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Après Davos, Emmanuel Macron face à un monde agricole qui ne sait (presque) rien de ce que le président veut pour lui
©A.J. - Wikiagri

Voeux au monde agricole

Ce jeudi, Emmanuel Macron va se rendre dans le Puy-de-Dôme pour présenter ses vœux au monde agricole. Si le contenu des vœux est pour l'instant inconnu, il est certain que le monde agricole, lui, a beaucoup de questions à lui poser.

Atlantico : Ce jeudi 25 janvier, Emmanuel Macron se rendra au lac Chauvet, dans le Puy-de-Dôme, pour présenter ses vœux au monde agricole. Des promesses faites par le candidat Emmanuel Macron à ce début 2018, où en est-on de la politique agricole française ? Dans quelle mesure les états généraux de l'alimentation ont-ils pu répondre aux attentes ?

Antoine Jeandey : Pour l’instant, nous restons encore dans le flou. Lorsqu’il était candidat, Emmanuel Macron avait un programme agricole qui ne reposait quasiment que sur les états généraux de l’alimentation, ils devaient tout régler. Aujourd’hui, ils sont terminés officiellement, mais les réponses ne sont toujours pas données. Les intentions restent intéressantes pour les agriculteurs, mais l’impression laissée est d’avoir reporté l’échéance : jusqu’à présent, il fallait attendre les conclusions des états généraux de l’alimentation, désormais la loi annoncée pour ce printemps est censée apporter les solutions. Aujourd'hui, les agriculteurs n’ont pas de réponses concrètes sur le sujet majeur dont il a été question dans ces états généraux, le partage de la valeur ajoutée. Au contraire même, les tractations récentes qui ont eu lieu entre fournisseurs agricoles et grandes surfaces ont montré plusieurs exemples criants de mésentente entre les uns et les autres. Dans un communiqué, la Fnsea, syndicat agricole majoritaire, a constaté, je cite, « une véritable braderie des produits agricoles : des côtes de porc à 1,77 €/kg, du lait bio à 67 centimes d'euros le litre, ou des pommes de terre à 11 centimes le kilo ». Impossible de rémunérer convenablement le producteur avec ces tarifs. La loi qui doit être discutée prochainement a pour vocation de partir du coût de revient agricole pour fixer le prix de vente. A mettre en pratique, cela semble très compliqué, puisque le prix de revient en question évolue d’un agriculteur à l’autre, et même dans une ferme d’un mois sur l’autre, pour peu qu’il y ait eu un événement imprévu (météo par exemple). D’ailleurs, un sondage réalisé auprès des agriculteurs pour leur demander leur opinion sur ces états généraux de l’alimentation a montré au mieux de l’attentisme, au pire du pessimisme.

Quels sont les sujets sur lesquels le Président sera attendu lors de ce discours ? Quels sont les enjeux les plus importants pour le monde agricole en cette année 2018, mais également sur le plus long terme ? 

Dans un contexte de crise qui perdure, les agriculteurs ont besoin d’être rassurés. Plusieurs épées de Damoclès trainent au-dessus de leurs têtes et, pour l’instant en tout cas, l’attitude gouvernementale ne va pas dans le sens de l’apaisement. Concernant les règles environnementales, ils souhaitent que la France n’aille pas au-delà des règles européennes dans ce qu’elle demande à ses agriculteurs, de façon à éviter, déjà, toute distorsion de concurrence interne à l’Europe. Or, sur le dossier du glyphosate, Emmanuel Macron en personne a twitté le 27 novembre dernier sur son souhait d’un arrêt du glyphosate en France dans les trois ans, là où l’Europe statuait pour cinq ans... Les agriculteurs craignent également la poursuite de la baisse de leurs revenus. Or le gouvernement français s’oriente pour défendre un budget de la Pac (politique agricole commune) en baisse après 2020 en Europe. Et là problème, vouloir permettre aux agriculteurs de vivre du prix de leurs produits, c’est bien, mais y arrive-t-on simplement en supprimant (petit à petit) les aides ? Pour utiliser un parallèle avec un autre domaine, c’est un peu comme si l’on voulait solutionner le chômage en supprimant les allocations, alors qu’il vaudrait mieux créer des emplois... Ou, à tout le moins, mener les deux de front. Et en l’occurrence, pour revenir à l’agriculture, le changement pour un système qui se substitue à celui des aides n’est pas entamé, même pas réfléchi à l’heure actuelle ! Autre crainte pour 2018, la conclusion des accords de libre-échange de l’Europe, avec denrées agricoles à la clé. Là encore, la France ne s’est pas encore positionnée officiellement par rapport aux engagements en train d’être pris avec les pays du Mercosur (de l’Amérique latine), alors qu’ils remettraient en cause le travail des éleveurs dans nos contrées. Et cette liste n’est pas exhaustive...

Les élections aux chambres d'agriculture en janvier 2019 annoncent une année de campagne donc un contexte particulier pour la politique agricole française. En quoi ce contexte peut-il modifier la donne pour le gouvernement ? 

2018 est en effet une année particulière, car il y aura en janvier 2019 les élections pour les chambres d’agriculture. En d’autres termes, pour déterminer la représentation syndicale de l’agriculture dans notre pays. Aujourd’hui, les choses sont très claires, la Fnsea est largement majoritaire, avec à peine une poignée de départements qui lui échappe. De fait, elle est et reste l’interlocuteur privilégié du pouvoir. Pour autant, le Modef, la Confédération paysanne, mais surtout la Coordination rurale souhaitent une modification de la donne. Dans ses communiqués, la Coordination rurale fait régulièrement endosser une part importante de la responsabilité de la situation agricole actuelle à la Fnsea. Ce discours (que chacun trouvera excessif ou fondé selon ses propres opinions, je n’émets pas de jugement de valeur ici, j’observe simplement) trouve de plus en plus une résonnance dans les milieux agricoles. Jusqu’au point de faire basculer la Fnsea ? Probablement pas... Pour autant, comme il reste un doute (comme pour chaque scrutin), il faut s’attendre à une année syndicalement musclée : les réseaux des uns et des autres seront sollicités, et cela commencera, à n’en pas douter, à se voir dès le salon de l’agriculture, fin février. Cela signifie aussi, pour le gouvernement, que le moindre faux-pas, et même la moindre annonce, fourniront des arguments syndicaux aux uns ou autres. Le gouvernement doit s’attendre également à devoir gérer plusieurs manifestations d’ampleur. Et comme les motifs de mécontentements (voir question précédente) sont nombreux... Ceux qui suivent de près la question agricole se posent une question sur ce sujet des syndicats agricoles : et si Emmanuel Macron, à l’instar de ce qu’il a réalisé avec les partis politiques, avait la volonté d’éclater ces syndicats pour changer le visage de ses interlocuteurs ?

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