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Hollande et Sarkozy : 
les deux orchestres 
du paquebot Titanic-France
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Au programme ce soir

A deux semaines du premier tour de la présidentielle, Nicolas Sarkozy a présenté jeudi les 32 mesures clefs de son programme. Elles rappellent les 60 promesses de François Hollande sur deux points : leur financement loin d'être assuré et leurs recettes aléatoires voire fantasmagoriques. Les candidats se rattraperont sur les valeurs pour s'affronter.

Serge  Federbusch

Serge Federbusch

Serge Federbusch est président du Parti des Libertés, élu conseiller du 10 ème arrondissement de Paris en 2008 et fondateur de Delanopolis, premier site indépendant d'informations en ligne sur l'actualité politique parisienne.

Il est l'auteur du livre L'Enfumeur, (Ixelles Editions, 2013) et de Français, prêts pour votre prochaine révolution ?, (Ixelles Editions, 2014).

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Sans vouloir à tout prix filer la métaphore hollywoodienne et s’inspirer de « nanars » actuellement sur nos écrans, le choc des 32 mesures titanesques de Nicolas Sarkozy et des 60 promesses gigantesques de François Hollande risque de passer rapidement pour un film de série « B » aux yeux des spectateurs/électeurs français.

Car, pendant que ces deux champions s’affrontent en multipliant les annonces aux financements et modalités approximatives, la vraie super-production se tourne ailleurs. A Francfort, très exactement, où Mario Draghi ne sait pas comment sortir de l’«assouplissement quantitatif», autre nom de la politique de la planche à billets, qui lui a fait avancer plus de 1000 milliards d’euros aux banques européennes en l’espace de trois mois. Que ces mesures d’urgence ne parviennent pas à relancer l’activité économique et la bouffée d’oxygène se transformera en drogue dure, dont il sera impossible de sevrer le système financier de l’Euroland. Mais le doute envahira les marchés, les taux d’intérêt remonteront et la croissance fléchira derechef, ce qui semble déjà être le cas en Espagne et au Portugal.

Dès lors, les promesses hollandaises et sarkoziennes, qui ont en commun d’être toutes les deux fondées sur une projection de retour à une croissance supérieure à 2 % en moyenne d’ici 2017, s’évanouiront vite. Hollande recrutera peut-être deux ou trois mille fonctionnaires dans l’éducation, histoire de ne pas désespérer la rue de Grenelle, mais son Premier ministre aura vite la tâche douloureuse d’annoncer que la situation économique ne permet pas d’aller plus loin. Et son homologue putatif de la présidence Sarkozy 2 devra en faire de même avec les vagues promesses d’« allègement des charges salariales » ou d’« exonération de charges patronales pour l'embauche de salariés de plus de 55 ans ».

Car, du côté des dépenses, même si les annonces sarkozyennes paraissent moins dispendieuses que celles de son concurrent, elles pourraient coûter tout aussi cher. Ainsi, la « division par deux dans les cinq ans des droits de mutation sur les résidences principales », devra prévoir, pour passer sous les Fourches caudines du conseil constitutionnel, gardien de la libre administration des collectivités locales, une compensation financière au bénéfice des départements, pour qui ces recettes sont devenues essentielles. Ce seront au moins deux milliards d’euros qu’il faudra trouver en 5 ans, sauf à faire le pari « vaudou » que la construction repartira si fortement que la matière imposable croîtra hardiment. C’est douteux, surtout dans un contexte de hausse des taux d’intérêt et de réduction du crédit immobilier des banques.

Autres exemples, la réforme de la dépendance, les 200 000 places de garde d'enfants supplémentaires, l’accueil des étudiants handicapés amélioré dans les lycées et universités et le second plan de rénovation urbaine de 18 milliards d'euros (!), sont des gouffres financiers potentiels.

Du côté des recettes, les projets de MM. Sarkozy et Hollande ont en commun de n’avoir, en réalité, qu’un rendement fiscal réduit et, surtout, d’être terriblement imprécis. Les niches fiscales que les socialistes veulent refermer ne sont pas identifiées. Les hauts taux tuent les totaux : François Hollande l’a admis pour l’impôt sur le revenu à 75 % et il le redécouvrirait bien vite s’il rétablissait l’ancien barème de l’ISF. De toute façon, dans un contexte de langueur économique persistante, les rentrées fiscales qu’il fait mine d’espérer seraient faibles.

Les mêmes causes produiraient les mêmes effets avec la brumeuse « imposition sur les exilés fiscaux » et la « taxe sur les grands groupes assise sur le chiffre d'affaires mondial » sarkoziennes, d’une mise en œuvre acrobatique.

Faute de pouvoir trop titiller le nerf de la guerre, nos deux pugilistes trouvent donc à s’opposer sur leurs « valeurs ». D’un côté, les immigrés verraient leur entrée en France réduite en nombre, de l’autre les étrangers non communautaires déjà installés sur notre sol pourraient voter aux élections locales ; d’un côté les homosexuels s’uniraient à la mairie, de l’autre les RSAistes et chômeurs se verraient demander de travailler quelques heures par semaine ou d’accepter plus rapidement un emploi après une formation. Fort bien. A ceci près que les moyens de surveillance et de contrainte dont dispose l’Etat sont bien faibles, dans un monde de porosité économique et d’individualisme.

Cette exagération délibérée de la capacité d’influer sur le cours des choses se retrouvent dans les deux programmes, dès lors qu’il est question d’Europe. Hollande veut taper du poing sur la table pour obtenir des Eurobonds, Sarkozy pour mieux surveiller les frontières de Schengen. Mais tout dépend du bon vouloir de nos partenaires. Le Tribunal constitutionnel allemand a interdit les Eurobonds et les « contrôles ciblés aux frontières de la France » pour lutter contre l’immigration clandestine seraient tout sauf simples à mettre en œuvre. Des cibles, il y en aurait tant !

Bref, nos duellistes Hollande et Sarkozy font surtout figure de duettistes d’une partition où l’air de la vérité est peu joué. Il n’est guère étonnant que la frustration s’installe dans une campagne électorale que les Français ont hâte de voir s’achever. Le paquebot Titanic-France se dirige vers une grosse masse de glace. Mais ce n’est pas grave : deux orchestres sont là pour distraire les passagers !

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