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Savez-vous qu'il y eut des années quand à Champigny-sur-Marne on parlait portugais ?
©Thomas SAMSON / AFP

C'était hier…

Autres temps, autres mœurs. Et aussi autres populations…

Benoît Rayski

Benoît Rayski

Benoît Rayski est historien, écrivain et journaliste. Il vient de publier Le gauchisme, maladie sénile du communisme avec Atlantico Editions et Eyrolles E-books.

Il est également l'auteur de Là où vont les cigognes (Ramsay), L'affiche rouge (Denoël), ou encore de L'homme que vous aimez haïr (Grasset) qui dénonce l' "anti-sarkozysme primaire" ambiant.

Il a travaillé comme journaliste pour France Soir, L'Événement du jeudi, Le Matin de Paris ou Globe.

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Libération est un journal. Et ce journal rend compte à sa façon –très originale- du lynchage dont la ville de Champigny-sur-Marne a été le théâtre. Dans un article son envoyé spécial  insiste lourdement sur les traces, nombreuses, de grenades lacrymogènes dénombrées par ses soins sur les lieux. Une façon de dire que les forces de l'ordre n'y sont pas allées de main morte!

Il met en évidence le fait que, selon lui, la foule déchainée était "mixte". "Mixte" veut dire qu'elle n'était pas unicolore. Le journaliste de Libération n'a pas, bien sûr, assisté au lynchage mais il se croit obligé d'écrire "mixte" pour ne pas –n'est-ce pas ?- stigmatiser. Toutes les images filmées et diffusées attestent du contraire.

Mais peu importe la vérité il fallait pour des raisons de bondieuserie bienpensante qu'il y ait aussi des Blancs dans la foule. Dans le même texte il est indiqué –ça fait bien-  que la fête intitulée "Black face" qui a débouché sur l'émeute "n'était pas réservée aux noirs". Youpi ! Le journal Libération a-t-il compté les Blancs qui ont assisté à cette scène?

Comme Libération, Le Parisien est un journal. Mais ils ont entre eux le même rapport que les torchons avec les serviettes. Oublions le torchon. Et intéressons-nous à la serviette. Le Parisien publie un article passionnant et éclairant sur ce que fut Champigny-sur-Marne dans les années 60-70. Cette ville était alors appelée "la deuxième capitale du Portugal".

Vivaient là-bas entre 12 et 15 000 Portugais. Chassés par la misère ils étaient venu en France pour y trouver du travail. "Vivaient là-bas" est un terme plus adéquat que "habitaient là-bas". Parce que Champigny-sur-Marne était alors le plus grand bidonville de France. Des baraquements faits de planches, de tôles, de parpaings.

Une immense déchetterie où vivaient des hommes. Pas d'eau, pas d'électricité, pas de tout à l'égout, pas de ramassage des ordures. Un monde de boue. Des années de boue. Des conditions de vie révoltantes. Et pourtant pas de délinquance. Pas de criminalité. Pas d'attaques contre la police.

Vint un jour où le gouvernement français de l'époque -celui de Chaban-Delmas- eut honte de cette tâche. Des bulldozers furent envoyés sur place pour raser le bidonville. On construisit des HLM pour reloger décemment les Portugais. Eau, électricité, salles de bain, toilettes : le bonheur.

Ces Portugais-là continuaient à être ouvriers. Ils eurent des enfants qui allèrent à l'école, firent des études. Certains d'entre eux restèrent ouvriers comme leurs parents. D'autres devinrent enseignants, ingénieurs, techniciens, commerçants, avocats…

Ils eurent eux-mêmes des enfants qui suivirent la trace de leurs parents. Aucun d'entre eux n'a appris à détester la France. Et pourtant le bidonville de Champigny-sur-Marne n'était pas vraiment à notre honneur. Qui parle aujourd'hui des Portugais ? Après eux d'autres populations sont venues.

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