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Les écarts de revenus se creusent au détriment des jeunes. Les remèdes existent mais qui aura le courage de les appliquer ?
©Reuters

Et ça continue, encore et encore...

Une étude publiée par le FMI met en lumière des inégalités de revenus criantes entre jeunes et personnes âgées. Un écart imputable à la politique économique en vigueur depuis les années 80 : une protection du capital, avant la protection du travail.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Atlantico : Selon une étude intitulée "Inégalités et pauvreté intergénérationnelles dans l’Union européenne" publiée par le FMI ce 24 janvier :"Au cours des dix dernières années, les inégalités de revenu sont globalement restées stables au sein de l’Union européenne, mais une analyse plus approfondie révèle que les revenus réels des jeunes et des personnes âgées ont divergé. Avant la crise financière mondiale, les jeunes et les personnes âgées avaient un risque comparable de pauvreté relative. Plus récemment, ce risque a sensiblement augmenté pour les jeunes et, dans une moindre mesure, pour le reste de la population en âge de travailler, tandis qu’il a nettement diminué pour les personnes âgées.". Quel a été le processus de cet écart entre générations ?

Nicolas Goetzmann : Le FMI pointe ici les effets de la crise de 2008 sur les revenus réels entre les générations. Mais une perspective plus large dans le temps paraît nécessaire puisque la différence essentielle qui sépare les jeunes générations de celles qui sont plus âgées est la distribution du capital. En 2015, selon les données INSEE, le patrimoine net médian des moins de 30 ans était de 14 100 euros (dont la répartition est elle-même très large, entre 1200 euros pour le 1er décile et 90 000 euros pour le dernier) alors que le patrimoine net médian des personnes entre 60 et 69 ans était de 219 400 euros et de 157 000 pour les plus de 70 ans. Il n'est pas question ici d'accuser qui que ce soit, mais de faire le constat simple que le capital est détenu par les plus âgés. Cela est décisif pour une raison simple ; puisque la politique économique menée depuis les années 80 repose sur une politique monétaire dont l'objectif prioritaire est la "stabilité des prix" c’est-à-dire la protection du capital, avant la protection du travail, qui se matérialiserait par un objectif de plein emploi inexistant à ce jour en Europe. Dès lors, le capital est privilégié par rapport au travail et le résultat ici observé par le FMI n'en est que le résultat logique. L'aggravation du phénomène observé lors de la crise de 2008 ne découle que de l'exacerbation de cette logique par les autorités européennes avant l'arrivée de Mario Draghi à la tête de la BCE en fin d'année 2011.

Les autres points soulevés par le FMI ont soutenu la tendance ; la préservation des retraites a été privilégiée lors des plans d'ajustement budgétaires au contraire des aides octroyées à la population active. Cette politique est doublement destructrice puisqu'une politique qui aurait équilibré le jeu entre travail et capital aurait permis de faire croître les revenus des plus jeunes mais aurait également soutenu les revenus du capital. C'est ce que permet la croissance, de ne pas avoir à arbitrer entre les deux.

Les politiques publiques menées actuellement au niveau européen sont-elles adaptées à cette situation ?

La BCE a changé de politique avec l'arrivée de Mario Draghi. Il n'y a pas eu de changement de mandat, ni de doctrine de fond, mais il y a eu au moins une prise de conscience et une volonté de tenter d'équilibrer un peu plus la relation entre travail et capital. L'inflation est restée bien en deca des limites européennes, "proche mais inférieure" à 2%", mais la sortie de la déflation est acquise, ce qui a permis la baisse du chômage sur le continent européen. Le résultat est donc loin d'être optimal, mais il y a une amélioration. Par contre, au niveau des dirigeants des différents pays et notamment en France, c'est plutôt la poursuite de la tendance qui est sacralisée par Emmanuel Macron. Le discours de Davos est amusant à ce titre, lorsqu'Emmanuel Macron déclare :

"La financiarisation de cette mondialisation qui a favorisé un effet de concentration et les nouvelles technologies, cette économie de l’innovation et de la compétence que j’évoquais, parce que c’est une économie de super stars. Elle favorise les gens très talentueux et elle se concentre chez les gens les plus talentueux.

La réponse, on ne peut pas l’apporter dans chaque pays avec un système de taxes, sauf à être très coordonnés entre nous tous parce que sinon les talents s’en vont. "

Ici, il convient de remplacer le mot "talent" par le mot "capital", et on obtient une version cohérente. Parce que l'économie d'aujourd'hui privilégie le capital et non le travail, et cette notion de "talents" masque cette réalité, par flatterie sans doute. Le talent est indépendant du capital, il peut lui être lié, ou non, puisque le capital est hérité pour une large part.

Lorsqu'Emmanuel Macron a été accusé d'être le "président des riches" au regard des arbitrages budgétaires réalisés, il ne s'agit que d'une observation factuelle, le capital a été une nouvelle fois privilégié sur le travail, et toutes les mesures relatives à l'emploi, dont la loi travail, auront mécaniquement pour effet de peser à la baisse sur les revenus du travail.

Quelles sont les mesures à mettre en œuvre pour parvenir à un rééquilibrage ?

La mise en place d'une stratégie économique européenne reposant à la fois sur la recherche du plein emploi, par la BCE, couplée à la maitrise des prix. C’est-à-dire un équilibre entre travail et capital, le même équilibre qui existait lors de la période des 30 glorieuses. Il s'agit ici du moteur de formation des inégalités, tous les autres traitements ne changeront rien à la cause, et ne feront que traiter les symptômes. De plus, un tel système étant bien plus favorable à la croissance qu'au système actuel, il permettra l'essor d'un modèle social plus équitable pouvant être financé, non pas par des hausses d'impôts, mais par la croissance elle-même.

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