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Ces obstacles qu'il reste encore à lever pour que France et Algérie "se tournent ensemble vers l'avenir"
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Les jours qui chantent

Emmanuel Macron était en visite hier en Algérie et a déclaré "vouloir tourner la page du passé". Force est de constater que les obstacles restent nombreux.

Atlantico : Dans une interview donnée à El Watan, Emmanuel Macron a déclaré : " J’ai le regard d’un homme de ma génération, d’un Président élu sur un projet d’ouverture. Je connais l’histoire, mais je ne suis pas otage du passé. Nous avons une mémoire partagée. Il faut en tenir compte. Mais je souhaite désormais, dans le respect de notre histoire, que nous nous tournions ensemble vers l’avenir". Quelles sont encore les obstacles existants pour "se tourner ensemble vers l'avenir" ? "

Ahmed Rouadjia : Parmi les obstacles qui pourraient ralentir quelque peu la dynamique des rapports au plan tant politiques qu’ économiques entre les deux pays sont de deux ordres : la question de l’indépendance du Sahara occidental, qui empoisonne les relations algéro -marocaines depuis des décennies, et la question de « la repentance » réclamée par le président Bouteflika à l’occasion de son discours prononcé en français le 14 juin 2000 devant l’Assemblée nationale française et en présence de son hôte, le président Jacques Chirac. Pour ce qui concerne le premier point, l’Algérie a toujours reproché à la France de pencher en faveur des thèses marocaines qui nient au peuple sahraoui son droit à l’autodétermination conformément à la Charte des Nations Unies et au principe du droit « des peuples à disposer d’eux-mêmes ». Pour l’Algérie politique, l’appui qu’elle apporte au peuple sahraoui pour recouvrer son indépendance s’inspire de ce principe issu du droit International, et que de ce fait les accusations portées par le Maroc contre l’Algérie accusée d’ingérence dans les affaires marocaines sont dénuées de tout fondement.

Or, malgré les déclarations de neutralité entre les deux pays faites  par Macron depuis son élection à la tête de l’Etat, neutralité qu’il vient de réitérer dans l’interview accordée à El Watan, l’Algérie demeure sceptique et soupçonne la France d’appuyer en catimini les revendications marocaines sur le Sahara occidental.

Quant au second point, qui porte sur ce terme à connotation religieuse-la repentance-, il a été récupéré et exploité  dans tous les sens par les anti-français qui sont nombreux en Algérie, et cherchent à faire payer à la France les crimes qu’elle a commis en divers endroits durant sa présence en Algérie. Ces anti-français, qui n’hésitent cependant pas à faire de longues files d’attente devant les consulats français d’Algérie pour obtenir un visas pour se rendre en France qui pour des visites familiales, qui pour des soins, et qui pour un séjour de longue durée, exigent de la France la même reconnaissance que celle qu’elle a accordée aux Juifs déportés et exterminés par le régime de Vichy. Ce lobby anti-français se trouve au sein et en dehors du gouvernement et c’est lui qui s’efforce de torpiller les rapports entre les deux nations…

Dans cette volonté de dépassement, Emmanuel Macron appuie son propos par un souhait d'intensifier les échanges économiques entre les deux pays. "L'axe fort" recherché par Emmanuel Macron peut-il reposer sur une vision principalement économique ? 

Je pense que « le souhait » économique de Macron englobe aussi la dimension politique, car  les deux aspects sont indissociables. Si Macron sait que l’Algérie est un marché économique très important en raison des richesses matérielles ( pétrole  , gaz et autres..) qu’elle recèle, et humaine ( 41 millions d’habitants en 2017), il sait également que l’Algérie constitue un rempart redoutable contre le terrorisme  tant interne que régional. L’axe fort recherché  par Emmanuel Macron va donc au-delà du facteur  purement économique et vise une collaboration politique et policière entre les deux pays dans le domaine de la lutte contre l’émigration clandestine, la criminalité organisée, et  le terrorisme international auquel les deux pays sont confrontés. Or, en ce domaine, la France aura beaucoup plus besoin de l’Algérie que celle-ci n’en a besoin d’elle. Macron en est conscient et sa visite « amicale » d’aujourd’hui à Alger, s’inscrit dans cette perspective multiforme..

Comment anticiper l'après  Abdelaziz Bouteflika  dans cette perspective de dépassement du passé ? 

Les hommes passent, l’Etat, les institutions demeurent. La démission ou la disparition du président Bouteflika n’affectera pas les rapports entre les deux Etats, car ce qui lie les deux pays comme dépit amoureux, « passion véhémente », histoire, culture et souvenirs communs (bons ou mauvais..) transcendent  les caprices ou les sautes d’humeur passager des hommes politiques qui président au destin de leurs nations respectives. La France et l’Algérie, du fait des facteurs signalés, mais aussi en vertu de la proximité géographique et de la mixité constituée par le triptyque émigration/immigration/transplantation, sont devenues depuis belle lurette un quasi  « couple » inséparable en dépit de tout. Compte tenu de ces facteurs, les deux pays, qu’ils le veuillent ou non,  sont condamnés indépendamment  de l’intérêt purement mercantile à dépasser leurs différends, à tourner, tôt ou tard, la page, et à passer outre. Impossible que ces deux pays puissent se passer l’un de l’autre, en dépit de la différence culturelle et religieuse qui les sépare.

Ce  qui lie l’Algérie à la France, et vice versa, ce n’est pas seulement le intérêts économiques, c’est aussi  l’amour et la haine, la fascination et la répulsion qu’ils se vouent réciproquement. Même si Macron peut penser ou envisager que l’Algérie peut constituer  un gros débouché pour les produits manufacturés de la France, il n’ignore pas aussi  qu’elle est politiquement  « utile» dans  la mesure ou elle la forme la pointe avancée de la lutte contre le terrorisme dans la région au sud du Sahara où les « fous d’Allah » attisent partout le feu de la haine et de la passion…

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