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Jean-Luc Mélenchon, instrument 
de la revanche de la France du "non" 
à la Constitution européenne
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Second Round

Le candidat du Front de gauche, désormais troisième homme de la campagne, se définit comme une "réplique de 2005". Il a su créer une dynamique en ralliant à lui les "nonistes", électeurs de gauche déçus par François Hollande.

Eddy  Fougier

Eddy Fougier

Eddy Fougier est politologue, consultant et conférencier. Il est le fondateur de L'Observatoire du Positif.  Il est chargé d’enseignement à Sciences Po Aix-en-Provence, à Audencia Business School (Nantes) et à l’Institut supérieur de formation au journalisme (ISFJ, Paris).

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Atlantico : Jean-Luc Mélenchon a déclaré la semaine passée, pour expliquer sa forte poussée dans les sondages : "Qu'est-ce qu'il se passe ? Il se passe la réplique de 2005". Cette comparaison entre sa campagne présidentielle et le "non" au référendum sur le traité constitutionnel européen a-t-elle un sens ?

Eddy Fougier : Je pense qu'effectivement, il y a des similitudes évidentes. A l’époque, il y a eu une dynamique dans le « non de gauche », comme on l’a appelé, dynamique que l’on retrouve dans la campagne de Jean-Luc Mélenchon. Il est soutenu par des catégories sociologiques comme les enseignants, les cadres moyens de la fonction publique, beaucoup de militants d’Attac. C’est cette population-là qui appelle depuis des années une rupture vis-à-vis des contraintes européennes et que veut une autre politique que celle des socialistes, celle de Lionel Jospin ou celle de François Hollande s’il était élu.

On peut appeler cet électorat les « néo-communistes ». Ils ont refusé le tournant de la rigueur en 1984, le traité de Maastricht en 1992, l’évolution des socialistes au pouvoir avec Jospin et le traité européen de 2005. Tout ce courant de la gauche, qui n’est pas socialiste, est plus visible en période de crise. C’est elle qui a  nourri la dynamique autour d’Attac, de l’altermondialisme en France et aujourd’hui autour de Mélenchon.

Cette élection a-t-elle un goût de second round, après la victoire de 2005, pour ces électeurs ?

En quelque sorte, puisque je suis persuadé que les contraintes budgétaires vont forcer Hollande, s’il est élu, à faire du sarkozysme à visage humain. C’est difficile à admettre pour un électeur de gauche. Voter Mélenchon peut donc pour eux être une stratégie pour « rosir » un peu la politique du candidat socialiste. Cela est comparable à 2005, quand les « nonistes » de gauche avaient réussi à dévier la campagne sur le referendum sur le thème : « pour ou contre le libéralisme économique ? », alors qu'en général, les campagnes européennes tournent autour  de l’idée : « pour ou contre l’Europe ? ». A l'époque, il y avait beaucoup de débats sur la concurrence de la Chine, les délocalisations, les fermetures d'usines, la directive Bolkenstein et son fameux plombier polonais. Tout cela a fait que le discours du "non" a été extrêmement dominant. Les même craintes se retrouvent aujourd'hui.

En plus se greffe là-dessus un clivage entre le peuple et les élites. On le voyait en 2005 dans les rédactions, où les journalistes de base étaient pour le non et les éditorialistes et les directions pour le oui. Dans les médias, mais aussi dans d’autres milieux, les élites ont du mal à comprendre le peuple et ont tendance à considérer qu’il est ignorant, rétrograde, raciste, misogyne. C’est une critique sur laquelle Sarkozy met l’accent en critiquant les bobos, et Jean-Luc Mélenchon en profite aussi.  Il y a cette dimension typiquement française où le peuple aime bien imaginer refaire la révolution à chaque élection  et couper la tête des privilégiés.

Cette campagne donne l’impression que le monde extérieur n’existe pas. L’électorat se rassure avec des valeurs traditionnelles, Sarkozy essaye de récupérer l’électorat de Marine Le Pen et la gauche ressort une musique révolutionnaire qui rassure un électorat qui a besoin de ça. C’est des vieux disques et des vieilles rengaines. La sortie de Cloclo pendant la campagne est peut-être révélatrice !

Pourquoi cette dynamique apparait-elle aujourd’hui, et non pas en 2007 ?

Les « nonistes » avaient essayé en  2007 de surfer sur la vague de 2005, mais ça avait été un échec car ils étaient trop divisés : le Parti communiste avait un candidat, le NPA aussi… Il y a eu une petite dynamique autour de José Bové, qui était censé représenter ces « nonistes », mais cela n’a pas eu de succès. Il a fallu attendre 2012 pour que cette dynamique apparaisse. Quand Mélenchon a débuté sa campagne, il faisait 8-9%, et était au niveau des suffrages des candidats de la gauche radicale de 2007. Mais depuis, il y a une dynamique évidente. Est-ce qu’elle va durer, je ne sais pas.

Cela s’explique par le fait que Jean-Luc Mélenchon fasse une bonne campagne. Il a une réelle capacité de mobiliser un électorat qui attendait depuis des années un tribun à la Georges Marchais, qui véhicule une volonté de rupture avec le libéralisme et la mondialisation. Il remplit bien ce rôle dans la campagne. Dans une victoire, il y a aussi des éléments structurels. Les dynamiques se font autour d’un homme qui arrive à capter l’air du temps. C’est ce qu’avait fait avec brio Sarkozy en 2007 et que semble faire Jean-Luc Mélenchon aujourd’hui.

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