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Les riches ont-ils déjà fait 
leurs valises pour quitter la France ?
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Depuis le début de l'année, les demandes d'exil fiscal ont afflué sur les bureaux des avocats suisses. Si l'on en croit ces derniers, la peur de voir arriver François Hollande au pouvoir n'y est pas étrangère. Le point avec un fiscaliste.

Philippe Kenel

Philippe Kenel

Philippe Kenel est avocat fiscaliste associé au sein du Cabinet Python & Peter.

Il est spécialisé dans la planification fiscale, successorale et patrimoniale ainsi qu'en matière de délocalisation des personnes fortunées en Suisse et en Belgique.

Il est l'auteur de  « Délocalisation et investissement des personnes fortunées étrangères en Suisse » (Favre sa, 2011)

 

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Atlantico : En février dernier, vous déclariez avoir déjà reçu 10 à 15 demandes de Français qui comptaient s’installer en Suisse. Deux mois après, les sondages étant toujours favorables au candidat socialiste François Hollande, les « riches » préparent-ils toujours leur exil fiscal ?

Philippe Kenel : Le chiffre était important. Je délocalise en principe chaque année 20 à 30 personnes dont la moitié sont des Français. En deux mois, j’avais donc déjà fait mon quota de Français pour l’année.

Aujourd’hui, cela s’est un petit peu calmé dans le sens où les procédures prennent du temps et les gens qui veulent partir s’y prennent toujours à l’avance. J’ai toujours un nombre constant de demande mais ce n’est pas une augmentation croissante comme on a pu connaitre en janvier et février dernier.

Je ne crois pas que cela soit lié à une baisse de François Hollande dans les sondages. Cette stagnation est due au fait que les gens qui étaient décidés à partir voulaient le faire avant le premier tour. La délocalisation fiscale étant complexe, ils ont généralement entamé les démarches en début d’année.

Les « riches » se délocalisent-ils réellement par peur d’un gouvernement socialiste où cela relève-t-il du mythe journalistique ?

Le réflexe est toujours de dire que les médias en font trop. Je ne crois pas que cela soit le cas. Il existe une crainte de voir François Hollande arriver au pouvoir, accentuée par sa proposition d’une taxation à 75% sur les revenus supérieurs à un million d’euros par an. Mais il faut dire aussi que le Président Sarkozy, pour draguer l’électorat centriste et de gauche, lui répond bien. Il répond d’ailleurs directement avec sa proposition de taxation des exilés fiscaux. Les « riches » ne craignent donc pas seulement François Hollande et les socialistes. Leur réelle peur est que la France se dirige plus généralement vers une politique de gauche.

Le terme « riche » reste très subjectif. A partir de quel niveau de patrimoine l’exil fiscal devient-il intéressant ?

Le mot « riche » ne veut effectivement rien dire. On est toujours le riche ou le pauvre de quelqu’un. La délocalisation est une aventure juridique, fiscale mais avant tout humaine. C’est un processus complexe qui doit valoir la peine. La pratique montre que les gens qui se délocalisent ont un patrimoine de l’ordre de 5 à 6 millions d’euros minimum. En dessous, soit la Suisse est trop chère, soit les avantages qu’elle procure ne sont pas suffisants par rapport au coût humain que l’on met dans la balance.

Que pensez-vous de la proposition de Nicolas Sarkozy de lier fiscalité et nationalité et donc de faire payer la différence aux Français de l'étranger qui payent moins d'impôts ?

Cette proposition est irréaliste telle que le Président Sarkozy l’a énoncée. On pourrait faire comme les Américains et dire que l’on taxe tous les Français qui vivent à l’étranger mais on ne peut pas faire une distinction entre ceux qui partent pour des raisons fiscales et les autres.

D’autre part, je trouve que c’est une hérésie car cela entraverait largement le processus d’intégration. La volonté de quelqu’un qui s’installe dans un autre pays est de s’intégrer. Une excellente manière de s’intégrer est de payer des impôts. Je trouve donc que c'est une mesure anti-intégration. Qui dirait Nicolas Sarkozy si l’Algérie décidait de taxer les Algériens qui vivent en France ?

En matière d’information, comment la Suisse coopère-t-elle avec la France ?

Le 13 mai 2009, le gouvernement suisse a décidé de passer au système d’échange d’information à la demande. Ce système a été mis en œuvre par une convention relative à la double imposition mise en vigueur à la fin de l’année 2010. En vertu de cette nouvelle convention, si la France a un certain nombre de soupçons sur des contribuables, elle peut demander à la Suisse des informations. La Suisse devra alors les lui donner. Cependant, il est clair que dès le moment où un contribuable français n’est plus domicilié en France il n’y a plus de possibilité d’obtenir des renseignements.

Les Etats-Unis font valeur d’exemple dans la lutte contre l’exil fiscal. La coopération avec la Suisse est-elle plus poussée ?

Le rythme de la politique d’échange d’information a toujours été dicté par les Américains. Cela commence avec les Américains et puis cela s’applique aux autres pays.

La nouveauté entre la Suisse et les Etats-Unis est que maintenant la convention entre les deux pays prévoit l’échange d’information groupé et l’assistance administrative groupée. On ne demande plus l’assistance administrative en matière fiscale en fonction du comportement d’un contribuable mais en fonction du comportement d’un groupe de contribuables.

Cette forme d’assistance administrative groupée est une nouveauté. On se rapproche méchamment de la pèche aux informations, de la recherche au hasard, même si la convention l’exclut toujours clairement.

Comme je l’ai dit, les Etats-Unis mènent la danse. Cette forme d’assistance devrait donc, dès 2013, rentrer en vigueur pour les autres pays.

Propos recueillis par Jean-Benoît Raynaud

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