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Le pari ou... le péril jeune ? Ces explosions politiques que la « génération radicalité » pourrait nous réserver
©Reuters

Vu de chez Mélenchon, vu de chez Macron

Depuis toujours, le vote des "jeunes" s’est manifesté à travers l’adoption de comportements électoraux moins modérés, davantage portés vers les offres politiques "alternatives".

Esteban  Pratviel

Esteban Pratviel

Esteban Pratviel est chef de groupe pour la société de sondages Ifop.

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Selon un article publié par Libération, Jean-Luc Mélenchon ferait actuellement un "pari jeune", pour donner un second souffle à son opposition à Emmanuel Macron. Au-delà du leader de la France insoumise lui-même, et en prenant en compte les divers offres politiques pouvant être qualifiées de "radicales", assiste-t-on à l’émergence d'une jeunesse plus radicale qu'elle ne l'était par le passé ?

Esteban Pratviel : Le vote des jeunes s’est toujours démarqué de celui de leurs aînés et de la moyenne nationale. Il s’est ainsi manifesté à travers l’adoption de comportements électoraux moins modérés, davantage portés vers les offres politiques « alternatives ». L’élection présidentielle de 2012, et les élections intermédiaires qui l’ont suivie, ont cependant fait état d’un changement de trajectoire, témoignant d’une homogénéisation des comportements électoraux des jeunes par rapport à l’ensemble de la population, si l’on met de côté les différentiels de participation. L’élection présidentielle de 2017 s’est inscrite en rupture par rapport aux précédents scrutins. On a assisté à une « re-singularisation » du vote des jeunes de moins de 25 ans. 29% des moins de 25 ans ont voté pour Jean-Luc Mélenchon (contre 19,6% en moyenne), 23% ont préféré Emmanuel Macron (contre 24% en moyenne), 21% ont opté pour Marine Le Pen (contre 21,4% en moyenne), tandis que François Fillon (12% contre 19,9% en moyenne), Benoît Hamon (8% contre 6,3% en moyenne) et Nicolas Dupont-Aignan figurent à un niveau en-dessous (4% contre 4,8% en moyenne). L’offre politique « plus radicale » ou « moins modérée » présentée par le candidat de la France Insoumise a ainsi conquis une proportion conséquente de jeunes, tandis que l’offre « plus radicale » située de l’autre côté de l’échiquier politique – celle présentée par Marine Le Pen – n’a pas séduit davantage que la moyenne.

Il est difficile de relier ce comportement électoral « radical » à la crise économique et sociale de ces dernières années. Les jeunes que l’on interroge dans nos enquêtes font plutôt partie d’une génération née pendant la période des « 30 piteuses », même si le nombre de 30 années est sans doute inexact. Certains d’entre eux ont fait partie, en raison de leur précarité, des premiers ayant subi l’échec des différentes politiques mises en place au cours de cette période, les amenant à adopter par des comportements politiques « alternatifs », c’est-à-dire à s’abstenir ou à se tourner vers des offres politiques « plus radicales ».

Alors qu'Emmanuel Macron a largement mobilisé les catégories les plus éduquées parmi ses électeurs, en est-il de même pour la jeunesse ? Cette radicalité s'exprime-t-elle également chez les jeunes ayant les plus hauts niveaux d'éducation, comme cela peut être le cas aux Etats-Unis avec Bernie Sanders ?

Le comportement des jeunes électeurs français semble différer légèrement de celui des jeunes électeurs états-uniens, même si la comparaison est périlleuse en raison des différences d’offres politique.

L’enquête Ifop réalisé spécifiquement auprès des 18-25 ans pour l’ANACEJ en mars 2017 révélait des clivages similaires au sein de la population des jeunes qu’au sein de l’ensemble de la population. La radicalité s’exprimait alors plutôt à travers des intentions de sur-vote en faveur de Marine Le Pen chez les jeunes les moins diplômés. 58% des jeunes de 18 à 25 ans ayant un diplôme inférieur au baccalauréat et 46% de ceux n’ayant « que » le baccalauréat envisageaient en effet de voter pour la candidate du Front National contre 29% pour l’ensemble de leur génération. On observait également des intentions de sur-vote en faveur de Jean-Luc Mélenchon à ce moment de la campagne chez les jeunes les plus diplômés (19% chez les diplômés du 1er cycle et 22% parmi ceux du 2e ou du 3e cycle contre 14,5% en moyenne), mais la corrélation entre intention de vote et niveau de diplôme était moins évidente (19% également chez les jeunes ayant un diplôme inférieur au baccalauréat, contre 13% de ceux ayant leur baccalauréat et 12% des jeunes en cours d’étude). S’agissant des intentions de vote en faveur d’Emmanuel Macron, elles étaient effectivement davantage exprimées chez les jeunes en cours d’étude et les plus diplômés (31% des étudiants, 37% des diplômés du 1er cycle et 27% des diplômés du 2e ou du 3e cycle). Néanmoins, ce clivage s’observe dans l’ensemble de la population et n’est pas spécifique aux jeunes.

Est-il possible d'estimer la propension des électeurs à modifier leur vote avec l'âge ? Les jeunes "radicaux" d'aujourd'hui auront ils plutôt tendance à conserver un même vote, ou plutôt à "rentrer dans le rang" des grands partis de gouvernement ?

La propension des électeurs à modifier leurs votes dans le temps est difficile à évaluer. Il conviendrait d’ailleurs de réaliser davantage d’études à ce sujet malgré les contraintes. Nous observons toujours de nombreuses similitudes entre les scrutins organisés depuis de nombreuses années, traduisant peu d’évolutions des votes dans le temps. Mais nous noterons que les Français, et notamment les jeunes, sont de plus en plus défiants vis-à-vis du personnel et des institutions politiques et donc de moins en moins attachés à une famille ou des étiquettes politiques. Cette modification des comportements n’introduit toutefois pas de bouleversements ; elle influe surtout sur le fait de participer et de voter pour un candidat ou non. Très marginaux sont les électeurs des Républicains à se tourner vers le Parti Socialiste par exemple. En revanche, et c’est particulièrement le cas lors des élections intermédiaires, ils peuvent choisir massivement de ne pas se déplacer, contribuant alors à un changement significatif de rapport de forces électoral.

L’élection présidentielle de 2017 marque cependant une rupture par rapport aux précédentes élections. Elle se place en effet sous le signe de l’inédit, avec l’élimination dès le premier tour des candidats issus des partis ayant dominé la vie politique française depuis de nombreuses années, et l’apparition de nouvelles forces politiques. En raison des modifications du paysage politique et des rapports de forces, il deviendra difficile de conserver son vote élections après élections.

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