2007-2012 : Comment Internet a perdu sa créativité en s'institutionnalisant <!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
High-tech
La web-révolution a été normalisée. Le phénomène n’est pas seulement politique.
La web-révolution a été normalisée. Le phénomène n’est pas seulement politique.
©Reuters

C'était mieux avant

La web-campagne de 2012 est aussi sage et ennuyeuse que celle de 2007 était exaltante. Les temps ont changé : le web est devenu une chose sérieuse. Internet est aujourd'hui un job parmi d’autres, qu’on accomplit au mieux avec créativité, au pire avec mécanisme.

Edouard Fillias

Edouard Fillias

Edouard Fillias est dirigeant fondateur de JIN, agence de RP au coeur digital et expert des stratégies digitales et de la communication publique. Il est Directeur de collections et auteur aux éditions Ellipses (E-Réputation, Stratégies d'influence sur Internet)

Voir la bio »

Mais ou sont passées les vidéos virales, les buzz et autres newsletters envoyées sous le manteau ? Ou sont les communautés politiques excitées par l’odeur de la poudre, hyperactives sur les forums et les réseaux sociaux ? La web-campagne avait si bien commencée avec le hacking amusant des domaines de François Hollande. De l’avis de tous, elle est devenue bien sage. Même si l’enthousiasme des Français est modéré pour la compétition offerte en 2012, on aurait pu espérer mieux.

Comment en sommes-nous arrivés là ?  

2007 a été sur Internet une campagne exaltante. Dans la foulée géniale du candidat McCain et autres Move On, la ruée sur le digital était générale. Le participatif de Ségolène Royal et le viral de Nicolas Sarkozy, l’éruption des blogosphères d’extrême droite, libérales, écolo. Bref, c’était l’effervescence : l’ère du bricolage et des essais glorieux.   

Les temps ont changé. Le web est devenu une chose sérieuse. L’âge des pionniers qu’on laissait faire est terminé. Internet fait désormais partie de toute bonne « check list » de Directeur de Campagne. Les Boss eux-mêmes se sont mis à tweeter, facebooker, youtuber… Internet est un job, parmi d’autres, qu’on accomplira au mieux avec créativité au pire avec mécanisme. Il va avec une panoplie de jeune cadre dynamique, un blackberry et une paire de Weston. Le web a ses cohortes d’experts assermentés, de journalistes émérites, d’analystes : l’Ouest sauvage a laissé place à la cité. C’est « mainstream ». 

La web-révolution a été normalisée. Le phénomène n’est pas seulement politique. On le vérifie dans d’autres domaines de la société ou le digital a joué un rôle majeur : par exemple, les affaires et les médias.

L’éclosion de start-ups, fortement ralentie, est désormais encadrée, pilotée et soutenue par les grands groupes qui en ont saisi tous les enjeux. De Publicis à Orange, l’éco-système de la création s’est mis en place pour surveiller, accompagner et racheter les meilleurs projets. En 2000, nous vivions la ruée vers l’or. Un Klondike virtuel ou tous venaient chercher gloire, argent facile et surtout, l’utopie du changement. De nos jours, les success stories font toujours rêver mais semblent devenues inaccessibles. Les start-ups d’hier sont devenues des géants qui discutent droit dans les yeux des grands de ce monde. Elles disposent même de leur e-G8 !

Dans les médias, les acteurs traditionnels, grands journaux et groupes de communication, ont repris la main, laissant aux pure player la part congrue du gâteau publicitaire. Owni, Slate, Rue89, Atlantico et autres Mediapart ont trouvé leur place : elle est modeste. C’est à nouveau le NY Times, le Monde, le Figaro et les chaines de télévision qui mènent la danse, fortes de leurs propres expertises digitales, de leurs contenus et de la puissance de leurs marques.

 Nous avons peut être, un peu vite, rêvé de changer la politique, puis de changer le monde avec Internet. Force est de constater que le monde a digéré Internet et nous avec, ses entrepreneurs, ses militants, ses rêveurs. Les ex-jeunes turcs du digital sont devenus patrons ou cadre sup’ : ils jouent désormais dans le camp du système. Ils sont mêmes devenus, pour certains, le système, au carrefour entre le business, la politique, la communication...

L’heure de la créativité débridée, des coups, des idées loufoques et des personnages atypiques, est désormais derrière nous. La campagne digitale à laquelle nous assistons en témoigne.

Suis-je nostalgique ? Absolument. Cette période ou le digital, enfant terrible, sortait des coulisses et faisait le mur, au grand dam des institutions, me manque. Ai-je des regrets ? Aucun. Je fais partie de cette génération Internet, passée des start-up et de la politique à la communication. Je sais que nous avons contribué à un changement profond de la société. Peut être pas aussi radical qu’escompté, mais qui a tout de même rebattu certaines cartes. D’autres feront le bilan !

Une seule question doit désormais tarauder les inventeurs d’hier qui ont encore soif de cette liberté et de cette folle envie de changer le monde : quelle est la prochaine étape ? A vous lire la dessus…

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !