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Les bandes : un phénomène plus territorial qu’ethnique
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Insécurité

Grand thème de la campagne présidentielle, l’insécurité est l'objet de tous les fantasmes. Si certains sont bien placés pour en appréhender les multiples visages, la complexité des causes de l'insécurité explique la difficulté d'apporter des réponses adéquates. Eric Delbecque parcourt le thème dans "L'insécurité, un scandale français" (Extrait 2/2).

Eric  Delbecque

Eric Delbecque

Eric Delbecque est expert en sécurité intérieure, auteur des Ingouvernables (Grasset). Eric Delbecque est expert en sécurité intérieure et en intelligence économique et stratégique, Directeur du pôle intelligence économique de COMFLUENCE et Directeur Général Adjoint de l’IFET (Institut pour la Formation des Élus Territoriaux, créé à l'initiative de l’Assemblée des Départements de France, et agréé par le ministère de l’Intérieur pour dispenser de la formation aux élus). Il fut directeur du département intelligence stratégique de la société SIFARIS, responsable de la sûreté de Charlie Hebdo et chef du département intelligence & sécurité économiques de l’Institut National des Hautes Études de la Sécurité et de la Justice (INHESJ), établissement public administratif placé sous la tutelle du Premier ministre), directeur de l’Institut d’Études et de Recherche pour la Sécurité des Entreprises (IERSE, institut de la Gendarmerie nationale), expert au sein de l’ADIT (société nationale d’intelligence stratégique) et responsable des opérations d’intelligence économique et de communication de crise au sein d’une filiale de La Compagnie Financière Rothschild.

Par ailleurs, il fut conférencier à l’IHEDN (Institut des Hautes Études de Défense Nationale), au CHEMI (Centre des Hautes Études du Ministère de l’Intérieur), et à l’École de Guerre Économique. Il a enseigné à Sciences Po (IEP de Paris), à l’ENA (École Nationale d’Administration), à l’IHEDN (Institut National des Hautes Études de la Défense Nationale), à l’ENM (École Nationale de la Magistrature), à l’EOGN (École des Officiers de la Gendarmerie Nationale), à Paris-Dauphine et au Pôle Universitaire Léonard de Vinci. Il est colonel de réserve (RC) de la Gendarmerie Nationale.

Il est l’auteur de nombreux livres portant sur les sujets suivants : l’intelligence économique, la sûreté des entreprises, les stratégies d’influence, l’histoire des idéologies, la sécurité nationale et le management de crise. Il a récemment publié Les Ingouvernables (Grasset) et, avec Christian Chocquet, Quelle stratégie contre le djihadisme ? Repenser la lutte contre la violence radicale (VA éditions). 

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Les bandes ne sont pas ethniques : elles sont territoriales. Ceux qui les composent sont des gamins qui ont grandi ensemble. Là, d’ailleurs, il existe une hiérarchie : celui qui se fait piquer, on estime qu’il n’est pas bon. Dans la criminalité aussi, une échelle de la performance s’est élaborée ! Tous les flics de terrain savent ça : c’est pour cette raison que ça me fait marrer quand on traite des flics de « racistes » ! Le boulot nous montre tous les jours que la communauté de destin « criminel » s’enracine dans le contrôle d’un territoire et le temps passé ensemble, pas dans les origines nationales ou ethniques. « Black, blanc, beur », ça caractérise aussi la délinquance : les équipes de voyous ne sont pas des fraternités « raciales », ou je ne sais quelle autre connerie du même genre ! La réalité est à la fois plus simple et complexe que ça ! On vit ensemble, on traîne dans la cité ensemble, puis on finit par faire les conneries ensemble, quelle que soit la couleur du voisin de palier…

Après, on peut sans doute reconnaître qu’il y a des comportements assez récurrents en fonction des origines des uns ou des autres. Souvent les beurs révèlent un côté « grande gueule » plus prononcé, tandis que les blacks jouent plus volontiers la puissance physique (du coup, ils « ouvrent moins leur bouche » mais se montrent souvent plus violents quand ils viennent au contact) ; quant aux « petits blancs », en général, ce sont les plus crétins des délinquants qui nous arrivent dans les mains… Pourquoi ? Parce que si ces mecs-là le voulaient vraiment, ils auraient davantage le choix. Ces gars, eux, n’ont pas d’excuse : ils n’ont pas les mêmes difficultés d’insertion dans la société. Ils ne doivent pas réussir leur intégration : personne ne les refoule d’un boulot parce que leur patronyme ou leur couleur de peau inquiète ! On les utilise d’ailleurs souvent pour faire les mules en République dominicaine ou ailleurs parce qu’ils passent plus facilement les contrôles…

Je crois vraiment que s’ils font ça, au-delà des difficultés scolaires ou du chômage, c’est surtout parce qu’ils veulent tout, tout de suite… Les fringues de marque, les dernières Nike ou Reebok, le « McDo » avec les copains ou la petite amie. D’abord ils boivent pour se donner du courage, ils montent ensuite en pression et s’embarquent dans la spirale de la violence et la délinquance, de plus en plus haut… Un collègue m’a raconté l’histoire d’un gars qui allait justement dans son Fast Food habituel : il paye, il branche la serveuse qui l’envoie sur les roses ; peu de temps après, il revient encagoulé et exige qu’on lui rembourse son repas pour faire ensuite le coq avec ses potes !

Dès l’âge de 12 ans, je suis convaincu que la plupart de ces gamins sont déjà perdus. On pourrait peut-être en récupérer quelques-uns en les sortant de leur quartier, mais comment s’y prendre pour gérer le problème à grande échelle ? Les mômes deviennent rapidement de petits roquets se sentant forts en bande. Les enfants à problèmes se déscolarisent assez vite. Bien sûr, les parents concernés baissent souvent les bras : j’en ai vus toutefois qui bénéficiaient d’un cadre parental solide et qui, pourtant, « allaient au vice ». Leur bible, c’est un film : Scarface… Tony Montana, le cubain flamboyant, est leur idole. Rien d’autre finalement que la mode du « bandit » véhiculée par la télé et les médias en général ! Après tout, à quoi peut-on s’attendre lorsque l’on bricole un Mesrine en héros romantique ?

Certains ados turbulents poursuivent leurs études un peu plus loin que les autres, mais la bande reste la bande… Quand ils rentrent le soir à la maison, ils remettent l’uniforme de la cité et ils suivent le mouvement. Exemple : en 2010, lors des manifestations étudiantes, des gamins décident de monter une barricade dans un lycée parce que ça avait « caillassé » la veille. Sur les quatre interpellés, il y avait deux vrais voyous et deux bons élèves. Quand on leur a demandé ce qu’ils faisaient là, ils ont répondu que « c’était comme ça dans la cité »

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Extraits de L'insécurité, un scandale français,Editions de l’œuvre (22 mars 2012)

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