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Bien au-delà de la page blanche ou de la critique assassine, le pire cauchemar de l’écrivain : la faute d’impression !
©Pixabay

Bonnes feuilles

Ce petit livre vous offre l’occasion rêvée de plonger malicieusement dans l’histoire de la langue et de la littérature françaises tout en révisant votre grammaire : il vous dit tout sur les plus jolies bévues, perles et fautes de français commises par la fine fleur de nos écrivains ! Extrait du livre "Les plus jolies fautes de français de nos grands écrivains" d'Anne Boquel et d'Etienne Kern aux éditions Payot (2/2).

Anne Boquel et Etienne Kem

Anne Boquel et Etienne Kem

Anciens élèves de l'Ecole normale supérieure, Anne Boquel et Etienne Kern sont agrégés de lettres et enseignent la littérature en classes préparatoires à Lyon.

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Quel est le pire cauchemar de l’écrivain ? La page blanche ? La critique assassine dans un grand quotidien ? Non, la faute d’impression ! Quoi de plus désolant, après tant d’efforts, que de voir son œuvre dénaturée par des typographes, ou plutôt, pour reprendre le jargon de l’édition, par des « protes » ? Dans son Journal, André Gide rapporte l’anecdote suivante à propos de J.-H. Rosny, coauteur, avec son frère, de La Guerre du feu (1909) : « On raconte que Rosny, exaspéré par les erreurs typographiques que les protes faisaient ou laissaient passer, écrivit un article vengeur intitulé “Mes coquilles”. Quand Rosny le lendemain ouvrit le journal, il lut avec stupeur, en gros caractères, cet étrange titre : “MES COUILLES”. Un prote, négligent ou malicieux, avait laissé tomber le q… J’écris ceci pour me consoler. »

Les fautes les plus fréquentes tiennent à l’ajout intempestif d’un mot ou d’un caractère. « Ses mains étaient de celles qui sont sales après les avoir été lavées. » (Balzac, Une fille d’Ève, édition Furne, 1842)

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« Madame Jules était là, naïvement posée, comme la femme la moins artificieuse du monde, douce, pleine d’une sérénité majestueuseuse. » (Balzac, Ferragus, édition Furne, 1843)

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« – Monsieur est du journal, dit Finot en remerciant Étienne et lui jetant le fin regard de l’exploitateur. » (Balzac, Illusions perdues, édition Furne, 1843)

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« Mais chaque spectateur cherchait en soi l’enfant miracuculeux. » (Apollinaire, « Un fantôme de nuées », Calligrammes, Mercure de France, 1918

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Mais il peut aussi s’agir de ce qu’on appelle en jargon d’imprimerie un « bourdon », c’està-dire l’oubli d’un ou de plusieurs éléments (lettre, mot, paragraphe…), dont l’effet se révèle parfois comique : « Julie se leva, se jeta dans les bas d’Arthur. » (Balzac, La Femme de trente ans, édition Furne, 1842)

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Il arrive que la faute prenne des dimensions plus importantes, comme lorsqu’il y a substitution d’un mot à un autre : « Elle n’est point folle, répondit silencieusement le commissaire de police » (La Cousine Bette, édition Michel Lévy, 1871). En fait, Balzac avait écrit : « Elle n’est point folle, répondit sentencieusement le commissaire de police. »

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« Après tout, on s’est vu trois épouser des bergères ! » (Un ménage de garçon, édition Furne, 1843). Inutile d’essayer de comprendre ; sur le manuscrit de Balzac, on lit : « On a vu des rois épouser des bergères. »

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« Je sortis et j’entrai dans une brasserie où j’absorbai deux tasses de café et quatre ou cinq petits vers pour me donner du courage. » (Maupassant, « La Patronne », dans la revue La Lanterneen 1889)

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Dans La Petite Roque, le même Maupassant imagine qu’un prêtre entreprend de consoler la mère d’une fillette qui vient d’être assassinée. Il écrit : « La douleur de la mère s’atténuait sous la parole sucrée de l’ecclésiastique. » Dans certaines éditions de la nouvelle, on trouve ce cas étonnant de fausse coquille qui relève en fait de la censure : « La douleur de la mère s’atténuait sous la parole sacrée de l’ecclésiastique. »

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Dans son Essai sur la typographie (1855), l’imprimeur Ambroise Firmin-Didot raconte qu’un jour, en visitant les presses, il est arrivé juste à temps pour éviter l’irréparable dans une réédition d’Iphigénie de Racine. Là où Achille déclare : « Vous allez à l’autel, et moi j’y cours, madame », le prote avait composé le texte comme suit : « Vous allez à l’hôtel, et moi j’y cours, madame. »

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Voici un témoignage du journaliste Charles Yriarte sur Baudelaire : « Une faute d’impression, une coquille le mettaient au désespoir […]. Une des douleurs de sa vie était de voir ceux qui lui écrivaient et qui connaissaient peu l’œuvre et l’homme, écrire son nom avec un e : “Beaudelaire”. »

Extrait du livre "Les plus jolies fautes de français de nos grands écrivains" d'Anne Boquel et d'Etienne Kern aux éditions Payot

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