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Pour faire face à la montée des coûts, la Chine réorganise son économie
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L'atelier se réforme

Le sommet de l'Association des Nations de l'Asie du Sud-Est (ASEAN) s'est achevé mercredi, après deux jours de travaux sur la destinée des pays membres. Le voisin chinois, qui ne fait pas partie de l'organisation, s'interroge lui aussi sur son futur, alors que son industrie fait face à de nombreux bouleversements.

Jean-François Di Meglio

Jean-François Di Meglio

Jean-François Di Meglio est président de l'institut de recherche Asia Centre.

Ancien élève de l'École normale supérieure et de l'Université de Pékin, il enseigne par ailleurs à l'IEP Lyon, à l'Ecole Centrale Paris, à HEC ParisTech, à l'École des Mines Paris Tech et à Lille I.

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Des économistes comme Françoise Lemoine l’avaient annoncé depuis des années, les grèves de 2010 chez Foxconn en particulier (dans la province de Canton) avaient rendu ce phénomène encore plus visible et la question encore plus sensible aux yeux de l’Occident : la Chine, atelier du monde, change. Cela avait suscité un optimisme plus ou moins justifié parmi des industriels toujours menacés par le volume et l’agressivité conquérante des produits chinois de basse ou de moyenne gamme face à une Europe (en particulier) en voie de désindustrialisation.

Quelques années plus tard, la Chine reste la première puissance industrielle mondiale (quoique la deuxième économie, loin derrière les Etats-unis). L’industrie représente 47 % de son PIB (le double en moyenne de sa part dans la plupart des économies développées) et l’avènement de marques-leaders mondiales -dont l’essentiel de la production est encore chinoise- est l’un des faits marquants des dernières années. Cependant, plusieurs phénomènes, certains contradictoires, vont changer, à une vitesse encore incertaine, cette donne « séculaire », faisant historiquement de la Chine l’atelier du monde.

Le premier est lié à la pyramide démographique. Celle de la Chine ressemble plus à une « tour » qu’à un triangle « à l’endroit ». Dès 2027, la population chinoise va commencer à diminuer, mais surtout, ce phénomène indique que l’arrivée constante de centaines de millions de nouveaux travailleurs, souvent peu qualifiés, sur les marchés du travail de l’Ouest de la Chine mais aussi dans l’ensemble du pays, va très bientôt s’arrêter. L’un des freins à la « montée en gamme », c’est-à-dire la nécessité d’employer ces nouveaux arrivants pour éviter les troubles sociaux va disparaître.

Par ailleurs, et c’est un deuxième facteur, l’hypertrophie des investissements (et en particulier celui que la Chine, pour les mêmes raisons entre autres de maintien d’une croissance indispensable), qui représentaient près de 10% du PIB, doit ralentir à près de 6% d’ici à 2030. La « montée en gamme » et le rattrapage technologique devient donc non seulement souhaitable, mais encore indispensable.

Pour finir, et même si elle stagne, l’appréciation du yuan rend possible et nécessaire la « délocalisation à la chinoise ». Cette délocalisation est déjà encouragée, de nouveau, par le XIIe Plan, en particulier par les aides étatiques à l’investissement dans les provinces de l’Ouest, notamment un accès facilité au crédit. Elle est aussi le fait d’entrepreneurs privés, qui fondent leurs décisions (comme on l’a vu à la suite des augmentations salariales de 20 à 30% parfois des salaires après « l’affaire Foxconn » dans la province du Canton) sur la simple facilité à « déménager » des usines, à stopper sans risque de poursuites une activité devenue déficitaire ou menacées. Parfois ces entrepreneurs privés sont asiatiques, mais pas forcément originaires de Chine populaire, où ils étaient simplement venus réaliser des investissements industriels très rentables du fait du bas coût de la main d’œuvre.

C’est toute une réorientation de la production industrielle chinoise qui se dessine : le resserrement des excédents commerciaux. Le commerce a été violemment déficitaire en février 2012 et la zone sud-est asiatique est structurellement excédentaire avec la Chine : c’est là que sont les stocks les plus importants d’investissements directs et industriels chinois. Cette réorientation est planifiée, et elle est conforme au rééquilibrage de l’économie chinoise qui doit s’orienter vers une consommation intérieure plus importante -et pour cela doit profiter des avantages compétitifs de produits chinois produits à bas coût, pendant que le niveau de vie et la capacité de consommation augmente, sans pour autant faire de la Chine un pays de consommateurs sans limites- ainsi qu’à une réalité et à un axe-clé de la politique intérieure.

La réalité, c’est le rattrapage technologique de plus en plus rapide (il faut à la Chine de moins en moins de temps pour atteindre les niveaux de technologie étrangère de pointe, grâce en particulier à ses dépôts de brevets) qui pouvait menacer l’emploi mais est devenu indolore ; l’axe-clé, c’est une certaine « relaxation » de règles autrefois rigides qui ont constitué la colonne vertébrale du développement chinois, en particulier la quasi-assignation à résidence résultant de l’obligation de détenir un « passeport intérieur » (« hukou »), en voie d’assouplissement et qui, du coup, rend moins automatique la décote des salaires reçus par les « immigrants de l’intérieur », véritable infanterie d’une industrie chinoise en voie de mutation.

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