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Extension du domaine de la peur : deux ans après les agressions sexuelles du Nouvel an 2016 à Cologne, quel bilan ?
©Reuters

Géopolitico Scanner

Alexandre del Valle revient sur les enseignements tirés des événements survenus en Allemagne, dans un contexte de montée des mouvements populistes anti-immigration et islamophobes en Allemagne (AFD, Pegida, etc).

Alexandre del Valle

Alexandre del Valle

Alexandre del Valle est un géopolitologue et essayiste franco-italien. Ancien éditorialiste (France SoirIl Liberal, etc.), il intervient dans des institutions patronales et européennes, et est chercheur associé au Cpfa (Center of Foreign and Political Affairs). Il a publié plusieurs essais en France et en Italie sur la faiblesse des démocraties, les guerres balkaniques, l'islamisme, la Turquie, la persécution des chrétiens, la Syrie et le terrorisme. 

Son dernier ouvrage, coécrit avec Jacques Soppelsa, Vers un choc global ? La mondialisation dangereuse, est paru en 2023 aux Editions de l'Artilleur. 

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Globalement, c’est une « politique d’apaisement » qui été adoptée  en Allemagne et les pays de l’Europe de l’Ouest par les autorités et les médias. Après la terrifiante campagne de viols collectifs qui a bouleversé Cologne durant le nouvel an 2016, Angela Merkel et la maire de Cologne dénoncèrent à l’avance toute tentative d’associer les viols et attouchements massifs perpétrés par des personnes d’origine majoritairement maghrébine à une quelconque dimension islamique et migratoire. Une note interne fut ainsi envoyée à la police par le ministère allemand de l’intérieur, ordonnant aux policiers de ne pas mentionner le mot « viol » dans leurs rapports. Le Ministre fédéral allemand de la Justice Heiko Maas, préconisa quant à lui d’interdire tous les panneaux d’affichage sexy afin de ne « pas inciter les musulmans à commettre des viols ». 

En France, l’affaire de Cologne fut largement relayée et choqua l’opinion publique, notamment les défenseurs de la cause des femmes, mais curieusement, ce qui choqua le plus la « communauté académique » et les milieux progressistes ne fut pas les exactions misogynes des adeptes des « tournantes », que l’on chercha à minimiser et même à excuser (« frustrations sexuelles des migrants désargentés et méprisés », « provocations des filles allemandes » peu prudentes, etc), mais l’analyse sans concession de l’écrivain algérien francophone Kamel Daoud qui osa expliquer, dans une tribune au quotidien Le Monde (qui suscitera des réponses acerbes d’un « collectif »), que les viols collectifs de Cologne mettaient en évidence un problème religieux et civilisationnel, à savoir la misogynie inculquée aux populations arabo-musulmanes. 

Kamel Daoud y dénonçait « l’angélisme » de l’Occidental bienveillant qui « voit, dans le réfugié, son statut, pas sa culture ; il est la victime qui recueille la projection de l’Occidental ou son sentiment de devoir humaniste ou de culpabilité ». L’auteur rappelait cependant que « le réfugié ou l’immigré (…) ne va pas négocier sa culture avec autant de facilité (…) cela changera très, très lentement. (…). Il faut offrir l’asile au corps mais aussi convaincre l’âme de changer ». Daoud osa lier le problème du rapport des violeurs majoritairement maghrébins de Cologne à une dimension culturelle arabo-musulmane : « (…) Le sexe est la plus grande misère dans le ‘monde d’Allah’.
A tel point qu’il a donné naissance à ce porno-islamisme dont font discours les prêcheurs islamistes pour recruter leurs « fidèles » : descriptions d’un paradis plus proche du bordel que de la récompense pour gens pieux, fantasme des vierges pour les kamikazes, chasse aux corps dans les espaces publics, puritanisme des dictatures, voile et burka. (…) fermer les yeux sur le long travail d’accueil et d’aide, et ce que cela signifie comme travail sur soi et sur les autres, est aussi un angélisme qui va tuer (…). De l’autre côté, on ne comprend pas encore que l’asile n’est pas seulement avoir des « papiers » mais accepter le contrat social d’une modernité ». 
Dans un article au vitriol écrit par un collectif d’intellectuels et universitaires, notamment sociologues et historiens, intitulé « Nuit de Cologne : « Kamel Daoud recycle les clichés orientalistes les plus éculés », l’écrivain algérien a été accusé de véhiculer les clichés « islamophobes » et culturalistes des orientalistes du XIX ème siècle comme les racistes islamophobes Ernest Renan ou Gustave Le Bon, que Daoud n’a pourtant pas du tout évoqué. 
La polémique sera également vive en France et en Allemagne au sein du mouvement féministe qui sera littéralement coupé en deux camps opposés, les « culturalistes » comme Daoud qui dénoncent nommément le sexisme arabo-musulman et islamiste, et les égalitaristes qui estiment au contraire que la défense des femmes européennes violées risque d’être instrumentalisée par les « islamophobes » et les racistes. Ce deuxième camp est à la mode et est souvent plus jeune que le premier, ce qui a été très bien expliqué par la démographe Michèle Tribalat qui explique depuis des années que « le tiers-mondisme éclipse le féminisme car la condition féminine, bien que toujours fort porteuse, est devenue moins mobilisatrice et est considérée moins importante que l’exotisme et la défense des immigrés, quoi qu’ils fassent, puisqu’ils sont des victimes a priori ».
Depuis le choc des viols massifs de la « nuit de la Saint-Sylvestre » de 2015, la société et les médias allemands ont brutalement pris conscience de la gravité de la situation et du caractère civilisationnelle des nouvelles formes de violence sur les personnes du fait de groupes qui perçoivent les femmes européennes comme des mécréantes « licites » au nom d’une vision islamique et tribale misogyne des rapports hommes-femmes. C’est dans ce contexte qu’un document confidentiel du gouvernement allemand, publié dans Die Welt, a lancé la sonnette d’alarme : « Nous importons l'extrémisme islamique, l'antisémitisme arabe, les conflits nationaux et ethniques des autres nations, ainsi qu'une autre conception de la société et du droit. Les agences de sécurité allemandes ne parviennent pas à résoudre ces problèmes de sécurité importés ni la réaction corrélative de la population allemande ». Les conclusions du rapport, qui prend acte de l'échec du modèle multiculturel allemand, sont confirmées par une étude universitaire détaillée du Département de la religion et de la politique de l'Université de Munster, intitulé L'intégration et la religion du point de vue des Turcs vivant en Allemagne (intégration und Religion aus der Sicht von Türkeistämmigen in Deutschland) qui déplore que « près de la moitié des trois millions de Turcs vivant en Allemagne estime qu'il est plus important de respecter la loi de la charià islamique plutôt que la loi allemande, si elles se contredisent ».
Cette enquête, qui corrobore celle effectuée en France par l’Institut Montaigne, repose sur une étude menée auprès des Turcs vivant en Allemagne depuis des décennies, réfute les affirmations rassurantes formulées par les autorités allemandes depuis des années selon lesquelles les musulmans seraient majoritairement bien intégrés dans la société allemande. Selon le document de l'Université de Münster, au contraire, il ressort que 47% des personnes questionnées répond être d’accord avec l'affirmation : « le respect des commandements de ma religion est pour moi plus important que les lois de l'État où je vis », 32% d’autres personnes interrogées préconise que « les musulmans devraient s'efforcer de revenir à un système de vie similaire à celui du temps de Muhammad »; enfin, 36% pensent que « seul l'islam est en mesure de résoudre les problèmes de notre temps »; 20% d'entre eux affirment que « la menace que pose l'Occident envers l'islam justifie la violence », et enfin 7% pensent que « la violence est justifiée de répandre l'islam ». 
Conscient de cette réalité croissante, l'Office fédéral de la protection de la Constitution (BfV) allemande, nom donné à l'intelligence nationale, a tenu à avertir dans son dernier rapport annuel (2017), des dangers d'un « déclenchement d'une spirale dangereuse de réactions incontrôlables qui pourraient conduire à une guerre ouverte entre gangs opposés dans les rues d'Allemagne ». Parmi ces gangs musulmans allemands qui prospèrent sur l’idée d’un séparatisme islamique et d’une nécessité de défendre les musulmans face à l’islamophobie de la société non-musulmane, l'un des derniers nés en mai 2017, est le mouvement des « Allemands musulmans », un groupe de motards de style Hells Angels qui, comme l'écrit Die Welt, s’est fixé comme objectif de « protéger les frères menacés par l’islamophobie croissante ». Le groupe, fondé par Marcel Kunst, un Allemand converti à l'islam, alias Salam Mahmud, a des bureaux à Mönchengladbach, Münster et Stuttgart, et il aspire à se répandre progressivement dans toute l'Allemagne. Sur la page Facebook du groupe, il est précisé que « Les Allemands musulmans » « ont pour objectif de « favoriser la coexistence pacifique entre musulmans et non-musulmans en Allemagne ». Cependant, la police allemande souligne que beaucoup de ses responsables sont connus des services comme militants salafistes radicaux, à commencer par son fondateur lui-même, Kunst.
La montée inquiétante du phénomène salafiste en Allemagne a d’ailleurs été confirmée dans le rapport annuel de l'Office fédéral pour la protection de la Constitution, publié le 4 Juillet 2017, pour qui le « salafisme est le mouvement islamique qui connait la plus rapide croissance en Allemagne ». Selon le BfV, « la menace potentielle de la violence salafiste reste dangereusement élevée. Une deuxième bande de motards d'Allah, aussi bien connus et actifs en Allemagne et ailleurs, sont les Osmanen Allemagne » ou « Allemagne ottomane », un groupe composé principalement d'Allemands d'origine turque, dont le nom est une référence explicite à l'Empire ottoman (qui avait été stoppé en 1683 aux portes de Vienne) et induit une vision irrédentiste et néo-impériale du monde qui pose comme but la conquête islamique de l'Allemagne et de l'Europe. 
Officiellement, le Osmanen Allemagne se présente comme une association qui récupère les garçons dans la rue pour les mettre au sport dans des salles de boxe, mais selon la police allemande, le groupe serait une véritable association radicale nationaliste turque et islamique qui serait liée à l’extrême droite turque (Loups gris) et à des milieux mafieux de la drogue, de la prostitution, et du trafic d’armes. Le groupe allemand Osmanen a déjà des bases en Suisse, à Zurich et à Bâle. La naissance de ce type de gangs islamiques violents et armés au cœur de l'Europe constitue aujourd’hui la préoccupation croissante de l'intelligence européenne dans la perspective sombre de l’explosion de conflits inter-ethniques entre groupes « islamophobes » et islamistes, sachant que ce spectre de guerre civile larvée correspond justement aux objectifs recherchés par Da’ech qui a même incité dans l’un de ses organes de presse les musulmans européens à monter ce genre de gangs violents comme on peut l’observer sur les réseaux sociaux. L'Etat islamique a en effet récemment mis au point une campagne de propagande sophistiquée sur le web en vidéo et audio, dont le but et le recrutement plus massif de combattants dans des groupes organisés capables de lever leur propre financement par tous les moyens légaux et illégaux. Le e-book qui incite le plus à cette stratégie est intitulé, « Gangs musulmans » et son avis aux lecteurs commence ainsi : « Le but de ce livre est de donner les musulmans un point de départ sur la façon de faire leurs propres gangs et les faire grandir dans un mouvement djihadiste qui peut prendre et devenir une force de résistance à l'Ouest ". 

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