficaces et moins coûteux.

Dans l’intervalle, de nouveaux mécanismes de solidarité intra-européens devront être trouvés, qui nous mèneront vers une nécessaire et enthousiasmante Europe Fédérale. Vu sous cet angle, on comprend que le redressement sera long et chaotique. D’ailleurs, la crise espagnole vient se rappeler au souvenir des étourdis ou des optimistes niais : ses principaux indices boursiers ont plongé et ses taux d'intérêt à long terme (10 ans) se sont approchés de la barre symbolique des 6%. Voilà un pays dont les finances publiques n’ont pas été spécialement mal gérées ces dernières années, mais qui souffre d’une absence de « croissance économique potentielle ». Entendez : après la crise du secteur de la construction, on ne voit pas ce qui pourrait soutenir l’activité et l’emploi dans le pays.

L’effet de ciseau mécanique entre des recettes fiscales en baisse et des dépenses sociales (l’indemnisation des chômeurs notamment) en hausse pose la question de la liquidité, et éventuellement celle de la solvabilité de l’État. Problème : en l’absence d’une politique monétaire nationale qui permettrait de monétiser une partie de la dette (ce que font États-Unis et surtout Royaume-Uni), et de dévaluer le taux de change, et sans transferts financiers massifs vers ce pays, rien ne peut faire repartir la croissance à court terme. C’est même pire : le gouvernement espagnol n’a d’autre choix que de couper à la serpe dans les dépenses pour éviter une flambée de ses taux d’emprunts, n’ayant plus le temps d’entreprendre des réformes de fond. In fine, les effets keynésiens jouent à la baisse : l’activité baisse encore plus et le chômage n’en finit plus de monter. Voilà l’équation extrêmement complexe qui éclate le corps social espagnol et qui rend les marchés si fébriles.

Certes, la Banque centrale européenne a formidablement fait le job ces dernières semaines. Elle a massivement prêté aux banques, lesquelles ont partiellement redirigé ces liquidités vers les États. Son diagnostic est évidemment le bon : l’Europe reste en sur-capacités de production, ce qui se traduit notamment par un chômage de masse conjoncturel (qui vient, dans certains pays comme la France, s’ajouter au chômage structurel) et un investissement réduit au strict minimum du renouvellement du capital. Ces surcapacités tirent les salaires et les prix industriels vers le bas et empêchent l’inflation de se développer, en dépit de marchés de matières premières tendus. Conserver une politique monétaire encore expansionniste pour soulager banques et États (et donc au bout du compte le secteur privé) un bon moment n’est donc pas absurde, mais cela sous-entend qu’il faudra de nouveau que la BCE prête aux banques.

Cette politique pose deux questions : d’une part, les banques, même liquides, n’en sélectionnent pas moins les risques : elles prêtent à l’Italie dont le gouvernement a entrepris d’imposantes et pertinentes réformes, à la France qui, pour l’heure (mais jusqu’à quand ?) inspire encore confiance, mais pas à l’Espagne qui en aurait pourtant bien besoin. D’autre part, ces liquidités devront faire un jour le chemin inverse, des banques vers la BCE. Et en vérité, nul ne maîtrise vraiment l’impact de ce débranchement de perfusions sur l’économie malade de la zone euro et sur les États les plus fragiles. La politique monétaire s’apparente à une prise de cortisone : elle soulage le patient, elle lui permet éventuellement de gagner du temps, mais elle ne le soigne jamais.

De ces sujets, personne ne parle sérieusement pendant cette campagne électorale terriblement franco-française. Le fédéralisme européen, la relance de la croissance, la solidarité envers l’Espagne, la réforme de l’Etat-providence sont visiblement des sujets secondaires. Mais qui risquent de revenir en force après les élections. Et là, bonjour la gueule de bois pour une opinion publique que l’on n’aura pas préparée. 

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