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Pour relancer 
le pouvoir d'achat des Français, 
il faut encourager la concurrence
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Comment doper le pouvoir d'achat

Comment relancer le pouvoir d'achat des Français ? Quelques propositions concrètes. Ce lundi : favoriser la concurrence (Episode 1/5 de notre feuilleton).

Emmanuel Combe

Emmanuel Combe

Emmanuel Combe est vice-président de l'Autorité de la concurrence et professeur affilié à ESCP-Europe. Il est également professeur des universités.

Spécialiste des questions de concurrence et de stratégie d’entreprise, il a publié de nombreux articles et ouvrages, notamment sur le modèle low cost (Le low cost, éditions La Découverte 2011). Il tient à jour un site Internet sur la concurrence.

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Si l’on en croit les sondages récents, le thème du pouvoir d’achat reste, avec l’emploi, la préoccupation majeure des Français. Pourtant, si l’on s’en tient aux seules statistiques, l’inquiétude de nos concitoyens semble paradoxale : alors que notre pays a dû affronter une crise économique sans précédent, les Français ont vu leur pouvoir d’achat augmenter au cours des dernières années, à un rythme annuel de 1,2. Les économistes n’ont pas manqué d’expliquer ce décalage, en invoquant notamment l’essor de nouvelles dépenses contraintes (téléphonie mobile et Internet, etc) qui vient grever le budget des ménages. Pour autant, le sentiment d’un déclin du pouvoir d’achat perdure et constitue en tant que tel un vrai sujet politique, qui ne peut rester sans réponse.

Commençons tout d’abord par définir la notion de pouvoir d’achat : c’est la quantité de biens et services que l’on peut  s’acheter avec  un revenu. Il dépend donc de  deux variables : le niveau de revenu et le niveau des prix. En effet, ce qui compte, c’est moins ce que l’on gagne sur sa « fiche de paie » que ce que l’on peut réellement s’acheter avec.  Les pouvoirs publics disposent donc de deux leviers pour agir : les revenus et les prix.

La tentation la plus fréquente pour doper le pouvoir d’achat consiste à augmenter la fiche de paie, notamment en revalorisant les bas salaires. Mais les marges de manœuvre en la matière sont aujourd’hui assez étroites, le SMIC horaire étant déjà en France l’un des plus élevés de l’OCDE. De plus, plusieurs effets pervers risquent de se produire, si le SMIC augmente fortement : les entreprises, notamment dans les secteurs abrités de la concurrence mondiale, répercuteront cette hausse dans le prix de leurs produits, substitueront du capital au travail, voire délocaliseront leur production dans les secteurs à forte intensité en travail non qualifié.

Une autre tentation pour redonner du pouvoir d’achat aux Français est de bloquer les prix temporairement. Ce type de mesure relève à vrai dire de la « politique de l’autruche » : ce n’est pas en bloquant le thermomètre que l’on empêche la température de monter. Pire encore, le blocage des prix risque d’engendrer plusieurs effets pervers :

  • lorsqu’une entreprise est contrainte sur son prix de vente, elle est tentée de dégrader la qualité du produit pour reconstituer sa marge
  • le blocage des prix est anti-redistributif puisqu’il profite également aux ménages aisés. Il est plus judicieux d’augmenter les revenus de transfert en direction des ménages les plus fragiles ou les plus exposés à la hausse de certains prix comme l’essence
  • le blocage des prix n’étant pas éternel, la sortie du blocage risque d’engendrer un effet de rattrapage. En ce sens, le blocage n’est qu’un moyen de reporter dans le temps –et sur d’autres responsables politiques- le problème, au risque de l’amplifier.

Quelles politiques permettraient d’augmenter durablement le pouvoir d’achat des Français ? La réponse est bien connue de tous les économistes : le meilleur allié du pouvoir d’achat, c’est une croissance plus forte. En effet, un rythme de croissance plus soutenu engendre des revenus supplémentaires, que ce soit au travers de créations d’emplois ou de hausse des rémunérations permises grâce aux gains de productivité.  Mais la croissance ne se décrète pas ! Elle se construit dans la durée, au travers de politiques structurelles  de longue haleine (éducation, investissement dans la recherche-développement, etc).

Nous voyons ici que les décideurs politiques sont pris dans un véritable dilemme : les mesures de court terme comme le blocage des prix sont inefficaces mais donnent le sentiment du volontarisme politique ; les politiques de long terme sont efficaces mais ne répondent pas à l’impatience légitime d’une partie de la population.

Mais ce dilemme n’est pas insurmontable : une solution consiste à miser sur des réformes qui ont à la fois un effet visible et durable. En la matière, il existe un outil qui a fait ses preuves depuis bien longtemps : la concurrence. La concurrence engendre un double dividende : elle offre aux consommateurs des prix plus bas et des produits plus variés aujourd’hui ; elle stimule la croissance et l’emploi demain. Et tout cela sans grever les finances publiques.

Lorsque l’on évoque la concurrence et les baisses de prix, la crainte qui s’exprime aussitôt est celle du bon curseur, du bon dosage : jusqu’où doit-on aller ? Si la baisse de prix doit se traduire par une diminution de la qualité intrinsèque du produit –la sécurité par exemple- ou par une application au rabais du droit du travail, il s’agit d’une politique en trompe l’œil : ce que les consommateurs gagnent en prix, ils le perdent en tant que salariés ou en termes de qualité.

Mais le renforcement de la concurrence n’implique pas nécessairement de sacrifier la qualité ou le droit des salariés sur l’autel des prix bas : il suffit pour cela de mettre en place des règles du jeu et de les faire respecter. Ne soyons pas frileux au point de refuser toute concurrence, au motif qu’elle peut engendrer parfois des dérives ou des excès. Tout est question de dosage et de régulation.

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