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"Sous la glace" : C'est noir, c'est beau. Un cauchemar éveillé
©wikipédia

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Rodolphe  de Saint Hilaire pour Culture-Tops

Rodolphe de Saint Hilaire pour Culture-Tops

Rodolphe de Saint Hilaire est chroniqueur pour Culture-Tops.

Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).

Voir la bio »
THEATRE 
SOUS LA GLACE
Pièce en un acte de Falk Richter
Mise en scène : Vincent Dussart
Avec Xavier Czapla, Patrice Gallet, Stéphane Szestak
INFORMATIONS
Théâtre de l'Opprimé 
 78 rue du Charolais - 75012 Paris
A 20h30 du mardi au samedi et à 17h le dimanche
Jusqu' au 22 décembre
Réservations : 01 43 40 44 44
RECOMMANDATION : BON
THEME
Critique virulente et imagée de la société presse citron actuelle et d'un monde du travail soumis à la culture de la performance et du résultat à tous prix.
"Sous la glace" c'est l'histoire de Monsieur Personne, au nom bien trouvé car il est perpétuellement à la recherche de lui même, collaborateur un temps brillant, battant, adulé d'une société d'audit et qui va se retrouver brutalement et méchamment rejeté. Celui qui était payé pour évaluer les autres va se retrouver évalué lui même, c'est à dire dévalué, broyé, parce que devenu vieux. 
Dés le début de la pièce on retrouve Monsieur Personne "réfrigéré", en slip, au figuré bien sûr mais surtout au propre, sous la glace. Cette mise au placard, ou au frigidaire, si l'on préfère, nous emmène aux frontières de la folie, au delà du toujours plus, plus de travail, plus de belles voitures, plus de sexe, plus de plans de com, plus de dynamique de groupe... 
Mais la torture mentale infligée sur scène par ses deux collègues déchainés, consultants cruels et sans pitié, va plus loin : Monsieur Personne doit tirer lui même les conséquences de sa perte de compétitivité. Il doit s'en aller !
POINTS FORTS
Ils tiennent moins à l'originalité du propos qu'à l'exubérance du traité, la présence exceptionnelle des acteurs dans une démonstration frontale face à un public qui  lui même ne peut fuir, ne peut s'échapper de cette course infernale à la productivité, ne peut rompre avec cette logique de la réussite imposée par la société de consommation
 Donc en résumé, on aime:
1/ Le ressort philosophique. L'homme est enchainé, l'homme est programmé depuis sa petite enfance. L'homme est seul aussi  :"Quand je ne suis pas là personne ne le remarque",  phrase terrible de la "victime" sevrée d'amour familial, rejoignant  certaines réflexions existentielles et qui souligne le désarroi de ceux, nombreux, qui ne peuvent survivre hors le regard de l'autre
2/ La scénographie, minimaliste mais tout en symbole, qui entremêle effets de lumière et univers musical, conférant à l'ensemble une atmosphère poétique contrastant avec la violence du propos et " l'activisme" des protagonistes.
3/ Le jeu des "consultants " plus "comédiens" que nature, qui gymnaste, qui musicien, qui nageur frigorifié. Une mention particulière pour Patrice Gallet, le consultant à la guitare électrique, faussement bienveillant. Remarquable aussi : l'ourson géant qui clignote à la fin, mi bébé géant mi robot demi dieu devant lequel, nouveau veau d'or,  tout le monde va finir par se prosterner
On saluera aussi cette symbolique de la glace sous laquelle Monsieur Personne étouffe, seul,  sans espoir. C'est tout petit que Monsieur Personne est tombé dedans. Dès l'enfance, privé d'amour, le calvaire de l'homme nu a commencé avec, comme seul compagnon d'infortune, un chat, un chat sorti de son imaginaire et qui lui ressemble, furieusement.
POINTS FAIBLES
. Spectacle, fort et crédible pour une génération post Trente Glorieuses qui va, hélas, retrouver ses repères mi échaudés mi nostalgiques...
...mais trop décalé et daté pour la génération des start uppers  (X, Y, Z...), entrepreneurs et  nouveaux écologistes peu concernés par l'univers professionnel  et concurrentiel très CAC 40 évoqué en toile de fond, et chez lesquels risque de germer une pointe (on a entendu rire dans la salle...) de dérision
EN DEUX MOTS
Un cauchemar éveillé en live... sans doute derrière nous, fort heureusement. C'était moins bien avant ! Une pièce noire qui peut faire sourire tant les consultants se démènent comme des chiens fous aboyant des slogans effrayants de cynisme. Une pièce non dénuée de beauté
UN EXTRAIT
"Je regarde chaque matin ce chat, je me rappelle sa chute, son regard, au moment où il était attrapé par la queue et lancé par la fenêtre, cherchant en vain à trouver un point d'appui, où il glissait partout et hurlait, hurlait aussi fort qu'il pouvait, en sachant que rien ni personne ne pouvait le sauver, et qu'il est mort de froid dans sa chute."  Scène 8
L'AUTEUR
Falk Richter, auteur allemand de 48 ans, a fait de la critique virulente de la société de consommation, qui avilit l'homme et le tient en esclavage, son cheval de bataille. Il est à la fois  auteur, acteur et  metteur en scène.  En 2003 il lance un projet intitulé "Das System",  ensemble de pièces dont fait partie "Sous la glace" qui brosse un paysage du monde contemporain, de ses paradoxes et de ses valeurs perdues. Il est également  l'auteur d'"Ivresse(s)",  pièce présentée à la Cartoucherie de Vincennes et que Culture Tops a récemment apprécié (cf chronique).

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