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Clochers contre minarets : la construction d'édifices religieux, une entreprise très politique
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Bonnes feuilles

Les crispations symboliques entre Islam et Chrétienté sont toujours fortes dans un pays pourtant laïc comme la France, comme le démontre la polémique des minarets, que nous rappelle Jérôme Fourquet dans "A la droite de Dieu", son essai publié aux éditions du Cerf.

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet est directeur du Département opinion publique à l’Ifop.

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Cette crispation face à l’affirmation de la présence d’un islam de plus en plus visible, et qui viendrait supplanter les traces laissées par des siècles de chrétienté, n’est pas propre à la France. En novembre 2009, une votation populaire avait ainsi été organisée en Suisse sur l’interdiction de la construction de minarets. Alors que la Confédération ne compte que 200 mosquées et 4 minarets (dont aucun ne servait à l’appel pour la prière du muezzin), 57 % des Suisses votèrent pour l’interdiction des minarets au terme d’une campagne où fleurirent des affiches ornées d’une femme en burqa au regard noir, ou de 7 minarets dressés comme des missiles transperçant le drapeau suisse. Un sondage de l’Ifop réalisé dans la foulée indiquait que 53 % des Français seraient opposées à l’érection de minarets. Même si notre société est sécularisée, l’imaginaire collectif demeure fortement imprégné par le christianisme, et ce à un point tel qu’un candidat de gauche, François Mitterrand, n’hésita pas à poser devant le clocher d’un village sur une affiche de campagne restée célèbre. C’est cet attachement patrimonial qui a suscité la levée de boucliers contre la proposition de Dalil Boubakeur de transformer des églises en mosquées, nous y reviendrons. C’est le même ressort qui est à l’œuvre pour s’opposer à la construction de minarets. L’architecture religieuse a toujours été un enjeu de pouvoir pour marquer un territoire. Le sociologue Jean-Paul Willaime rappelle ainsi qu’au XIXe siècle, les catholiques disposaient de la grande avenue pour leurs églises, tandis que les protestants pouvaient bâtir des temples uniquement dans les rues adjacentes. Le dirigeant turc Recep Tayyip Erdogan avait, quant à lui, cité les vers d’un poète islamo-nationaliste, qui traduisent bien la dimension géopolitique de l’érection d'édifices religieux : « les minarets sont nos baïonnettes, les mosquées nos casernes et les croyants nos soldats. »

En mars 2017, dans le cadre de sa campagne pour le référendum qu’il avait organisé et dans un contexte de à la droite de Dieu tensions avec des pays européens (dont l’Allemagne et les Pays-Bas qui s’étaient opposées a` la venue de ministres turcs souhaitant tenir des meetings auprès de leur communauté), le même Recep Tayyip Erdogan envoya un message sur Twitter appelant ses compatriotes vivant en Europe à « faire cinq enfants » pour prendre une revanche sur les injustices et « devenir l’avenir de l’Europe » (nous soulignons). On retrouve bien ici l’idée d’un processus de substitution démographique annoncé et d’une islamisation de l’Europe souhaitée par les uns et redoutée par les autres.

Extrait du livre "A la droite de Dieu" de Jérôme Fourquet, aux éditions du Cerf

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