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 Laïcité à la Macron : quelques arguments pour s’en inquiéter
©ALAIN JOCARD / AFP

Multiculturalisme

Cette année a été marquée par un niveau sans précédent d’attaques contre la laïcité, qui apportent indirectement une clarification. Nous avons vu de façon de plus en plus évidente converger des forces qui, peu ou prou, participent de la ruiner, via son remplacement par le multiculturalisme.

Guylain Chevrier

Guylain Chevrier

Guylain Chevrier est docteur en histoire, enseignant, formateur et consultant. Ancien membre du groupe de réflexion sur la laïcité auprès du Haut conseil à l’intégration. Dernier ouvrage : Laïcité, émancipation et travail social, L’Harmattan, sous la direction de Guylain Chevrier, juillet 2017, 270 pages.  

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Cela s’est affirmé à la faveur d’un mouvement venu de personnalités publiques, d’institutions à un titre ou à un autre complices, et de forces obscures à l'agressivité sans limite. La vision qu'a présentée Emmanuel Macron lors de ses voeux aux autorités religieuses, le 4 janvier dernier, n'a rien pour nous rassurer. Il a expliqué voir dans l'Etat un rôle d'organisateur de l'islam de France sous le signe de religions considérées comme garantes de la laïcité. Comme à son habitude, il a dit à chacun ce qu'il avait envie d'entendre, sans rien lever des confusions sur lesquelles joue la montée d'affirmations identitaires réintroduisant la race en politique à travers un procès anti-blancs, qui comprend tous les dangers.

Pour l’Observatoire de la laïcité, la laïcité n’est pas menacée. Un aveuglement à haut risque sur la question de l'islam. 

Une quinzaine de jours avant les voeux du Président aux cultes, l'Observatoire de la laïcité qui est en charge de veiller au respect de la laïcité et à sa protection, a rejoué le "Circulez, il n'y a rien à voir !", par la voix de son président Jean-Louis Bianco. Dans La Dépêche du midi, le 13 décembre dernier, il affirme : «à nos yeux, la laïcité n'est pas menacée, contrairement à ce que croient nos concitoyens". Concernant la question de l'islam, il affirme que «la très grande majorité de nos compatriotes musulmans vivent leur religion pacifiquement». Il estime ensuite qu'aller dans le sens de " l'extension de la neutralité" serait un danger pour les libertés, pour souligner, que l'on «n'a pas besoin de durcir la loi. Il faut la connaître, la faire respecter et l'appliquer avec fermeté et sagesse». Si nombre de nos concitoyens de confession musulmane pratiquent leur religion dans le respect de la République, on ne peut nier la montée du communautarisme islamique, dont la manifestation la plus évidente est celle du développement du port du voile, avec de plus en plus de fillettes affublées de cette prédestination à l'inégalité sexuelle. Plus insidieusement, on assiste dans tous les domaines, à la montée de revendications communautaires à caractère religieux, de l’entreprise à l’hôpital, avec de temps à autres un pic nerveux comme au moment où les burkinis se sont répandus de façon spectaculaire en forme de provocation sur nos plages, au lendemain de l’attentat de Nice. Mais en réalité, pour beaucoup, ces revendications se voient satisfaites par les reculs, petits arrangements et compromissions de nombreux élus qui gèrent à vue les affirmations identitaires dans les quartiers depuis bien longtemps, en choisissant la carte du laisser-faire contre une paix sociale illusoire voire l'espoir d'une réélection. Mais il faut bien dire aussi que ces derniers ne sont pas aidés par cet Observatoire qui ne voit rien et la confusion entretenue par nos élites, la façon dont l'Etat ferme aussi trop souvent les yeux comme sur les prières de rue. On refuse de voir le lien entre communautarisme et radicalisation.

Une énième fois, rappelons l'étude que l'institut Montaigne a consacré à la question de l'islam en France, selon laquelle près d'un tiers des musulmans considère la charia comme au-dessus des lois de la République et l’islam comme un instrument de révolte contre notre société et ses mœurs, ses valeurs. L’existence de plus de vingt mille radicalisés, dont le nombre ne cesse d'augmenter à chaque étude, qui rejettent le modèle républicain au point de vouloir lui faire la guerre. Le dernier rapport du Sénat sur la radicalisation faisait le constat que le communautarisme était  le terreau principal de celle-ci. C’est donc bien que le communautarisme constitue une réalité et un danger qu’il faut contrecarrer.

C'est à ce déni coupable que l’on doit de ne pas rechercher les réponses appropriées, que l'on tremble à l’idée de réaffirmer haut et fort le cadre de notre laïcité française, alors qu'il ne faudrait justement rien laisser passer, jusque si nécessaire en faisant appel à la loi, qui comme repère commun à tous est la réponse la plus juste et la plus claire. Mais, comme on l'a vu dans l'affaire du burkini, le Conseil d'Etat lui-même refuse tout questionnement dans ce domaine, refusant d’admettre qu’il y a derrière des groupes de pression religieux qui, par tous les moyens, cherchent à déstabiliser notre pays. Un climat d’attaques contre la laïcité fort d'un salafisme qui a pignon sur rue, qui donne l’exemple dans les quartiers, alors qu'il devrait être interdit depuis longtemps, à professer un mode de vie moyenâgeux en totale opposition avec nos lois, notre société et son mode de vie. Mais non, là encore, on laisse faire.

La racialisation de la question politique, étape dans la guerre à la République 

Nous n'avons cessé de voir des groupes politiques, militant en faveur du communautarisme, occuper le devant de la scène médiatique cette année. En premier lieu, le Parti des indigènes de la République (PIR) avec le développement de camps dits "dé-coloniaux", de réunions dites « non-mixtes » à l’université. Des initiatives autrement dit interdites aux blancs, sous prétexte qu'ils seraient par essence des racistes, des privilégiés reproduisant une domination coloniale. L'immigré ou l'enfant d'immigré, nécessairement musulman, est présenté sous cette lecture comme la victime de ce système. Une essentialisation du blanc qui n'est pas meilleure que celle du noir ou de toute autre altérité de façon générale, comme fonds de commerce à tous les racismes. 

Pour justifier cette démarche, on rabat systématiquement les problèmes économiques et sociaux sur la question des discriminations, induisant ainsi l'idée que toutes les inégalités viendraient de cet antagonisme des blancs vis-à-vis des autres, jusqu'à porter l'accusation "d'Etat raciste". Une façon de détourner la lecture des problèmes vers une confessionnalisation et une racialisation de la question sociale. Tous les ressentiments sont mobilisés pour faire gonfler une haine de la France mise au service de la manipulation de populations fragilisées, et surtout de jeunes dans la confusion entre une identité d'accueil et une identité d'origine, que les problèmes d'intégration mettent en risque dans ce contexte de crise des repères. Là, il n'y aurait pas péril pour la laïcité non plus? 

Et lorsque Mme Obono, députée de la France insoumise, clame son soutien comme représentante de la République et de notre Parlement, à la porte-parole du Parti des indigènes de la République (PIR), une certaine Houria Bouteldja, qui professe l’organisation de réunions « non-blanches », et qui ne renie pas d’être homophobe et antisémite, il n’y a pas de problème peut-être ? Lorsque l'on nomme Mme Rokhaya Diallo au Conseil national du numérique, qui soutient cette nouvelle tendance des réunions « non-mixtes », qui est allée à la tribune des Nations unies pour dire à propos de la France : « C’est un racisme d’État que je dénonce comme tel", en forme de véritable déclaration de guerre contre son propre pays accusé de racisme généralisé sans aucun fondement. Rappelons encore ici que la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) a souligné dans son dernier rapport, que la France n'avait jamais été aussi tolérante et si peu touchée par le racisme et ce, malgré la vague d'attentats dont elle a été l'objet.  

Comment faire participer au destin de l’Etat, sur quelque question que ce soit, quelqu’un qui le pointe comme l’ennemi à abattre? Elle a heureusement été évincée finalement de ce haut conseil, mais en entrainant par solidarité avec elle une série de démissions, mouvement révélant l'état de délabrement de la pensée dans les « hautes sphères ».

Lorsqu'un syndicat comme Sud-Education 93 organise un stage syndicale avec des ateliers en « non-mixité raciale », mettant ensemble d'un côté les personnels non-blancs, "les dominés", et de l'autre, les personnels blancs, incités à faire leur mea culpa "des privilèges" dont ils disposeraient dans l'Education nationale vis-à-vis des autres à la faveur d'un « racisme d'Etat », il n'y a là pas encore assez pour dire que la laïcité est gravement attaquée et menacée? Le ministre de l'Education nationale, M. Jean-Michel Blanquer, en a même été amené à porter plainte contre cette mise en accusation inique! Que peut-il bien rester de la mission d’intérêt général du syndicalisme derrière ce fourvoiement ?

Ne voit-on pas ici qu'avec ces réunions, où l'on sépare selon la couleur, la religion, l'origine, c'est aux travaux pratiques du multiculturalisme que l'on passe. Un multiculturalisme qui vise à faire voler en éclats notre République laïque, réclamé par des forces obscures qui cherchent, en aiguisant tous les ressentiments, à monter les uns contre les autres, en créant toutes les conditions d’un affrontement.

Les collusions entre une gauche victimaire et l’islamisme 

Dans ce contexte, on soulignera qu'un certain Edgar Morin, homme identifié à gauche, a cosigné récemment un livre d'échanges avec Tariq Ramadan... Il défend le prédicateur en novembre dernier dans une tribune publiée par le journal Le Monde, au regard des accusations de viols dont il est l'objet, disant qu’il faut attendre ce qu’en dira la justice, comme si c’était là le problème. Non, le problème est dans cette collusion de plus en plus flagrante d'une gauche victimaire avec l’islamisme, qui a perdu tous ses repères à se tromper de combat en confondant la lutte contre le racisme, avec une défense inconditionnelle de « l'immigré » qui va jusqu'au communautarisme, et qui bégaie devant l'histoire. Dans l'ouvrage "le chemin de l'espérance", qu'il avait écrit avec Stéphane Hessel (2011), il faisait déjà l’apologie du multiculturalisme comme revendication légitime des « minorités » en France, et assimilait ceux qui s'y opposaient à de la xénophobie…

Parallèlement, c'est le fameux Jean Baubérot, historien de la laïcité, qui milite depuis toujours pour une laïcité dite "ouverte", c'est-à-dire perdant son âme dans des accommodements déraisonnables, coqueluche des médias victimaires et de l’Observatoire de la laïcité, qui prend la défense de Rokhaya Diallo suite à son éviction du Conseil du numérique. Il explique qu’avec cette éviction, « c’est à la République que l’on fait du mal. », parce qu’elle aurait « déjà une reconnaissance internationale, dont sa récente intervention à l’ONU constitue un des indices. » Il évite soigneusement avec cette affirmation de rappeler la teneur de ses propos à l’ONU, mettant en procès la France pour racisme (citée plus haut). Il avait déjà cosigné un livre avec elle, ce qui n’a rien du hasard: "Comment parler de laïcité aux enfants" (2015)... On ne s'étonnera pas plus qu'à propos des voeux du Président aux cultes, il mette en garde contre le risque d'une "pression mise sur les musulmans" si l'on veut permettre une sorte "d'aggiornamento...", selon lui. Fidèle à son combat contre la loi du 15 mars 2004 d'interdiction des signes religieux ostensibles, qui ne faisait pourtant que rappeler le respect de la laïcité de l'école publique, il milite surtout pour laisser les mains libres aux Eglises. Il critique l'ancien Premier ministre Manuel Valls, parce qu'il voit le risque d'un "continuum" de la pratique "traditionnelle" de l'islam à la radicalisation puis au terrorisme. Monsieur Baubérot oublie au passage de préciser que cet "islam" dit à la pratique "traditionnelle", n'est rien d'autre le plus souvent qu'un islam intégral qui nourrit le communautarisme, ramenant le sacré dans la cité pour la diviser.

Dans ce prolongement, le Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF), organisation islamiste s’il en est, qui parade dans les initiatives où la « non-mixité » est de mise, a trouvé des soutiens tels Le Monde qui lui a ouvert ses pages, ou encore relayé par Libération, au nom de servir la lutte contre le racisme. Mais qu’a donc à voir la lutte universelle contre le racisme avec l’accusation d’islamophobie qui vise à interdire toute critique d’une unique religion, l’islam ? Une organisation qui traine systématiquement devant les tribunaux des intellectuels qui osent publiquement critiquer les dangers d’un islamisme qui a partie liée avec le communautarisme, tels Jeannette Bougrab, Pascal Bruckner, ou encore Georges Bensoussan. Ils ont heureusement gagné face à cette offensive liberticide.

Face au risque d’un nouveau visage du fascisme sur fond racial et religieux, que valent les voeux du Président? 

Derrière les renoncements, les lâchetés, les abandons, les collusions, les agressions, avec en toile de fond le retour de la haine raciale à travers la désignation du blanc comme l’ennemi, comme ressort de la manipulation des foules, on pourrait bien voir se dessiner, rien de moins ici, qu’un nouveau visage du fascisme, d’un côté où on ne l’attend pas. L'extrême droite a de beaux jours devant elle face à ce renversement de valeurs, qui nous promet un champ de ruines si on n’en stoppe pas les ambitions.

Voilà le contexte dans lequel Gérard Collomb, ministre de l'intérieur, a annoncé installer auprès de lui « une instance dite « informelle » « de dialogue et de concorde entre les autorités des principaux cultes ». Ceci, sous la prétention  d’accompagner la structuration de « l’islam de France ». Ce mélange, entre l’Etat et les religions, contraire à nos institutions, qui donne des gages à l’organisation de l’islam par les pouvoirs publics, ne peut qu'inquiéter.

Précisément, les voeux du Président sont de la même veine, et font le pari dangereux de confier aux Eglises un rôle moral d'encadrement, en affirmant vouloir les consulter systématiquement sur les grandes questions de société, tout en prétendant les maintenir loin de "colorer la vie politique de la nation". Leur rôle est ailleurs, auprès de leurs croyants qui sont garantis dans leur liberté de culte, aux limites de ne pas contester les choix politiques qui orientent notre société, et de porter atteinte aux autres libertés. Voir les choses autrement est pour le moins aventureux, et encore plus relativement à des populations qui ont pour origine et souvent première référence encore aujourd’hui, un pays où la religion est dans l'Etat et le politique sous son emprise. Ce qui est tout le contraire de l'Etat de droit dont la condition est qu'il soit lui-même soumis à la loi, la loi commune, celle qui émane expressément des hommes, c’est-à-dire d’un peuple souverain. Mais jusqu'où est-on prêt à aller comme mélange des genres avec les religions, pour faire face aux revendications de l'islam communautariste dans l'espoir que cette religion veuille bien prendre une place tempérée au milieu des autres? Le danger est grand dans ce jeu du retour du sacré comme instrument d'affrontement avec la liberté.

Liberté, égalité, fraternité, laïcité!

La protection de notre liberté tient dans cette laïcité républicaine au bras ferme, à la conscience haute, qui ne voit que des égaux, des citoyens, et favorise l’union, le rassemblement de tous autour de l’intérêt général, le mélange au lieu de diviser, de séparer. La réponse aujourd’hui comme hier est dans cet humanisme républicain qui voit la chose publique comme un bien commun au-dessus des différences rejetant toute prédestination de condition sociale, de couleur, de religion, d’origine, de sexe, pour savoir toujours pourquoi ensemble, nous faisons société. Ce qui n’implique nullement de nier les différences, mais d’interdire qu’une autorité quelconque puisse les figer en les sacralisant, pour remplacer l’individu libre de ses choix par des assignations à différences mortifères. Rien de mieux décidément que "Liberté, Egalité, Fraternité !".

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