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Il éternue violemment après s’être trop retenu... et se troue la gorge : attention, votre nez peut vous tuer
©Reuters

Accident rare

Un bon conseil : pour atténuer un éternuement, évitez de vous pincer le nez en ayant la bouche fermée. Un Britannique de 34 ans l'a appris à ses dépens.

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet est médecin des hôpitaux au CHU (Hôpitaux universitaires) de Strasbourg, chargé d'enseignement à l'Université de Strasbourg et conférencier.

 

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Atlantico : Des médecins britanniques ont révélé le cas d'un homme de 34 ans victime d'un éternuement que le patient aurait tenté de refréner, et ayant provoqué l'apparition d'un trou au fond dans la gorge du patient. Ce dernier ayant été hospitalisé durant une semaine. Quels sont les différents risques médicaux encourus en refrénant un éternuement ? Quelle est la fréquence de ce type de cas ?

Stéphane Gayet : Tout le monde éternue bien sûr et c’est un phénomène particulièrement fréquent. L’éternuement a un côté assez spectaculaire. C’est une expiration réflexe, brutale, intense et bruyante, déclenchée par une irritation de la muqueuse des fosses nasales (cavités respiratoires situées en arrière du nez). La puissance d’un éternuement est parfois importante. Comme tous les phénomènes réflexes, l’éternuement vise à nous protéger. En l’occurrence, il s’agit d’expulser un élément étranger et nocif qui s’est introduit dans les fosses nasales. Ces dernières constituent un filtre destiné à protéger les voies aériennes inférieures et sont en même temps vulnérables. Un éternuement se compose de deux phases : une première phase inspiratoire brève qui annonce la suivante ; une seconde phase expiratoire ample, violente et expulsive. La première phase inspiratoire cherche à faire descendre dans le pharynx (arrière-gorge) l’élément étranger indésirable ; la seconde à le chasser vigoureusement hors du corps par la bouche. Contrairement à une expiration habituelle qui s’effectue en principe par la bouche seule, l’expiration de l’éternuement est tellement intense qu’elle se fait tant par le nez que par la bouche.

Lors d’un éternuement vraiment violent, la pression développée dans les voies aériennes supérieures (larynx, pharynx, fosses nasales) peut être très élevée. La pression exercée par la contraction brutale des muscles expiratoires est d’autant plus forte que l’irritation causée par le corps étranger nocif est plus vive. Il s’agit fréquemment de poussières agressives, végétales (pollens…), animales (acariens…) ou minérales. Or, il n’est pas du tout bienséant d’éternuer de façon incontrôlée en public : c’est pour le moins très désagréable pour les autres (bruit violent, projection de gouttelettes) et qui plus est dangereux (dispersion possible de virus ou parfois de bactéries pathogènes). C’est pour cela que l’on apprend aux enfants à refréner leurs éternuements ou au minimum à mettre leur main, leur avant-bras ou un mouchoir devant leur bouche juste avant d’éternuer. Mais certaines personnes vont jusqu’à se pincer le nez pour bloquer un éternuement. Or, cette pratique constitue un réel danger si elle est associée à une fermeture de la bouche.

En effet, la forte pression exercée dans les voies aériennes supérieures est susceptible de déchirer une paroi. Les deux éléments les plus fragiles de cet espace aérien sont, d’une part la membrane tympanique entre l’oreille moyenne et l’oreille externe(qui peut également se déchirer lors d’un mouchage trop violent), et d’autre part le larynx ou organe de la phonation, qui est une remarquable structure, complexe et fragile. Ce dernier est situé dans le bas-fond de la gorge, à l’entrée de la trachée-artère. Ce sont donc là les deux principaux risques encourus : déchirure ou même fracture (cartilages) du larynx et déchirure d’un tympan. Le premier type d’accident est extrêmement rare en réalité. Il n’a été retrouvé que quatre cas identiques, selon le même mécanisme, décrits dans la littérature, dont l’un remonte à 1948, et ne touchant que des patients de sexe masculin.

Quels sont les symptômes que peuvent présenter ces patients et nécessitant une intervention médicale ?

Une personne ayant une violente envie d’éternuer et qui se pince fortement le nez tout en fermant sa bouche s’expose donc au premier risque d’accident très rare (déchirure du larynx : question précédente). Comme nous l’avons vu, les cas décrits concernent tous des sujets de sexe masculin.

Si la déchirure atteint le tympan, la personne ressent aussitôt une douleur et une gêne à l’intérieur d’une oreille ainsi qu’une baisse de l’acuité auditive de ce côté. Il survient également un bruit parasite à type de souffle lorsqu’elle respire amplement, lié au passage de l’air à travers la trompe d’Eustache, fin conduit qui fait communiquer le pharynx avec l’oreille moyenne.

Si le traumatisme atteint le larynx, survient une douleur à la base du cou et prédominant d’un côté. C’est une vive douleur qui donne l’impression que quelque chose s’est déchiré. La douleur s’étend à toute la gorge ou pharynx. Elle est permanente. La déglutition est douloureuse (odynophagie). Étant donné que le larynx est l’organe de la phonation, la voix est affaiblie et nettement altérée. De plus, la déchirure du larynx - qui peut être associée à une fracture du cartilage thyroïde (le plus gros des nombreux cartilages qui constituent le larynx) - entraîne une brèche qui fait communiquer le conduit aérien avec les tissus mous sous-cutanés ayant une structure lâche. Il s’ensuit un passage d’air dans ces tissus sous-cutanés : on parle alors d’emphysème sous-cutané (la peau est boursoufflée et quand on la presse avec le doigt, on perçoit qu’elle est gonflée d’air et l’on entend un bruit faisant évoquer celui des pas dans la neige). Une hospitalisation en urgence dans un service spécialisé s’impose. Une intervention chirurgicale peut être nécessaire si le cartilage thyroïde est fracturé. Un traitement antibiotique préventif est recommandé étant donné le risque d’infection dû à la brèche.

Quels sont les autres cas de patients présentant des problèmes médicaux découlant de phénomènes analogues à celui-ci, c'est-à-dire par une opposition des personnes aux réactions "naturelles" de leurs corps ?

Notre corps nous parle en permanence ou presque. Tantôt il se contente de nous donner des informations (bruit, douleur, gêne, saignement…), tantôt il agit par réflexe salvateur. Le réflexe d’éternuement pour chasser un élément étranger des fosses nasales et le réflexe de vomissement pour chasser une substance toxique de l’estomac en sont deux exemples typiques. Il existe en réalité une multitude de réflexes salvateurs dont nous n’avons pas souvent conscience et qui nous protègent au quotidien : en cas de bruit violent, le tympan se rigidifie pour éviter que l’oreille interne ne s’abîme (réflexe stapédien) ; en cas de lumière violente, l’iris se contracte pour rétrécir la pupille afin de protéger la rétine (réflexe myotique) ; on pourrait multiplier les exemples presque à l’infini.

Sans atteindre le niveau spectaculaire et assez dramatique d’un accident aigu comme la déchirure du larynx ou d’un tympan, il n’est jamais bon de s’opposer à des réflexes protecteurs du corps. Lorsque l’on ressent un besoin d’uriner, le fait de se retenir expose la vessie à la dilatation et la souffrance. Lorsque l’on ressent un besoin de déféquer, le fait de se retenir favorise le grossissement et le durcissement des matières fécales accumulées dans le côlon sigmoïde et le rectum ; ceci rend la défécation ultérieure plus difficile et expose aux maladies de l’anus (hémorroïdes, fissures…). Quand on ressent le besoin de dormir, le fait de lutter contre le sommeil ampute la période de repos et contribue à perturber l’équilibre physiologique. Lorsque l’on éprouve une douleur dans un organe, elle est un signal qui nous incite à ménager cet organe. Le fait de l’ignorer peut favoriser l’aggravation du mal à l’origine de la douleur. Il est donc important d’écouter son corps, d’apprendre à le connaître et surtout de tenir compte des signaux qu’il nous envoie. Le bâillement nous indique que nous avons besoin de nous reposer et il a également un rôle physiologique sur l’appareil respiratoire. Mais il faut quand même garder à l’esprit que la déchirure du larynx lors d’un éternuement bloqué est très rare. Néanmoins, ce type d’accident est un appel à la raison : ne pas vouloir s’opposer aux réactions et réflexes de notre corps qui surviennent pour nous préserver.

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