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L’échec du rêve fou de l’alpiniste qui voulait dormir en haut de l’Everest
©GlacierWorks

Bonnes feuilles

Octobre 1990. L'alpiniste français Marc Batard tente l'impossible : passer une nuit à l'endroit le moins hospitalier de la planète : le sommet du monde. Une tentative en forme de leçon de courage pour l'écrivain Frédéric Thiriez dans son livre "Marc Batard, fils de l'Everest", publié chez First Editions.

Six jours de mauvais temps et toujours ce vent… Nouvelle tentative le 1er octobre, nouveau repli imposé par les conditions épouvantables au-dessus de 8 000 m. La troisième sera-t-elle la bonne ? Le 3 octobre, Marc repart du camp de base. Erik est resté au camp 2. La météo s’amé- liore un peu. Le 5 octobre, il faut tenter l’assaut. Erik, déjà au camp 4, part à 3 heures du matin pour le sommet avec deux sherpas. Marc quitte le camp 3 quelques heures plus tard. Arrivé au col sud, il aperçoit le groupe de tête au-dessus et réus- sit à le rejoindre vers 6 400 m. Pourtant, il n’a pas d’oxygène. À 16 heures, ils atteignent le sommet sud (8 750 m), franchissent le « ressaut Hillary » et sont au sommet principal à 17 heures.

Marc jubile : c’est la deuxième fois qu’il gravit l’Everest sans oxygène. Mais ce n’est pas tout ! Maintenant, il faut bivouaquer. Il y a longtemps que Marc s’y prépare, techniquement et morale- ment. Creuser une grotte assez profonde dans la neige – il lui faudra presque deux heures pour ce faire – et s’y coucher, tout habillé dans son duvet.

Une tente ne serait d’aucune utilité : dehors, il fait – 40 °C et le vent dépasse 100 km/h. Christine Janin, avant de redescendre avec Erik et les sher- pas, s’inquiète des gelures qui apparaissent sur le visage de Marc. Il est vrai que, dans la montée, il n’était pas protégé par un masque à oxygène… Il avait certes mis sur son nez un petit masque en néoprène, mais il l’avait vite enlevé car la glace empêchait l’air de passer et il avait l’impression d’étouffer. Après les embrassades et les consignes de prudence d’usage, ses compagnons le laissent, seul, dans sa « grotte ».

« Dans ces instants de solitude extrême, j’ai l’impression d’être très loin du monde des humains, tel un cosmonaute sorti dans l’espace, le froid et la fatigue en plus », dira-t-il73. Avant tout, s’occuper ! Il empoigne sa radio pour faire la liaison avec le camp de base, enlève ses moufles pour être plus à l’aise et constate avec horreur que les premières phalanges de ses doigts sont blanches. Elles gèlent ! S’il reste là, il va perdre ses doigts, et sans doute son nez. Tout ça pour la « gloire » d’avoir dormi au sommet de l’Eve- rest. Non ! Cela n’en vaut pas la peine. Est-ce le guide de haute montagne, formé à la sécurité, qui parle, ou simplement l’homme qui tient à la vie ? En tout cas, il s’équipe et s’élance dans la descente vers le col sud, en pleine nuit, au risque de dévisser sur l’arête, emporté par le vent violent. Le lendemain, il est de retour au camp de base, sain et sauf mais étouffé par la colère et la frustration. Il a perdu son pari, son rêve, encore une fois. Nouvel échec ! « Mais non ! » pense-t-il, se rappelant les sages paroles de Hillary : ce qui compte, c’est de redescendre vivant. L’échec, c’est de mourir là-haut. Savoir renoncer, c’est faire preuve de courage.

Extrait de "Marc Batard, fils de l'Everest", publié chez First Editions.

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