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Comment Laurent Wauquiez a gagné la première bataille mais pas la guerre rhétorique déclarée contre lui
©CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP

Discours

Le déroulement comme le compte-rendu de l’Emission politique du 25 janvier consacrée au nouveau président LR resteront comme l’un des meilleurs exemples de l’abandon de la déontologie journalistique élémentaire. Or, il a été bon.

Christophe de Voogd

Christophe de Voogd

Christophe de Voogd est historien, spécialiste des Pays-Bas, président du Conseil scientifique et d'évaluation de la Fondation pour l'innovation politique. 

Il est l'auteur de Histoire des Pays-Bas des origines à nos jours, chez Fayard. Il est aussi l'un des auteurs de l'ouvrage collectif, 50 matinales pour réveiller la France.
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Peu importe que l’on soit pour ou contre Laurent Wauquiez : le déroulement comme le compte-rendu de l’Emission politique du 25 janvier consacrée au nouveau président LR resteront comme l’un des meilleurs exemples de l’abandon de la déontologie journalistique élémentaire qui sévit dans certains médias français.  Il n’est pas très difficile de repérer les principales techniques mises en œuvre lors de l’émission elle-même : salves d’attaques ad hominem, substitution systématique de la forme au fond (« sourate ou verset ? Coran ou hadith ? ») et, bien sûr, refrain inusable du « vous parlez comme le Front National ».  Heureusement - et comme toujours - l’entretien avec François Lenglet a permis un véritable échange. 

Mais lors des commentaires de l’émission l’on a vu les mêmes travers ressurgir : insistance sur l’audience (faible), les divisions des LR (fortes), rappel des sondages (mauvais) faits AVANT l’émission, ou tout simplement silence complet. Et pour cause : les sondages de fin de soirée avaient été très favorables. Autrement dit, puisque Laurent Wauquiez a été bon, n’en parlons pas et parlons d’autre chose. Et les mêmes donnent des leçons compassées sur la sainte lutte contre les « fake news »… 

Or force est de constater que Laurent Wauquiez a fait, après un début poussif, une prestation rhétorique peu commune. Conscient que c’était son « ethos », c’est-à-dire sa crédibilité et sa représentativité qui était en jeu, tant dans l’opinion que dans l’émission, il a utilisé un riche arsenal pour riposter : concessions marginales (« j’ai mes doutes »), substitutions habiles (interrogé sur les réponses du FN, il parle des sujets du FN), interpellations fréquentes et mises en contradiction de l’interlocuteur ; florilège d’anaphores et de questions rhétoriques (« vous n’avez pas vu ? »… « vous n’avez pas vu ? ») ; préférence pour le concret (l’Auvergne, le retraité avec 1000 euros par mois) ; et enfin renversement de l’argument central dirigé contre lui, son inconstance  : « oui j’ai changé mais parce que le monde et la France ont changé ! » Cet usage de l’antilogie, comme disent les spécialistes, illustre parfaitement une stratégie de rétorsion rhétorique d’une rare efficacité.  Tour à tour, Alain Minc, Benjamin Griveaux et Nathalie Saint-Cricq en ont fait les frais, le premier disqualifié pour son entre-soi élitiste et courtisan ; le second pris en flagrant délit d’ignorance et la troisième prise à contre-pied pour avoir utilisé à charge le mot de « Français ».

Certes sur le fond (mais qui s’en souciait ?) les réponses du Président de LR n’étaient pas encore à la mesure de son brio oratoire : son projet européen restait vague, malgré des progrès sur l’idée de protectionnisme enfin décliné au niveau de l’Union et non de la France ; son braconnage sur les terres mélenchoniennes avec la dénonciation des « cadeaux faits aux riches » était tout sauf convaincant pour le chef putatif de la droite. Et quid de son projet de politique fiscale et budgétaire précisément ? 

Sur le plan rhétorique même, Il lui faudra en faire davantage, vu l’acharnement de ses adversaires : recadrer d’emblée le débat par exemple et ne pas laisser s’installer soupçons et procès d’intention ; travailler son argumentation de fond (oui ou non, l’Islam permet-il l’adaptation de ses prescriptions ? Comment en finir pour de bon avec le procès en sorcellerie par rapport au FN ?) ; cesser enfin ces assertions fragiles qui l’exposent inutilement et dans lesquelles il a l’art de s’entêter et de s’empêtrer (cf. la maîtrise de l’arabe, la « réconciliation » de Monnet et Seguin). 

Force est de constater qu’Emmanuel Macron, placé l’an dernier dans un contexte similaire (interlocuteurs multiples, émission très longue), voire pire face à une rédaction de Mediapart bien décidée à le crucifier, avait su faire encore mieux, renvoyant avec brio chacun dans ses buts. 

Voilà en tout cas qui promet pour les duels à venir entre les deux jeunes « quadras » qui sont, qu’on le veuille ou non, désormais au cœur de la politique française. Il est vrai que le Président part avec l’avantage considérable d’une grande bienveillance médiatique à son égard. 

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