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LR, J-6 avant l’élection : mais au fait, la campagne a-t-elle permis d’y voir plus clair sur la refondation de la droite ?
©BERTRAND GUAY / AFP

A droite toute ? Vraiment ?

Dans six jours 234 908 adhérents aux Républicains sont invités à élire le nouveau président du parti lors de la session du Congrès. Après deux défaites cuisantes à l'élection présidentielle et aux législatives, le temps est à la refondation côté LR.

Maxime  Tandonnet

Maxime Tandonnet

Maxime Tandonnet est un haut fonctionnaire français, qui a été conseiller de Nicolas Sarkozy sur les questions relatives à l'immigration, l'intégration des populations d'origine étrangère, ainsi que les sujets relatifs au ministère de l'intérieur.

Il commente l'actualité sur son blog  personnel

 

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Atlantico : Le dimanche 10 décembre prochain, les 234 908 adhérents "les Républicains" à jour de cotisation sont invités à participer à l'élection à la présidence de leur parti lors de la session du Congrès. Comment cette campagne à la présidence, qui s'est dessinée depuis l'élection d'Emmanuel Macron à la présidence, a-t-elle changé au parti ? Le parti y a t il gagné quelquechose "intellectuellement" ? 

Maxime Tandonnet : Les échecs électoraux de 2017 ont représenté un traumatisme infini pour LR qui se situait dans la logique d’une alternance et d’une victoire quasi certaine après l’effondrement du quinquennat de M. Hollande. A l’issue du plus effroyable scandale politique de l’histoire de la Ve République pendant une campagne nationale, LR a été battu par un homme que nul ne connaissait quelques années auparavant et qui n’était autre que l’ancien conseiller et ministre de l’économie du président sortant... Puis aux législatives, LR mordait de nouveau la poussière devant un parti LREM tout juste sorti du néant. Pour le mouvement héritier du courant gaulliste, c’était plus qu’une défaite, une humiliation. Comme souvent, les moments les plus tragiques, quand le fond de l’abîme est atteint, sont propices à une remise en question fondamentale. Un rapport sur la refondation des Républicains a été rédigé et publié en novembre 2017. C’est un beau texte qui renouvelle profondément les conceptions du mouvement : appel au renouveau du débat d’idées, rejet du culte du chef, volonté de répondre aux questions de fond qui préoccupent les Français, sur l’avenir de la nation, les frontières, l’intégration, la maîtrise des flux migratoires, l’identité de la France. Pour les opposants à cette évolution, le réflexe de Pavlov est à la caricature et l’on parle de droitisation ou de « lepénisation ». Or, écouter ce qu’ont à dire 60 à 80% des Français, tenter de leur apporter une réponse à la fois réaliste et respectueuse des droits fondamentaux, ce n’est rien d’autre que la démocratie, et non la « droitisation ».

Frédéric Rouvillois :Plutôt que de « changer » le parti  à proprement parler, cette campagne pour la présidence effectuée dans le cadre d’une France macronisée me semble avoir confirmé une tendance lourde et déjà ancienne, celle qui était apparue au grand jour en novembre 2016 avec la victoire écrasante de François Fillon au premier tour des primaires  de la droite -  lorsque l’outsider sarthois, le bourgeois en veste de chasse  soutenu par les anciens de la Manif pour tous avait littéralement pulvérisé les « Modernes », « Bruno » et « NKM »,  bousculé Nicolas Sarkozy, et distancé le prétendument indépassable Alain Juppé. Après le désastre de la présidentielle puis la transhumance immédiate de la gauche du parti vers les sirènes du macronisme, la campagne actuelle a permis de clarifier les choses, tout en confortant l’ancrage foncièrement conservateur du parti, ou du moins, de ses militants et adhérents. En somme, cette campagne a changé le parti en lui-même, lui permettant de s’assumer tel qu’il est, c’est-à-dire, tel qu’il est devenu.

 Peut-on dire pour autant que le parti LR a « gagné quelque chose intellectuellement » à cette salutaire clarification des lignes ? Je serais tenté de répondre que non, que c’est un peu tôt –tout simplement parce qu’il n’en a pas eu le temps, dans la mesure où, sur ce plan, les choses ne se font pas en trois jours, ni même en trois mois. Comme le remarquait tout récemment Geoffroy Didier, le directeur de campagne de Laurent Wauquiez, il y a, chez les militants LR « un réel désarroi, des doutes », mais aussi l’idée que « la priorité  de demain, c’est la reconstruction du parti. Il va falloir réinventer une droite républicaine intelligente qui ne soit plus dans une opposition sectaire systématique. » Une droite qui ne se contente pas de dupliquer à l’envers les positions de la majorité, quand elle ne s’épuise pas à courir après… Une droite qui, pour cela, doit savoir ce qu’elle est, où elle en est et où elle compte aller…  En somme, ce qui lui manque pour l’instant - et ce à quoi aspirent les militants, mais aussi les responsables -, c’est une réelle doctrine, sur laquelle pourra se fonder une stratégie, puis un programme propre, pensé et mûri.

 Ceci dit, les choses avancent, notamment parce que le triomphe du Macronisme a fermé à triple tour certaines portes, du moins à ceux qui n’acceptent pas de se dissoudre dans le « grand centre » avec armes, bagages et principes. C’est parce qu’il y est acculé que le parti LR se trouve contraint de repenser ses fondamentaux, d’accepter un devoir d’inventaire systématique–et, à mon sens, de s’interroger sur ce que peut signifier aujourd’hui le fait d’ « être conservateur », dans un univers politique ramené par le rasoir d’Occam du président Macron à une opposition bipolaire entre conservatisme et progressisme. Ce qui tombe bien, Laurent Wauquiez apparaissant idéologiquement conservateur, au sens précis du terme, y compris dans les réticences, les prudences et la modération qui caractérisent certains éléments de son discours :  à beaucoup d’égards, il aurait eu toute sa place dans le Dictionnaire du conservatisme que nous venons de publier, aux éditions du Cerf, avec mes amis et collègues uniuversitaires l’historien Olivier Dard et le publiciste Christophe Boutin.

À ce propos, il serait néanmoins opportun de songer à la création d’un Think tank conservateur, suffisamment indépendant du parti LR pour garder distance et objectivité, et suffisamment innovant pour pouvoir participer de façon active à la reconstruction intellectuelle de cette « droite en ruines ».

​Selon des propos rapportés par le Financial Times, le politologue français Laurent Bouvet indique que Laurent Wauquiez réitère la stratégie victorieuse de Nicolas Sarkozy en 2007, notamment sur les thèmes de l'identité et de l'immigration, à la différence que le probable futur numéro 1 du parti doit aujourhdui composer sans les centristes, partis chez LREM. Les "centristes" ont il réellement rejoint Emmanuel Macron ? Dans un tel cas, ne s'agit il pas d'un moyen de sortir de la confusion idéologique existante au sein du parti, sur les questions européennes par exemple ? 

Maxime Tandonnet : Les choses sont plus compliquées que cela. Une partie des centristes ont rejoint le camp de M. Macron : le modem, une partie de l’UDI. Cependant, une autre partie des centristes reste plus ou moins solidaire de LR, autour de M. Morin assez proche des idées de LR. De plus, la mouvance centriste reste très instable et adaptable. Elle peut basculer dans un camp ou dans un autre en fonction des rapports de force et de ses intérêts électoraux. Mais il est vrai que la recomposition se poursuit. On sent bien que les choses continuent à bouger. Le schéma de type UMP comme union « du centre et de la droite » avec forte prédominance des idées centristes, est dépassé. C’est plutôt le RPR du début des années 1980 qui est en train de se reconstituer, une formation conservatrice, qui mettra en avant le libéralisme économique et la défense de l’identité de la France, sa culture, ses traditions, le refus du communautarisme, la sécurité et la maîtrise des frontières. Une partie des personnes tentées par l’abstention ou un vote de protestation par dépit et désespoir, pourra se retrouver dans cette approche. En revanche, sur l’Europe, un ton nouveau est à inventer qui concilie les points de vue. Le fond idéologique des sympathisants de LR n’est pas anti-européen. L’enjeu, pour les futurs dirigeants du mouvement, n’est pas de vouloir sortir de l’Union européenne, mais de l’arracher à une logique bureaucratique qui la ronge insidieusement, la démocratiser et la rapprocher des citoyens et des nations pour revenir à l’idéal d’une union toujours plus étroite entre les peuples.

Frédéric Rouvillois : Si tous les centristes n’ont pas encore rejoint le camp du président Macron, que ce soit par un reste de fidélité, par attentisme ou par méfiance, il est probable que la plupart d’entre eux le feront sans états d’âme lorsque Laurent Wauquiez aura achevé sa conquête du parti LR. Tout au plus les moins audacieux émigreront ils vers les partis-tampons qui jouent le rôle de sas d’entrée, et permettent ainsi d’en être sans trop le dire en attendant de franchir le pas. Ce qui aura pour conséquence - certains ajouteraient, pour avantage -, de liquider ce qui subsistait encore de l’UMP, alors que son fondateur et premier président, Alain Juppé, reconnaît publiquement avoir « beaucoup de points de convergence avec Emmanuel macro », et fort peu d’atomes crochus avec Laurent Wauquiez.

 Comme on l’a indiqué à l’instant, cela ne suffira pas pour autant à sortir le parti LR de la « confusion idéologique existante », laquelle résulte moins de la présence des centristes, que de l’absence d’une réflexion doctrinale structurante, qui s’imposerait par-delà les positions individuelles des uns et des autres. Ses proches assurent que Laurent Wauquiez se présente plus volontiers comme historien que comme conseiller d’État : peut-être se souvient-il alors de la profonde remarque de Jules Michelet, dans son Histoire de la révolution française : « ceux qui vivent, vivent d’une idée ; les autres, ce sont les morts. » Si LR veut vivre, il lui faudra une idée, un corpus intellectuel, le sien, à partir duquel il pourra se reconstruire et se (re)mettre en ordre de bataille. Sur l’Europe, en particulier, enjeu crucial pour l’avenir - et en particulier pour la droite, si elle entend ne pas se noyer dans le « grand mouvement central » que Juppé a proposé au président Macron pour les élections européennes de 2019 -, il est sans doute temps de relancer la réflexion. Et d’oser aller au-delà, en ampleur et en profondeur, des propositions tantôt maigrelettes, tantôt ambiguës, développées par Wauquiez dans un récent entretien au Figaro. Et il en va de même sur beaucoup d’autres plans, de l’écologie, qui pourrait occuper une place centrale dans le discours revitalisé d’une droite conservatrice, à l’organisation des territoires, de l’agriculture à l’insécurité culturelle, de l’identité à la laïcité, etc..

Quelles sont les forces et les faiblesses de ces nouveaux "LR" qui se profilent, aussi bien au niveau idéologique qu'au niveau électoral ?

Maxime Tandonnet : Tout le problème tient à l’image de la politique. Il ne suffit pas de convaincre des militants mais de toucher le cœur de la France. L’image que donnent les responsables politiques, depuis des décennies, est accablante. Les gens ont le sentiment que les politiques sont obnubilés par leurs intérêts personnels, leur carrière, leur obsession maladive d’accéder à l’Elysée puis de s’y maintenir et par conséquent ne se préoccupent plus de l’intérêt général. C’est pourquoi ils ont donné un grand coup de balais à la classe politique traditionnelle en 2017. Mais par un incroyable ironie de l’histoire, les nouveaux ne font pas mieux que les anciens… L’enjeu fondamental, pour M. Laurent Wauquiez et les nouveaux dirigeants de LR, c’est de rompre avec cette vision. Il faut arriver à prouver aux Français leur détermination à en finir avec une politique qui se limite le plus souvent à la communication et à la posture. Il faut réussir à les convaincre de leur volonté de réhabiliter une politique de l’action efficace et authentique, tournée vers le monde réel et non les chimères et les manipulations. Le défi est gigantesque. Le contexte politique est plutôt favorable aux nouveaux dirigeants de LR : avec l’effondrement du PS et la crise du FN, ils se présentent comme la seule alternance crédible dans les années à venir. On peut présumer qu’une usure du pouvoir accélérée guette les dirigeants actuels. Cependant, elle ne profitera à LR que si mouvement réussit à faire passer le message d’une volonté absolue de probité, d’en finir avec le culte du « je », de restaurer la politique comme un mode d’action tourné vers le seul bien commun. Le défi est de taille… 

Frédéric Rouvillois : Leur force, c’est la possibilité, à terme, de retrouver une cohérence, intellectuelle, doctrinale, et donc, politique. Ce qui permettrait, on l’a dit, d’établir une stratégie et un programme clair. De sortir de la confusion pour offrir aux Français une véritable alternative–et non pas un bricolage programmatique dérisoire manifestement impuissant à exorciser ce que Laurent Joffrin appelle « le spectre redoutable d’une démocratie sans alternance ». La formule est bien vue, et devrait faire réfléchir. La force d’un parti LR reconstruit autour d’un corpus doctrinal solide serait donc de donner à la droite une chance de ne pas être condamnée à la minorité à perpétuité.

 La principale faiblesse ? C’est la tentation, par souci de rassembler, de mettre beaucoup d’eau dans son vin, d’édulcorer les principes en vue de récupérer les voix perdues du centrisme :  tentation inévitable, certes, tentation terrible, mais parfaitement vaine, dès lors que l’on ne battra pas Macron sur son propre terrain, et hautement périlleuse, en ce qu’elle démontrerait à l’opinion l’insincérité d’une droite sacrifiant tout à ses ambitions électoralistes.  Ce n’est pas en cédant à cette tentation que la droite sortira des marges et se rapprochera du pouvoir : c’est en se souvenant qu’en politique, tout désespoir est une sottise absolue - et en entreprenant patiemment sur elle-même l’effort de reconstitution intellectuelle qui lui permettra, le jour venu, de se présenter comme une alternance.

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