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À Davos, Macron défend une nouvelle fois le modèle étatiste à la française
©Fabrice COFFRINI / AFP

Discours

Le discours prononcé en anglais et en français à Davos par Emmanuel Macron en dit long sur le fossé qui sépare la France et le reste du monde sur le rôle de l’État. Il en dit aussi très long sur ce qui sépare Emmanuel Macron du libéralisme.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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Le discours prononcé par Emmanuel Macron à Davos, mi-anglais mi-français, mérite d’être lu avec attention dans la mesure où il détaille le conception présidentielle de la mondialisation et de la prospérité. En ce sens, il établit bien les distances entre la vision française d’un avenir proche et la conception du même avenir en vigueur dans le reste du monde. Ceux qui imaginent Macron en chantre du libéralisme en seront pour leur grade

Ne faites pas l’Europe comme je pense le monde

On relèvera d’abord cette phrase emblématique d’Emmanuel Macron sur l’Europe:

« ceux qui ne veulent pas avancer ne doivent pas bloquer ceux qui sont ambitieux »

Voilà une phrase qui pourrait être taxée de libéralisme. Les derniers de cordée ne doivent pas retarder les premiers de cordée. Il n’y a pas de raison pour que les meilleurs perdent du temps à attendre les moins bons.

On connaît l’intention paradoxale et incohérente de cette phrase: l’Europe doit accélérer son intégration pour réduire le différentiel de compétitivité entre la France et l’Allemagne. « Ceux qui veulent avancer », « ceux qui sont ambitieux » doivent pouvoir distancer les plus lents, c’est-à-dire accélérer l’intégration de l’Europe pour réduire le différentiel de compétitivité avec nous. Sur ce point, Macron a l’illusion que Merkel le suivra. Mais on voit mal quelle majorité elle pourrait rassembler pour copier la France.

Ce que ne dit pas clairement Macron ici, c’est que les « ambitieux » français demandent en réalité à leurs voisins d’aller moins vite, de l’attendre. Le baudet français est à la traîne et ce serait tellement mieux que les autres s’arrêtent pour lui.

On voit ici poindre l’équivoque de la novlangue macronienne. On a rebaptisé les personnages de la pièce européenne: la France alourdie par ses charges délirantes devient l’ambitieuse. La Pologne et son taux de croissance de 5% en 2017 est classée parmi ceux qui ne veulent pas avancer. Quand la Pologne ne veut pas attendre la France au bord de la route, quand la Pologne refuse des mécanismes de redistribution de sa prospérité à une France dépensière et incapable de maigrir pour la rattraper, on dit: la Pologne qui ne veut pas avancer et la France qui a de l’ambition.

Ainsi Macron sert-il la soupe populiste à des Français heureux de pouvoir le croire. Il suffit de subvertir la réalité pour avoir soudain raison.

Le mythe macronien du passager clandestin

Dans cette grande entreprise de piratage de la réalité, Emmanuel Macron pratique la logique bien connue de Chirac : plus c’est gros, mieux ça passe.

La France a fait le choix de faire peser sur le travail des prélèvements d’environ 80% pour financer des millions de chômeurs, d’inactifs, de retraités, chapeautés par une épaisse couche de bureaucrates improductifs. Elle est la seule, dans le monde industrialisé, à aller aussi loin dans la « protection ». Dans le langage macronien, elle est donc entourée de « passagers clandestins » qui déploient des « stratégies non-coopératives ».

Tel est le grand renversement macronien. Est coopératif celui qui imite le modèle français, quand bien même ce modèle ne fonctionne pas et condamne toute croissance. Est passager clandestin celui qui demande à ses citoyens de se retrousser les manches et de se mettre au travail.

On se délectera de cette phrase digne des annales de l’histoire:

« Le cœur du nouveau contrat social est qu’il doit impliquer tous les acteurs, lutter contre les stratégies de passagers clandestins et être cohérent, au regard de l’objectif de défense des biens communs. Cela ne se fera pas du jour au lendemain, mais au moins, nous devons être transparents sur nos incohérences »

La France, c’est bien connu, est le pays de la cohérence. Elle crée un modèle ubuesque, avec une sécurité sociale coûteuse et inefficace, des tombereaux de fonctionnaires dont la plupart sont affectés à des missions inutiles (en pleine crise terroriste, nous trouvons par exemple utile d’affecter des milliers de policiers au contrôle de la vitesse sur des routes nationales), des hyper-réglementations dans tous les domaines, mais ce sont les autres qui sont incohérents et qui sont des passagers clandestins. S’ils ont plus de croissance que nous, c’est évidemment parce qu’ils trichent et qu’ils sont déloyaux.

La France, c’est aussi très connu, est le pays où le bien commun est le mieux défendu. Ce n’est pas notre genre à nous de compter un fonctionnaire pour cinq actifs, dont on ne mesure pas le temps de travail et à qui on offre une retraite délirante payée à 80% par le contribuable. Ce n’est pas non plus notre genre d’entendre par bien commun une expansion continue de règles incompréhensibles et destructrices de croissance dont l’utilité première est de justifier l’emploi de ces fonctionnaires envers et contre tout.

Macron chante les mérites de l’État à Davos

En chantre de la subversion des mots, Macron a expliqué avec beaucoup d’enthousiasme les vertus du modèle étatiste français. Son rêve est de l’étendre au reste du monde, au nom de la coopération et du bien commun, bien entendu.

Alors que, depuis des années, le système français de formation professionnelle est incapable de former les chômeurs aux nouveaux métiers, le président Macron en a vanté les mérites. Il faudrait, paraît-il, que les start-up financent la formation des chômeurs qu’elles produisent en numérisant les métiers.

Ce faisant, Emmanuel Macron a dénoncé les distorsions fiscales dont les start-up françaises sont victimes de la part de leurs concurrentes américaines. Car, c’est bien connu, ce sont les Américains qui décident de la délirante fiscalité française.

Là encore, le président Macron a prôné plus de fiscalité, plus d’État, plus d’actions publiques. Il appelle ça un « nouveau contrat social ». Celui-ci doit servir, paraît-il, à mieux partager les richesses et à mieux protéger. Tous ces slogans qu’on utilise en France pour justifier une pression fiscale dont on peine à voir les réalisations sociales effectives méritent bien d’être exportés partout dans le monde. Au nom d’une libre concurrence loyale, bien entendu.

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