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Macron est-il en train d’inventer l’écologie libérale ?
©Reuters

Réchauffement climatique

Lors du One Planet Summit, Emmanuel Macron s'est curieusement fait l'apôtre d'une écologie libérale. Après avoir considéré que les politiques publiques en matière d'environnement étaient en voie d'échec, il a plaidé pour des initiatives privées en la matière...

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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À y regarder de près, le propos d'Emmanuel Macron tenu lors du One Planet Summit surprend. Voilà un chef d'État qui convoque un sommet international pour expliquer que les États ne suffisent pas ou ne parviennent pas à lutter contre le réchauffement climatique. Ce constatant, le chef de l'État en appelle aux entreprises et aux particuliers pour compléter ou pour suppléer l'insuffisance des États.

Quelle que soit la perception que l'on peut avoir du réchauffement climatique à titre individuel, on retiendra d'abord du discours présidentiel ce constat terrible: l'État est moins efficace que l'initiative individuelle pour produire des "externalités positives". Il s'agit là d'une inflexion majeure dans la conception de l'écologie. 

L'échec de l'économie administrée dans la mutation des modes de production

Si l'on admet l'hypothèse que le réchauffement climatique est une conséquence d'un mode de production fondé sur les énergies fossiles, alors tout l'enjeu de la lutte contre le réchauffement climatique tient à notre capacité de modifier radicalement ce mode de production. La question écologique aujourd'hui tient donc principalement à une problématique simple: quel est le moyen le plus efficace pour assurer une mutation rapide de notre mode de production?

De fait, la logique suivie depuis plusieurs décennies en la matière consiste à parier sur les politiques publiques pour modifier ce mode. On réunit des États, on signe des traités et on met en place des politiques publiques pour modifier la réalité.

Depuis le sommet sur la terre de Rio, en 1992, quelle est l'efficacité de ce processus? En l'état, les résultats sont maigres, et condamnent, selon Emmanuel Macron, la méthode étatique, administrée, suivie depuis le début.

Le marché plus efficace que les États?

D'où l'idée d'actionner le levier de l'initiative privée pour réussir là où les États ont échoué. Certes, Emmanuel Macron n'a pas ouvertement opposé l'un et l'autre, en disqualifiant de façon définitive l'action publique. 

En revanche, notre Président a eu cette phrase révélatrice, corroborée par ses propos dans Le Monde« Nous sommes très loin de l'objectif de l'accord de Paris de contenir la hausse des températures sous le seuil de 2 degrés, et si possible 1,5 degré. Sans une mobilisation beaucoup plus forte, un choc dans nos propres modes de production et de développement, nous n'y parviendrons pas ».

Le temps des politiques publiques est passé, il faut désormais travailler sur la mutation accélérée des marchés. 

On voit bien le glissement qui s'opère peu à peu dans l'approche des problématiques globales. Le procès de l'inefficacité publique devient incontournable. Après des années de disgrâce, l'initiative privée apparaît comme le seul relais possible pour remodeler la réalité.

Le marché produit-il plus d'externalités positives que les États?

Les adeptes de théorie économique adoreront donc le sujet. Vaut-il mieux compter sur les États ou sur les individus librement organisés dans des marchés pour produire des externalités positives?

En réalité, les politiques publiques ont hésité jusqu'ici sur la voie à suivre, et c'est probablement leur principale limite. 

D'une part, les États ont adoré mener des politiques ambitieuses "directes": subventions à tour de bras en faveur des énergies renouvelables, des réhabilitations de logement, de l'abandon des énergies fossiles. Mais on s'est vite aperçu que cette stratégie a nourri des rentes inefficaces et découragé l'innovation. Les fraudes se sont par ailleurs multiplié. 

Parallèlement, le marché des droits à polluer créé à Kyoto visait à combiner les politiques publiques avec des logiques concurrentielles. Les règles de ce marché ont toutefois été biaisées par les normes en vigueur, trop favorables à la pollution. Elles ont découragé le marché...

De ce point de vue, l'action étatique paraît donc contre-productive et incapable de produire le choc de production nécessaire pour infléchir le cours du réchauffement climatique. On peut en conclure que seul le marché est capable de corriger les dysfonctionnements du marché. 

L'initiative individuelle sauvera-t-elle la planète du risque climatique?

Reste donc à savoir comment le désordre écologique mondiale pourra trouver dans ses causes (une production fossile proliférante) ses propres solutions (le passage à une autre trame de production). À ce stade, Emmanuel Macron a battu le rappel de tout ce qu'il pouvait trouver pour donner une impulsion à ce mouvement contraire. Il a par exemple obtenu un engagement d'Axa à investir plus pour le climat. 

On voit le type de logique qui est à l'oeuvre: les assureurs sont durement éprouvés par les catastrophes ou accidents climatiques. Ils ont donc tout intérêt à investir dans la prévention de ces risques pour préserver leurs marges de rentabilité. 

C'est dans ce genre de logiques économiques que le marché peut produire plus d'externalités positives que l'action publique. Le climat est devenu un risque, et il reste à voir si les logiques assurantielles peuvent protéger les populations plus efficacement que les États contre la réalisation de ce risque. 

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