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Réforme du bac : enfin de quoi sauver l’examen clé du système scolaire français
©Reuters

Du mieux

Le ministre de l'Education nationale, Jean-Michel Blanquer, présente ce mercredi sa réforme du bac. Les pistes ont déjà fuité dans la presse.

Pierre Duriot

Pierre Duriot

Pierre Duriot est enseignant du primaire. Il s’est intéressé à la posture des enfants face au métier d’élève, a travaillé à la fois sur la prévention de la difficulté scolaire à l’école maternelle et sur les questions d’éducation, directement avec les familles. Pierre Duriot est Porte parole national du parti gaulliste : Rassemblement du Peuple Français.

Il est l'auteur de Ne portez pas son cartable (L'Harmattan, 2012) et de Comment l’éducation change la société (L’harmattan, 2013). Il a publié en septembre Haro sur un prof, du côté obscur de l'éducation (Godefroy de Bouillon, 2015).

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Les pistes à l'étude pour la réforme du baccalauréat ont été en partie dévoilées par la presse, avant même la conférence officielle du ministre de l'Education nationale, Jean-Michel Blanquer. Une des principales informations est la défense d'un examen « resserré », avec seulement six épreuves dont deux en première, soit uniquement quatre épreuves en Terminale. Cette proposition de Pierre Mathiot, ancien directeur de Sciences-Po Lille, ne signe-t-elle pas la mort symbolique de l'épreuve en lui donnant beaucoup moins d'importance (notamment avec le contrôle continu), celle-ci n'étant plus qu'un rituel de passage un peu désuet et vain comme l'est déjà le Brevet en classe de 3e ?

Pierre Duriot : Attention, ce n'est pas le nombre d'épreuves qui est un signe de dévalorisation du bac : c'est la trop grande mansuétude dans la notation ou la trop grande facilité des épreuves. Quatre, cinq, six épreuves ou plus, quelle importance ? Il faut surtout que la qualité ne se décrète plus, 80 % de réussite, mais qu'elle se construise, en amenant les élèves au niveau souhaité et pas en abaissant les barèmes jusqu'au niveau de réussite décidé. En ce sens, six épreuves, pourquoi pas, à condition que le niveau d'exigence soit bien présent et la notation rigoureuse. Il ne sert à rien de donner le bac à des élèves de terminale très faibles pour qu'ils aillent échouer en première année de faculté, avec leurs illusions, alors qu'un travail préalable d'orientation aurait été nécessaire. Le fait que l'instigateur soit un ancien de Sciences-Po signifie que la priorité est donnée à une certaine polyvalence globale de l'élève qui va lui permettre d'affronter un maximum de filières du supérieur et en ce sens, ce serait une nouveauté. Auquel cas, on n'aura pas à faire à un rituel mais à un vrai examen sanctionnant la capacité à suivre des études supérieures.

Plus problématique sera sans doute cette instillation d'une dose de contrôle continu qui risque de ne pas trop passer au niveau des syndicats d'étudiants et de lycéens dont on a l'habitude qu'ils roulent pour les pires des élèves. L'exigence d'un travail régulier, débouchant sur un contrôle susceptible d'être assimilé à une sélection qui ne dit pas son nom, va les faire bondir, à n'en point douter. Encore une fois, l'enseignement supérieur a plus besoin d'élèves capables de fournir un travail sérieux et régulier que d'élèves qui mettent un coup de collier au dernier moment pour obtenir un bac actuellement largement dévalorisé. En ce sens la proposition ne me semble pas de nature à liquider l'idée que l'on se fait du bac. A condition encore une fois que le niveau des épreuves ne soit pas galvaudé et que la notation soit rigoureuse.

Un autre grand chamboulement proposé est celui de la suppression des séries (S, ES, L) pour proposer un parcours avec modules (10 modules de deux matières possibles imposés en majeures, et deux autres matières en mineures), tout en maintenant un tronc commun. Ne peut-on pas y voir une complexification excessive du système ? Et ne risque-t-on pas de toute façon de voir des filières S réapparaître ?

on, c'est une simplification au contraire. L'histoire des filières est un trompe l'oeil, les bons élèves resteront les bons élèves, quelle que soit l'organisation. Cette suppression est cohérente avec l'idée d'avoir des bacheliers relativement polyvalents et la volonté d'obtenir des capacités globales plus que des élèves trop tôt spécialisés. D'ailleurs, combien d'entre ces lycéens savent réellement en terminale ce qu'ils veulent faire dans la vie ? Qu'ils soient tout simplement capables, par l'obtention d'un niveau global élevé, d'élargir l'éventail de leurs choix possibles. Encore une fois, la suppression de la filière S n'empêchera aucunement les bons élèves d'accéder aux grandes écoles de leur choix. L'affaire va devenir plus corsée pour les élèves moyens et faibles dont les dossiers scolaires seront sans doute utilisés pour présider aux admissions.

La disparition de la série "S" n'enterre-t-elle pas aussi le modèle de méritocratie que représentait la "voie royale" ?


Non, en aucune façon, les bons élèves seront les bons élèves, ce n'est pas la filière qui est d'excellence, ce sont les élèves et ils seront de toute façon « repérés », qu'ils soient en S ou ailleurs. La voie royale n'est pas la Terminale S, ce sont les grandes écoles et ceux qui ont les capacités de les intégrer. Tout cela survivra à la S.

On parle de ne pas intégrer les sciences physiques dans les majeures, alors que cette matière était une spécialité possible en S jusqu'ici. Comprenez-vous cette proposition ?

Pas du tout. On aurait pu espérer, avec les célébrités de Villani, Charpak et quelques autres, un retour en grâce des maths appliquées et des sciences et un développement des vocations en direction de ces deux secteurs qui sont susceptibles de nourrir la recherche scientifique et technologique, l'innovation industrielle et l'informatique. Des secteurs à la fois porteurs et totalement stratégiques du point de vue développement et rayonnement international. Il y a quelque chose d'incompréhensible.

Le rythme de l'année pourrait aussi être modifiée, avec un passage aux semestres, soit cinq semestres en un an, avec des partielles à la fin de chaque semestre. Cette proposition n'est-elle pas trop contraignante et cadrée pour l'enseignant comme pour l'élève ?

Il y a effectivement des pistes à explorer du côté de la répartition et notamment revigorer les fins d'années scolaires des élèves de terminales qui s'étiolent début mai pour s'arrêter définitivement début juin : un gaspillage éhonté. Mais la proposition est cohérente avec l'exigence d'un contrôle continu, va dans le même sens, celui d'une demande d'un travail régulier et soutenu, ce qui n'est pas nouveau mais devient d'une certaine manière, imposé. C'est bien cela qui risque de ne pas plaire.

Autre innovation de taille, l'introduction d'un oral venant présenter un projet de fin de parcours. Ne s'agit-il pas d'un défi de taille, l'enseignement de la rhétorique ayant été abandonné (et oublié par les enseignants) depuis fort longtemps ?


Là encore, une certaine cohérence avec les exigences précédentes qui privilégient des capacités globales, une certaine homogénéité des aptitudes et donc celle à parler, présenter, argumenter. C'est très en vogue dans les écoles asiatiques qui ont de bien meilleurs résultats que les nôtres. Nous sommes dans une société moderne de communication et savoir quelque chose n'est pas le tout, il faut aussi savoir le dire, savoir se vendre en fait. Sur le plan du développement personnel c'est aussi une plus-value : bonne idée donc.

Un bac nouveau pourquoi pas, mais il ne faut pas perdre du vue le cursus entier de ces élèves, se dire que celui qui rend des copies bourrées de fautes au lycée a raté quelque chose en primaire, au CP et en CE1. Se dire aussi qu'un lycéen qui ne s'engage pas dans son travail, ne s'est pas engagé dans ses apprentissages précédents, que cela se voit dès la primaire et correspond à des volets psychiques et éducatifs à tirer au clair. Un bricolage, si bon soit-il, sur le bac, ne résoudra pas le problème global de l'instruction dans ce pays. Les bacheliers représentent 60 % d'une classe d'âge, sont-ils bien tous à leur place, sachant la sélection qui s'opère à l'issue de la première année de faculté ? Que fait-on des 40 % qui restent, que fait-on encore de ceux qui échouent aux études supérieures, que fait-on également de ceux qui sortent sans diplôme aucun ? La question reste entière pour trouver les ingrédients d'un meilleur rapport entre l'argent investi et le niveau global obtenu. La finalité d'un bon système éducatif étant d'amener chacun au maximum de ce qu'il peut faire dans la filière qu'il préfère et dans celles qui sont utiles au pays : nous en sommes loin. Si ce nouveau plan sur le bac devait porter quelques fruits, ils seraient toujours bons à prendre.

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