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Le "bien commun", principe central de l'action politique du chrétien
©Reuters

Bonnes feuilles

Le programme politique du chrétien est au fond théoriquement assez court : le bien commun. Une notion philosophique historique essentielle que nous invite à revisiter François Huguenin dans "Le pari chrétien", aux éditions Tallandier.

François Huguenin

François Huguenin

Le Conservatisme impossible, libéraux et réactionnaires en France depuis 1789, Paris, La Table Ronde, 2006. Réédition augmentée Histoire intellectuelle des droites, Paris, Perrin, coll. « Tempus », 2013.
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Le christianisme a repris de l’héritage grec ce qui en est sans doute la plus universelle et intemporelle perle : la notion de bien commun en politique. Preuve, s’il en fallait, de son extraordinaire capacité d’assimilation de ce que certaines cultures ont produit de plus vrai. Cette notion cependant, après avoir été considérée comme une évidence par le christianisme médiéval, a été contestée par la modernité et mérite d’être pensée à frais nouveaux. De fait, l’homme moderne n’est pas le citoyen de la cité grecque. L’apport du christianisme a tout à la fois mis en lumière la valeur individuelle de la personne humaine et pensé une universalité qui l’une et l’autre ont dépassé la conception holistique de la cité grecque.

Repenser le bien commun comme communion

Il n’est pas inutile ici de convoquer Gaston Fessard dont l’analyse sur le bien commun ne se contente pas de reprendre tout ce qui avait pu être écrit auparavant. Gaston Fessard (1897-1978), jésuite, lecteur magistral de Hegel et Kierkegaard, adversaire résolu des totalitarismes nazi et communiste, critique subtil du libéralisme, rédigea entre 1941 et 1942, en pleine occupation allemande, un ouvrage majeur qui fut publié à la Libération, Autorité et bien commun.

Avec finesse, il renvoie à sa propre aporie l’adage selon lequel « l’intérêt général prime l’intérêt parti-culier ». Si aujourd’hui il est tombé en désuétude, il était, en ces temps troublés, plus en vogue. Fessard montre qu’en s’appliquant à une communauté précise parmi d’autres du même ordre (une famille parmi les familles, une nation parmi les nations), cet intérêt général demeure particulier. L’autorité aurait beau soumettre les égoïsmes individuels, elle serait « radicalement incapable de satisfaire au désir de l’être universel qui est en l’homme plus profond encore que cet égoïsme ». Fessard poursuit en évoquant très clairement, par cette aspiration universelle, cette part spirituelle dont nous parlions :

Pour que puisse être comblé ce désir vivant au plus intime de chaque individu et le constituant personne, il faut que la communauté dont il est membre ne soit pas close sur elle-même et que le Bien commun qu’elle vise assure son ouverture sur l’infini vers lequel se tend la personne .

C’est ce que l’auteur appelle, en balancement dialectique avec le « bien de la communauté », la « communauté du bien » : ce sont les droits universels et sacrés de l’homme qui peuvent être invoqués contre le particularisme d’une communauté qui veut se clore et récuse cette ouverture vers l’infini constitutive de chaque homme. Mais il montre aussi que cette « communauté du bien » est trop abstraite pour réduire à ces libertés individuelles le bien commun qu’elle manquera inévitablement, faute de détermination concrète. De façon très hégélienne est dépassée l’opposition entre le bien de la communauté – qui présente la particularité nécessaire pour que le bien commun soit défini et concret –, et la communauté du bien qui lui procure sa nécessaire ouverture sur l’infini :

La communauté particulière doit inclure dans son « intérêt général » comme le plus général de tous, le respect des droits de l’homme et la réalisation de cette communauté du bien qui peut se communiquer identiquement à tous : celle-ci deviendra du coup le moyen par lequel s’universalise le bien de la communauté particulière. Et d’autre part, chacun doit user de ses droits universels pour assurer d’abord le bien de sa communauté particulière : celle-ci par-là même servira de moyen qui réalise et détermine la communauté du bien.

Le bien commun porte en lui cette médiation entre ce « bien de la communauté » et cette « communauté du bien ». Cette union qui distingue sans opposer est proprement un « bien de la communion », c’est-à-dire un « lien à la fois spirituel et charnel », unité « concrète et universelle ». Lien qui n’est ni une détermination, au sens où une communauté serait absolutisée, ni un seul rapport de droit, précise Fessard, qui renvoie dos à dos le naturalisme et la vision contractualiste libérale de la vie en société.

La communion ne naît que d’une action où il y a communication mutuelle et volontaire d’un bien concret et déterminé assurément, mais en vue d’un lien qui transcende et la particularité du bien et l’individualité de ceux qu’elle unit.

Pour un chrétien, le bien commun ne saurait mettre en péril le bien de la personne en ce qu’elle a de parfaitement inviolable et unique comme créature aimée de Dieu. Rien de ce qui prétendrait s’opposer à la relation entre la créature et Dieu ne saurait être revendiqué comme ressortissant d’un bien commun.

C’est particulièrement vrai lorsqu’il s’agit d’une question eschatologique, c’est-à-dire qui est de l’ordre des fins dernières, du bien ultime de l’homme. Le chrétien doit être aujourd’hui comme hier, aujourd’hui de manière plus isolée qu’hier, celui qui, au nom d’une transcendance, sanctuarise l’homme – et l’univers dans lequel il vit – pour les mettre à l’abri des fantasmes de toute-puissance qui les menacent.

Extrait du livre "Le pari chrétien" de François Huguenin, aux éditions Tallandier

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