Protestants évangélistes cherchent lieux de culte désespérément

Ce week-end pascal a été marqué par l’effondrement d’un lieu de culte évangélique à Stains, dans la banlieue parisienne. Cet événement vient rappeler que le Protestantisme est peut-être la religion qui manque le plus de lieux de culte en France et, qu’à instrumentaliser la laïcité, la droite et la gauche se privent de répondre à de vrais problèmes de société.

Le protestantisme évangélique s’est développé de manière très importante et dynamique ces dernières années en France, notamment et particulièrement dans les "banlieues".

La vitalité de l’évangélisme modifie profondément la démographie du protestantisme français. Dans son excellent ouvrage La nouvelle France protestante, Sébastien Fath rappelle que sur 4 000 lieux de culte protestants, environ 2 600 seraient évangéliques. Il estime ainsi que s’ils représentent un peu moins de 30 % des protestants en France, les évangéliques constituent aussi environ 76 % des pratiquants réguliers. Leur poids n’est donc pas anodin dans le protestantisme français.

En outre, l’évangélisme est dynamique : il connaît une progression forte. Il est notamment très présent dans les "banlieues" : en Seine-Saint-Denis, le nombre de lieux de culte auraient été multiplié par plus de trois en dix ans. La vitalité de l’Evangélisme s’inscrit à la fois dans une recomposition plus individualiste du paysage religieux (comme le relève l’ouvrage désormais classique de Danièle Hervieu-Léger) et dans les phénomènes migratoires en France.

Cette évolution marque un changement profond dans la structure du protestantisme, qui était traditionnellement dominée par les luthériens et les réformés : elle interroge ainsi son unité (voir, par exemple, Où va le protestantisme ?). C’est d’ailleurs ce que révèle la constitution du Conseil National des Evangéliques de France et son émancipation de la Fédération Protestante (dont le président, le pasteur Baty, vient pourtant lui-même d’une église évangélique).

La pratique des évangéliques peut parfois surprendre. Elle étonne parfois au sein même du protestantisme, habitué à plus de "retenue". Elle interpelle aussi l’opinion publique, qui a une certaine tendance à confondre de manière systématique les petites églises évangéliques avec des groupes systématiquement sectaires. On se souvient d’ailleurs qu’un élu communiste, Jean-Pierre Brard, n’avait pas manqué de les dénoncer comme telles – de manière virulente et peu diplomatique.

Il n’en reste pas moins qu’aujourd’hui, les Evangéliques manquent de lieux de culte. Sébastien Fath parle même d’un « évangélisme des caves » - même s’il s’agit plutôt d’entrepôts et de lieux désaffectés. L’Islam est généralement mis au cœur des débats lorsqu’on évoque la construction de nouveaux lieux de culte. Pourtant, la religion musulmane semble parvenir progressivement à palier son manque. En tout cas, elle le fait plus facilement que les Evangéliques. C’est d’ailleurs ce qui avait conduit le précédent président de la Fédération protestante, le pasteur De Clermont, à souhaiter une révision de la loi de 1905.

L’événement de Stains nous rappelle ainsi qu’il y a une réelle question relative aux lieux de culte en France et que la question de la laïcité ne saurait se poser uniquement en rapport avec une religion en particulier, Catholicisme ou Islam.