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Affaire Guérini : extraits de conversations téléphoniques compromettantes
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Association de malfaiteurs

Déjà pénalement ciblé pour avoir renseigné son frère sur une enquête en cours, Jean-Noël Guérini s'est fait complice des méfaits de son frère Alexandre Guérini lors d'une conversation téléphonique enregistrée. Extraits de "Main basse sur Marseille et... sur la Corse" de Jean-Michel Verne.

Jean-Michel Verne

Jean-Michel Verne

Jean-Michel Verne collabore à Paris-Match, La Tribune de Genève et a récemment publié Main basse sur Marseille… et la Corse (Nouveau Monde éditions).

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[ Les dizaines d’heures d’écoute menées par les gendarmes marseillais depuis début 2009 prouvent en effet qu'Alexandre Guérini appelait constamment les élus du département pour leur demander des faveurs. "Le jour où j’ai appris que mon frère téléphonait, j’ai pris une colère (...), a expliqué Jean-Noël Guérini dans le procès-verbal de l'audition. Je condamne les coups de téléphone de mon frère, je condamne les initiatives prises par mon frère, je trouve ça anormal."
Et pourtant...]

Le 27 avril 2009. Alexandre et Jean-Noël ont une conversation où ce dernier informe son frateddu qu’une enquête judiciaire est en cours.

Jean Nöel : C’est un enculé quand même. Mais enfin il faut rien dire hum.(Rires)

Jean-Noël : Je peux rien dire parce que ban c’est mon ami qui me le signale hein.

Alexandre : Hein.

Jean-Noël : Eh voilà hein. Parce qu’il voulait boui agui euh l’operazione (inaudible) en parigi gizaï Y un ami, euh (inaudible) ils s’en sont aperçu.

Alexandre : Hum.

Jean-Noël : Non non ils ont voulu faire ça local.

Alexandre : Eh ouais.

Jean-Noël : Eh, il me dit je t’expliquerai tout demain. Euh bon Il me dit. Il veut… Ce connard il veut jouer l’élection. Il me dit je pouvais pas te parler je l’avais à côté de moi cette dinde. (Bruit)

Jean-Noël : Ouais mais il me dit. Y a. Il me dit bon il me dit l’enquête préliminaire sera ouverte. À mon avis ça doit être pour les décharges Alex.

Alexandre : Eh qu’est-ce que tu veux que ce soit ?

Jean-Noël : Hum. Mais de toute façon au bout de trois ans y’a prescription ils peuvent rien faire.

Alexandre : Mais qu’est-ce qu’on s’en cague.

Jean-Noël : Ouais.

Alexandre : Si je te dis que j’ai rien à me reprocher je sais de quoi je parle non ?

Jean-Noël : Ouais ouais ouais absolument.[…]

Cette nouvelle écoute est fondamentale, voir essentielle dans les charges que le magistrat va retenir par la suite contre l’élu marseillais. On le voit, le président du Conseil général commet en quelques phrases une noria de faits répréhensibles. Le premier, presque caricatural, celui d’inciter à faire disparaître les documents compromettants, c’est une injonction « Dibarassa a duto », ce qui signifie « débarrasse tout ». C’est donc que l’élu a bien connaissance que dans le business d’Alex il y a quelques perles qui ont de quoi passionner un juge aussi compétent que Charles Duchaine. Premier aveu.

Deuxième aveu, les faits incriminés concernent bien l’activité des décharges : « À mon avis, ça doit être pour les décharges Alex ». Le grand frère sait donc que quelque chose de pourri règne au royaume d’Alexandre. Le drame shakespearien est lancé avec un nouvel aveu qui traduit une nouvelle fois la complicité : « de toute façon au bout de trois ans il y a prescription ».

Jean-Noël Guérini évoque ici la prescription relative à certains délits financiers. C’est donc qu’il a bel et bien connaissance de ces délits. Le juge Duchaine ne doit plus que densifier son dossier pour accumuler les preuves. Celles qui vont établir de manière irréfutable l’existence de délits dans les activités d’Alexandre. Il ne reste plus qu’à s’appuyer les écoutes pour établir le lien de causalité.

On note au passage que Jean-Noël Guérini, décidément très imprudent, cumule les gaffes en évoquant les confidences de sa gorge profonde. Une gorge profonde omniprésente qui semble tout savoir des développements de la procédure en cours.

Mais la satisfaction des gendarmes n’allait pas s’arrêter là. Ils n’en croient pas leurs oreilles en constatant qu’Alexandre Guérini ne va mettre que huit minutes pour obtempérer aux injonctions du frère. À 17 h 21[1] il joint son fidèle Philippe Rapezzi au siège de la société SMA Environnement. Les propos tenus par Alexandre Guérini sont à peine croyables. Cet homme qui ne cesse d’affirmer qu’il n’a rien à se reprocher et qu’il « s’en cague » semble manifestement déstabilisé et semble paniquer à son tour sans vouloir pour autant laisser transparaître son anxiété :

Alexandre : Vous… Euh… regardez euh… sur votre bureau il faut rien laisser traîner d’accord ?

Philippe : Ah mais là je suis en route pour La Ciotat. Merde. Bon je reviens ce soir.

Alexandre : Non mais ça fait rien.

Philippe : D’accord.

Alexandre : Vous allez à La Ciotat ou vous redescendez de La Ciotat ?

Philippe : Ah non je je là je pars pour La Ciotat là. Je suis en route pour La Ciotat là.

Alexandre : Non mais quand vous redescendez essayez de faire en sorte de… Non de façon ya rien du tout.

Philippe : Comme vous voulez. Si vous me dites qu’il faut que je passe au bureau moi je repasse au bureau, y’a pas de soucis.

Alexandre : Non, non non. Dans le coffre y’a rien ?

Philippe : Euh non y’a rien.

Alexandre : Ben voilà.

Philippe : J’ai pas souvenir hein ?

Alexandre : Voilà.

Philippe : D’accord donc je pense que tout est bon. Si voilà, je pense qu’on est bon partout. À moins que vous vous ayez mis quelque chose. Mais moi j’ai rien mis.

Alexandre : Non non. Bon Ok on fait comme ça.

« À moins que vous ayez mis quelque chose ». Il est ici donc clair que certains documents détenus par Rapezzi sont potentiellement compromettants. De quoi s’agit-il ? C’est désormais la quête du juge Duchaine qui n’aura de cesse de découvrir ce qu’Alexandre Guérini, couvert par son élu de frère, cherche à dissimuler. L’autopsie, nous dirons même le dépeçage judicaire du système Guérini est en route et la pression commence quelques jours plus tard à peser sur les épaules des frères de Calenzana.

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Extraits de Main Basse sur Marseille.. et la Corse, Nouveau Monde Éditions (22 mars 2012)


[1] Procès-verbal de transcription, 18 mai 2009, cote D3376.

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