L’étrange optimisme de Jean-Luc Mélenchon quand il s’imagine que « le FN ou les nationalistes corses rament pour lui <!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Politique
L’étrange optimisme de Jean-Luc Mélenchon quand il s’imagine que « le FN ou les nationalistes corses rament pour lui
©AFP

Tel est pris qui croyait prendre

Dans une interview aux Echos, Jean-Luc Mélenchon a déclaré que ses objectifs "n'ont rien à voir avec ceux du FN ou des nationalistes" mais que "tous ces gens rament pour moi d'un certaine manière" et espère par là assumer le rôle de chef de fil du combat contre la "mondialisation sauvage".

Olivier Gracia

Olivier Gracia

Essayiste, diplômé de Sciences Po, il a débuté sa carrière au cœur du pouvoir législatif et administratif avant de se tourner vers l'univers des start-up. Il a coécrit avec Dimitri Casali L’histoire se répète toujours deux fois (Larousse, 2017).

Voir la bio »

Atlantico :  Dans une interview donnée aux Echos, Jean Luc Mélenchon a déclaré "La ligne politique et mes objectifs n'ont rien à voir avec ceux du FN ou des nationalistes. Mais tous ces gens rament pour moi d'une certaine manière, en contribuant à la construction d'un champ culturel où nos mots d'ordre - l'Europe ne protège pas les Français mais les menace - sont en train de devenir dominants. ". En constatant que les nationalistes ont remporté les élections en Corse, que le FN est parvenu à se hisser au second tour de la présidentielle, ne peut-on pas considérer que Jean Luc Mélenchon renverse les rôles ? La France Insoumise n'est-elle pas en train de "ramer", comme le dit le leader de la FI, pour les autres plutôt que l'inverse ?

Olivier Gracia : Jean-Luc Mélenchon aimerait être le porte-parole des grands oubliés de l’élection d’Emmanuel Macron. Gonflé d’orgueil depuis son score à l’élection présidentielle, Jean-Luc Mélenchon croit en ses chances… Il reconnait cependant une première défaite, celle de la rue, qui a été insuffisamment mobilisée lors des premières réformes du Président. Si l’appareil démocratique lui a fait défaut, à quelques points seulement du seuil du second tour, il mise aujourd’hui sur une réaction populaire pour tenir en échec les promesses libérales du Président Macron. Le véritable gagnant de l’éclatement de l’échiquier politique traditionnel aussi soudain qu’inattendu, c’est bien Emmanuel Macron qui tient chacune de ses promesses électorales, sans craindre l’opposition légale des institutions comme l’opposition réelle de la rue. L’effondrement de la gauche socialiste, la lente reconstruction de la droite républicaine et le silence du Front National, profitent à la France Insoumise, qui parvient à porter sa voix dans le débat, tant par la férocité de son discours que par ses coups d’éclat. Mais pour combien de temps encore ? 

En déclarant : « La ligne politique et mes objectifs n'ont rien à voir avec ceux du FN ou des nationalistes. Mais tous ces gens rament pour moi d'une certaine manière », Jean-Luc Mélenchon concède paradoxalement un lien de filiation entre les ambitions anti-européennes du Front National et les siennes. Il espère ainsi assumer le rôle de chef de file de ces idées, comme porte-parole sain d’un combat contre la « mondialisation sauvage » et le libéralisme effréné d’une Europe du grand capital. Les années 30, qui sont assez similaires à la période que nous traversons, démontrent au contraire que ce sont bien les mouvements nationalistes qui ont fini par prendre le dessus sur les partis communistes en dérobant le vote des ouvriers et des petits fonctionnaires, tout en bâtissant leur idéologie contre le système et ses élites, politiques comme financières. 

Ne peut-on pas également faire un parallèle avec les Etats Unis, en considérant que l'élection de Donald Trump a également pu être rendue possible par l'émergence de Bernie Sanders ? Le simple constat que les pays européens disposant d'une gauche radicale forte (Espagne, Grèce) sont dépourvus de partis de type Front national ne renforce-t-il pas également cette idée que le travail de sape européen que délivre Jean Luc Mélenchon pourrait ne pas lui "profiter" ?

L’élection de Donald Trump a aussi été rendue possible par une critique soutenue de l’establishment américain, aussi bien partagée par les électeurs du parti Républicain que par les supporteurs de Bernie Sanders. Le candidat Bernie Sanders a participé à la construction de l’idée qu’Hilary Clinton était la candidate du système, ce qui a évidemment permis à Donald Trump de populariser ses thèses contre l’élitisme américain. L’Espagne et la Grèce sont d’excellents modèles pour Jean-Luc Mélenchon, car ces deux pays ont la particularité d’avoir une extrême-gauche forte et une extrême-droite plutôt marginale. Néanmoins, le schéma politique français est plutôt différent avec une extrême-droite qui a su tirer profit de la crise, en cumulant des scores électoraux assez impressionnants depuis 2007-2008. La chance historique de la France Insoumise est l’effondrement, sûrement temporaire, du Front National qui est assailli par ses plus fidèles lieutenants. Le tour de force de Jean-Luc Mélenchon serait alors de s’emparer de la base populaire du Front National, celle qui a progressivement délaissé l’extrême gauche et le Parti Communiste Français pour nourrir les rangs de l’extrême-droite.  Néanmoins, la France insoumise est aussi divisée idéologiquement que le Front National avec des députés et des militants en constante rébellion et réaction avec la ligne républicaine et jacobine du parti à l’instar de Danielle Obono qui s’était prononcée en faveur des « stages racisés, en non-mixité » du syndicat d’enseignants Sud 93. 

Comment évaluer les risques pris par Jean Luc Mélenchon dans cet affrontement politique ?

En réalité, Jean-Luc Mélenchon a tout à y gagner ! Jean-Luc Mélenchon mise sur la jeunesse, les classes moyennes, les petits fonctionnaires et les grands oubliés du début du quinquennat de Macron pour solidifier son mouvement, et en faire un véritable parti d’élection. En cas d’absence prolongée du Front National, Jean-Luc Mélenchon peut s’imposer comme le « candidat unique de l’anti-système » avec un monopole politique des thèses anti-européennes et anti-libérales.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !