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Étienne Chrisostome Maignet, méconnu et pourtant... l'histoire édifiante du cinquième cavalier de l'Apocalypse de la République
©wikipédia

Bonnes feuilles

La Révolution française a mis fin à la Royauté pour établir la République, non sans difficultés. Comment détruire les ennemis de la République et anéantir les opposants ? De grands noms y contribuèrent comme Robespierre, Barère, Couthon qui furent les théoriciens. Les exécutants, moins connus furent envoyés en province pour « faire le ménage ». Les tyrannosaures peuvent être de petits ou de grands tyrans. Extrait du livre "Les Tyrannosaures de la République" de Jean-Joël Brégeon et Gérard Guicheteau, aux éditions du Rocher.

Jean-Joël  Brégeon

Jean-Joël Brégeon

Jean-Joël Brégeon est historien et écrivain.

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Gérard Guicheteau

Gérard Guicheteau

Gérard Guicheteau est historien, journaliste et écrivain.

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De même que les trois mousquetaires étaient quatre, les quatre cavaliers de la Terreur étaient cinq. Il faut donc terminer avec un personnage peu connu, mais tout à fait édifiant, Étienne Chrisostome Maignet. Cet Auvergnat, natif d’Ambert, avait fait ses études chez les Oratoriens. Monté à Paris pour devenir avocat, il avait acquis une solide réputation locale d’ardent patriote. Rédacteur des cahiers de doléances d’Ambert, membre de l’administration départementale, député de l’Assemblée législative, élu à la Convention nationale, il accomplit un parcours qui le range parmi les Montagnards «maximalistes», ami de Couthon, proche de Robespierre.

En décembre 1793, Maignet est chargé d’une mission dans les Bouches-du-Rhône et le Vaucluse consistant à épurer et à radicaliser les administrations locales. Belle occasion pour un homme qui se pique de théoriser le jacobinisme – un opuscule à son actif, Instruction sur le gouvernement révolutionnaire – de mettre tout cela en pratique. Maignet veut dépister «l’homme sans morale publique», pas seulement l’aristocrate, le «fanatique», mais aussi les républicains de façade, fédéralistes dissimulés, corrompus… Maignet croit aux vertus de la dénonciation, il entend mener une «politique de la suspicion» qui, seule, permet de rafler tous ceux qui bougent ou restent tapis pour nuire à la République jacobine.

Succédant à Barras et Fréron, il s’attache à répertorier les suspects marseillais. Mais ses talents d’inquisiteur, il va les exercer dans le Vaucluse. Ce département procède du Comtat Venaissin, terre pontificale, annexée en 1791. Le Vaucluse a déjà terriblement souffert des désordres révolutionnaires, avec l’affaire sanglante de la Glacière (massacre de « papistes», en octobre 1791), la mise en coupe réglée du pays par le brigand sans-culotte Jourdan dit «coupe-têtes». Maignet veut assainir la situation, en épurant le camp républicain et en même temps extirper tout ce qui reste de fanatisme et d’aristocratisme. Il obtient de Paris la création d’une commission sise à Orange pour juger les suspects. Il invoque le trop-plein des prisons, le coût d’un transfert sur Paris et l’exemplarité d’une action judiciaire sur le terrain. En 47 jours d’exercice, la commission d’Orange prononce 332 sentences de mort et 116 condamnations à la prison.

À la même époque, Maignet se saisit de l’affaire de Bédoin, un gros bourg au pied du mont Ventoux. L’arbre de la Liberté y a été arraché. Pour venger ce crime, le tribunal criminel se déplace à Bédouin et fait comparaître les suspects. Soixante deux sont guillotinés, dix déclarés hors-la-loi. Maignet, par décret, ordonne une exécution militaire de Bédoin qui sera incendiée, sa population déportée. Le lieu-dit portera le nom d’«infâme», d’« anéanti». Sur les modalités exactes de cette exécution (confiée au futur maréchal Suchet qui ne s’en vantera pas), les controverses existent encore. En tout cas, il y a quelques similitudes avec ce qui s’est passé tant de fois en Vendée.

Après Thermidor, les membres de la commission d’Orange seront jugés et cinq d’entre eux envoyés à l’échafaud. Le sixième, exposé au pilori, sera poignardé et son corps, tronçonné, jeté dans le Rhône. Quant à Maignet, il survécut laborieusement, mais à force de se faire petit, il put peut mourir dans son lit, à 76 ans. La ville d’Ambert l’honore aujourd’hui d’une impasse.

Extrait du livre "Les Tyrannosaures de la République" de Jean-Joël Brégeon et Gérard Guicheteau, aux éditions du Rocher

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